Page images
PDF
EPUB

1

fracture plus ou moins bien réduite, laissant subsister un certain degré de raideur articulaire ou d'atrophie musculaire, qu'un médecin déclare incurable, qu'un autre médecin promet d'atténuer ou de guérir par un traitement approprié.

<< Entre l'ouvrier blessé qui peut avoir les prétentions les plus exagérées et le patron ou son assureur, qui, parfois, n'offre rien, ou fait des offres évidemment insuffisantes, le juge conciliateur doit pouvoir émettre un avis, indiquer à l'ouvrier que ses prétentions sont inadmissibles, à l'assureur que ses offres sont sûrement inférieures à ce que le tribunal accorderait.

<< Pour émettre un tel avis, il faut une base d'appréciation.

[ocr errors]

<< Bien que les estimations soient nécessairement arbitraires, la jurisprudence n'a pas tardé, en Allemagne, depuis la loi du 6 juillet 1884, et, en Autriche, depuis la loi du 28 décembre 1887, à établir pour les principales lésions un maximum et un minimun d'invalidité. M. le D'Georges Brouardel, dans une intéressante étude, a résumé cette jurisprudence en y ajoutant ses propres observations. En Italie, l'article 73 du

décret du 25 septembre 1898 a fixé, pour les principales invalidités, un tarif obligatoire, nos tribunaux peuvent s'inspirer aussi de ce docu

ment.

« Il n'en est pas moins vrai qu'un tarif absolu est impossible à établir. Pour des lésions identiques en apparence, il est juste de tenir compte de la profession et de l'âge du blessé. D'autre part, il est rare qu'un membre soit tout à fait perdu le plus souvent les membres sont conservés, mais leurs mouvements sont limités. »

M. Duchauffour a noté les accords passés devant lui et a donné des tableaux très intéressants dans lesquels il a consigné le résultat des conciliations pendant douze mois (1901-1902).

Je crois que tout ce qui sera fait pour arriver à une entente rapide rentrera dans les intentions du législateur et bénéficiera au blessé. D'abord elle lui épargnera les frais d'un procès, puis une autre raison intervient, qui a selon moi une gravité particulière.

Je prends un exemple :

Un charpentier est blessé peu gravement en octobre 1899. L'affaire vient en 1900 devant le tri

bunal de première instance, en appel en 1901; la cour, frappée des contradictions relevées entre les certificats délivrés dans cette longue période de temps, me commet comme expert. Je vois le blessé en 1902. Il n'était plus difficile d'établir la réalité des faits. Cet homme, comme beaucoup de ses compagnons, buvait alors qu'il travaillait, un ou plusieurs apéritifs. Mis au repos, il continua, peut-être même il exagéra la consommation journalière. Pendant 18 mois, il était légitime de se demander si son accident n'avait pas eu pour suite un état de neurasthénie traumatique; en 1902, le doute n'était plus possible, il eut devant moi une attaque d'épilepsie absinthique typique. Les désordres imputables à l'accident d'octobre 1899 étaient guéris depuis de longs mois, mais son désœuvrement, pendant la longue durée du procès, l'avait presque fatalement condamné à des habitudes qui lui ont créé une incapacité absolue et définitive d'exercer sa profession de charpentier. Il n'accepte pas, ai-je besoin de le dire, cette explication, il rapporte toutes ses souffrances à l'accident et a voué une haine implacable à ceux qui n'interprètent pas les faits comme lui-même.

Mais même en admettant que l'ouvrier ne devienne pas alcoolique il est certain que pendant toute la durée du procès le blessé s'abstiendra de travailler et se soignera mal. M. Duchauffour estime que l'ouvrier a tout à gagner à une entente avec le patron ou la compagnie d'assurances. «En considérant comme définitif en conciliation, un certain degré d'invalidité, l'ouvrier touche un capital, il accepte alors les occupations qu'il peut trouver et perd la préoccupation du procès à soutenir. Par l'exercice du membre, la raideur peut s'atténuer; en cas de perte d'un doigt ou d'une phalange, l'exercice amène une accommodation que l'ouvrier n'aurait pas pu prévoir au début. Les médecins, ajoute M. Duchauffour, l'ont souvent remarqué, le règlement du sinistre est un merveilleux traitement (1) ».

Pour toutes ces raisons je fais des vœux pour que le législateur, les tribunaux, hâtent de tout leur pouvoir le moment où intervient une solution définitive.

(1) Duchauffour, loc. cit.

6. Poursuites devant les tribunaux.

Si l'appel en conciliation a échoué, l'affaire entre dans la phase judiciaire et un expert est nommé par le tribunal. En vertu d'une modification apportée à la loi du 9 avril 1898 par une loi du 22 mars 1902, toutes les fois qu'une expertise médicale est ordonnée soit par le juge de paix, soit par le Tribunal ou par la Cour d'appel, l'expert ne pourra être le médecin qui a soigné le blessé, ni un médecin attaché à l'entreprise ou à la société d'assurances à laquelle le chef d'entreprise est affilié, ce qui est juste, car il ne faut pas que l'expert puisse avoir intérêt à favoriser, même inconsciemment, l'une des parties.

Comme expert, le médecin doit prêter serment; si les parties sont majeures, il peut demander aux avoués d'en être dispensé par les parties, mais si des mineurs sont intéressés dans l'affaire, il est obligé de prêter serment devant le tribunal. Cette formalité remplie, le médecin réunit dans son cabinet les avoués qui lui présentent les certificats du médecin traitant

« PreviousContinue »