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un Congrès international, après sollicitations répétées, les pouvoirs publics se faisaient représenter à la séance d'ouverture, puis disparaissaient. En est-il de même et en sera-t-il de même à l'avenir? Je ne le crois pas et je citerai à l'appui de cet espoir le fait suivant.

Depuis 20 ans, tous les deux ou trois ans il se tient à Paris un Congrès national, convoqué spécialement pour lutter contre la tuberculose. Y prennent part des médecins, des chirurgiens, des vétérinaires. Toutes les questions scientifiques relatives à la tuberculose y ont été résolues. Les décisions sont restées lettres mortes. Mais en 1899, il s'est tenu à Berlin un Congrès antituberculeux. Les initiateurs étaient des médecins également, mais ils avaient eu le bonheur de faire partager leurs convictions aux personnages les plus haut placés dans la hiérarchie sociale. Le grand public, heureux de suivre la voie indiquée par l'Impératrice d'Allemagne, prit part à ces assises. La presse fit retentir la bonne doctrine. On eut la sensation que l'on découvrait un problème social inconnu, l'élan était La profession médicale.

P. BROUARDEL.

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donné et dans le monde entier la guerre fut déclarée à la tuberculose.

Scientifiquement avait-on fait un pas? Je répondrai à peu près négativement. On n'a utilisé dans les conclusions que ce qui était connu de tous les hygiénistes, mais on avait fait sortir la question des enceintes académiques et chacun avait voulu y apporter son concours.

Je suis d'acord avec M. Duclaux: l'hygiéniste ne peut rien sans l'opinion publique. Cependant il serait injuste de ne pas reconnaître que si nous pouvons maintenant l'invoquer, c'est grâce à l'effort continu, d'autant plus méritoire que, pendant 15 ans, il a semblé voué à la stérilité, accompli par un groupe d'hommes qui ont préparé la seconde phase de la lutte, celle dans laquelle nous pouvons entrer aujourd'hui.

A côté de ces critiques un peu sévères, j'en signalerai deux très importantes.

En premier lieu, toutes les personnes qui sont chargées de l'application de la loi ne reçoivent aucune rémunération; s'il y a une enquête elle ne rapporte rien à celui qui en est chargé ; c'est là, ainsi que je l'ai déjà démontré, un défaut grave

de la loi. On donne volontiers son temps et sa peine pendant quelques semaines, mais il est impossible de demander à une personne un dévouement continu, sans le rémunérer de sa peine.

La seconde critique est la suivante. C'est le maire qui, dans les communes est chargé de l'application de la loi et je montrerai dans le commentaire de l'article premier que c'est là le point faible de la nouvelle organisation sanitaire.

Je vais passer rapidement en revue les divers articles de la loi.

ART. I. Dans toute commune le maire est tenu, afin de protéger la santé publique, de déterminer, après avis du conseil municipal et sous forme d'arrêtés municipaux portant règlement sanitaire :

1o Les précautions à prendre en exécution de l'article 97 de la loi du 5 avril 1884, pour prévenir et faire cesser les maladies transmissibles visées à l'art. 4 de la présente loi, spécialement les mesures de désinfection ou même de destruction des objets à l'usage des malades ou qui ont été souillés par eux et généralement des objets quelconques pouvant servir de véhicule à la contagion.

20 Les prescriptions destinées à assurer la salubrité des maisons et leurs dépendances, des voies privées closes ou non à leurs extrémités, des logements loués en garni et des autres agglomérations quelle qu'en soit la nature notamment les prescriptions relatives à l'alimentation en eau potable ou à l'évacuation des matières usées.

Le maire est chargé de l'application de la loi dans les communes; or sur les 36.000 maires que possède la France, combien en est-il qui soient compétents en hygiène ? Si nous en comptons 1000, je suis sûr que nous sommes au-dessus de la vérité et même sur ces 1000 maires compétents, combien prendront les mesures hygiéniques nécessaires? Si la fermeture d'un puisard, l'enlèvement d'un fumier qui contamine un puits ou une source et compromet la santé d'une partie du village est nécessaire, le maire devra prendre un arrêté; et comme il mécontentera de ce fait un certain nombre des habitants qui sont ses électeurs, il y a de grandes chances pour que l'arrêté ne soit pas pris ou s'il l'est, pour qu'il ne soit pas exécuté.

D'autre part, la France a un territoire extrêmement divisé, les villages sont très rapprochés et il importe peu que dans un village isolé, un maire compétent en questions hygiéniques, ait pris des arrêtés pour rendre son pays salubre, s'il est environné de villages insalubres, qui, en dépit de toutes les précautions, répandront les épidémies dans leur voisinage. Les enquêtes,

pour reconnaître l'origine de ces épidémies, sont souvent bien difficiles à conduire, et presque impossibles pour les autorités locales.

Je me souviens qu'à la suite d'une épidémie de fièvre typhoïde survenue à Trouville, je fus chargé d'aller faire, avec M. Thoinot (1), une enquête sur ses causes.

Je me rendis à la mairie, les autorités ne niaient pas l'épidémie, elles en atténuaient la gravité, déclaraient l'eau de Trouville à l'abri de toute souillure, mais nous signalaient l'eau mal captée de Villerville, dont la population, disaientelles, était décimée par la fièvre typhoïde.

Nous nous rendîmes auprès du maire de Villerville; autre cloche, autre son. L'eau de Villerville était indemne de toute souillure, l'état sanitaire était excellent, on ne pouvait le comparer avec celui de Trouville, dont les eaux mal captées avaient engendré une épidémie de fièvre typhoïde parmi la population et les baigneurs.

Afin de mener à bien les enquêtes qui sûrement

(1) Brouardel et Thoinot, Deux épidémies de fièvre typhoïde (Ann. d'hyg. 1891, 3° série, t. XXV, p. 231).

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