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Il est maintenant démontré que ces lésions peuvent provenir du traumatisme subi peu d'heures auparavant. Quand un individu possède dans son organisme des microbes pyogènes, il suffit parfois d'une violence, même légère, pour que s'établisse en quelques heures une suppuration considérable, absolument hors de proportion avec le traumatisme initial. L'étiologie de ces affections peut être rapprochée de celle de ces énormes abcès laiteux, décrits sous ce nom par Puzos, survenant après l'accouchement, sans réaction fébrile et qui sont cependant la preuve manifeste d'une infection puerpérale.

Le cancer peut-il se développer à la suite d'un traumatisme?

Dans le public, on admet comme un fait établi que le cancer du sein survient d'ordinaire après un coup, un choc.

Au point de vue médical, rien ne me semblait moins prouvé, lorsque le fait suivant vint ébranler quelque peu ma conviction :

Un jeune homme de quinze ans et demi tombe du haut du talus des fortifications dans le fossé ;

à la suite de cette chute, il n'y eut pas d'accidents graves, mais quelque temps après le malade fut pris de douleurs abdominales; par la palpation, on sentait dans le ventre des noyaux durs, mobiles, qu'aucun traitement ne parvint à faire disparaître. Le malade succomba et à l'autopsie on trouva un cancer de l'intestin et du cœur.

c. Neurasthénie traumatique

Cette affection, qui fut d'abord observée chez les victimes des accidents de chemins de fer et qui reçut les noms de railway-spine, de railway brain, d'hystérie traumatique, peut survenir à la suite d'un traumatisme autre, mais violent.

Les symptômes les plus ordinaires sont des maux de tête accompagnés d'insomnies, de cauchemars, de troubles intellectuels et psychiques. Cet état morbide est permanent, mais entrecoupé de crises paroxystiques survenant parfois plusieurs fois par jour (1).

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(1) Vibert, Etude médico-légale sur les accidents de chemin de fer, 1888. - Contribution à l'histoire de lanévrose traumatique (Ann. d'hygiène publique et de médecine légale, 3° série, 1893, t. XXIX, p. 97 et 228).

Le pronostic de la maladie est assez difficile à établir; le médecin doit montrer la plus grande réserve. Dans les cas les plus favorables, la névrose traumatique dure plusieurs mois, mais souvent beaucoup plus longtemps et même toute la vie.

On a souvent prétendu que la névrose traumatique n'était qu'une simulation. Il est certain que la personne qui en est atteinte peut de bonne foi, ainsi que je l'ai déjà dit, s'exagérer la valeur des symptômes qu'elle ressent; les médecins des compagnies de chemins de fer ont affirmé que bien souvent les malades étaient améliorés et rapidement guéris dès le prononcé du jugement leur accordant l'indemnité qu'ils réclamaient.

Sans contredire cette observation, il faut remarquer que la personne atteinte de neurasthénie traumatique est, par le fait de son accident, dans un état d'anxiété perpétuel, tout lui est une occasion d'excitation, une lumière trop vive, un bruit imprévu. Elle porte sur l'issue du procès cette vive préoccupation qui parfois touche à l'obsession. Le jugement,

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quel qu'il soit, est pour elle une des causes de son état anxieux. Il en résulte une détente, qui ne prouve pas que les souffrances antérieures étaient simulées, elles étaient entretenues, aggravées par l'attente. Il est certain que beaucoup de personnes atteintes de névrose traumatique n'ont guéri que plusieurs années après le traumatisme ou même sont demeurées complètement incurables.

Le diagnostic est difficile, car il repose sur des symptômes accusés, mais non vérifiables par l'expert; il en est deux toutefois qui existent presque toujours dans la neurasthénie traumatique et qui défient toute simulation, c'est la tachycardie persistante, le pouls étant rarement au-dessous de 110 et atteignant même 130 pulsations minute et le rétrécissement du champpar visuel, accompagné ou non de dyschromatopsie. Dans les accidents du travail, nous avons observé cette névrose à la suite de chute d'un lieu élevé chez des charpentiers, des couvreurs, des maçons, des peintres, à la suite d'explosions, de projections de matériaux ou d'outils, notamment chez des mécaniciens.

d. Conséquences éloignées de l'accident.

L'article 19 de la loi du 9 avril 1898 porte que « la demande en révision de l'indemnité fondée sur une aggravation ou une atténuation de l'infirmité de la victime, ou de son décès par suite des conséquences de l'accident, est ouverte pendant trois ans à dater de l'accord intervenu entre les parties ou de la décision définitive. Le titre de la pension n'est remis à la victime qu'à l'expiration des trois ans. >>

Cet article est parfaitement logique et remédie, dans une certaine mesure, à l'incertitude inévitable de pronostics portés au début ou au cours d'une maladie en évolution. Si, au bout de trois ans, il y a amélioration ou aggravation, une contre-expertise ordonnée permet d'élever ou d'abaisser, suivant le cas, le taux de l'indemnité.

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