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seront nécessaires, nous avions demandé, dans le projet de loi, la création d'inspecteurs de la santé, qui, faisant partie des Conseils d'hygiène départementaux, auraient été à même de connaître l'état sanitaire de toute une région et auraient eu la compétence nécessaire pour juger les mesures hygiéniques urgentes, les soumettre au Conseil et en surveiller l'exécution.

J'aurais désiré qu'il existât en France un corps d'hygiénistes analogue à celui que possède l'Angleterre (1). Celle-ci a 2 à 3000 officiers de la santé, qui viennent visiter les maisons, voir si elles sont bien tenues, surveillent les maladies épidémiques; et, ce qui serait impossible avec notre législation, donnent des renseignements sur la valeur sanitaire des maisons ou logements à louer. Ainsi un particulier voulant louer un appartement se rend chez l'inspecteur, qui, après avoir visité les locaux, ne lui donne jamais de mauvais renseignements, mais donne ou refuse un certificat portant : « Maison salubre, quartier

(1) L'Hygiène publique en Angleterre, le Sanatory Institule, les inspecteurs sanitaires (Ann. d'hyg., 1901, tome XLV, p. 385).

salubre. » Il est facile de se faire une opinion, si l'inspecteur donne le certificat, on peut louer en toute assurance; s'il le refuse, c'est que la maison est insalubre.

Malheureusement en France, à tort ou à raison, on croit qu'il y a trop de fonctionnaires et le Sénat a supprimé les inspecteurs de salubrité, proposés par le gouvernement, de sorte que nous avons une loi sanitaire attendue depuis bien des années, mais personne de compétent pour en assurer l'exécution.

En vertu des articles 2 et 3, le préfet, après avis du Conseil départemental d'hygiène, approuve les règlements sanitaires communaux et si un an après la promulgation de la loi une commune n'avait pas de règlement sanitaire, un arrêté préfectoral lui en imposerait un d'office. En cas d'urgence, c'est-à-dire en cas d'épidémie ou de danger imminent pour la santé publique, le préfet peut ordonner l'exécution immédiate des règlements municipaux, en vertu d'un arrêté du maire, ou, si le maire refuse, par arrêté préfectoral.

Art. 5. La déclaration à l'autorité publique de tout cas de l'une des maladies visées à l'article 4 est obligatoire pour tout docteur en médecine, officier de santé ou sage-femme qui en constate l'existence. Un arrêté du Ministre de l'intérieur, après avis de l'académie de médecine et du comité consultatif d'hygiène publique de France fixe le mode de déclaration.

C'est la confirmation de la déclaration obligatoire des maladies transmissibles déjà contenue dans l'art. 15 de la loi du 30 novembre 1892 (1).

Nous avions proposé que la déclaration fût obligatoire pour le père de famille et en seconde ligne seulement pour le médecin. Cette double obligation supprimait les deux obstacles qui font opposition à son application, d'une part, le médecin craint, en déclarant la maladie, de commettre une infraction au secret médical, d'autre

(1) La liste a été ainsi dressée après avis conforme de l'Académie de médecine et du Conseil d'hygiène. Les maladies dont la déclaration est obligatoire en vertu de l'article 15 de la loi du 30 novembre 1892 sont: la fièvre typhoïde, le typhus exanthématique, la variole et la varioloïde, la scarlatine, la diphtérie (croup et angine couenneuse), la suette miliaire, le choléra et les maladies cholériformes, la peste, la fièvre jaune, la dysentérie, les infections puerpérales (quand le secret de la grossesse n'a pas été réclamé), l'ophtalmie purulente des nouveau-nés.

part il se trouve parfois placé entre son devoir et son intérêt. Il est en effet certaines maladies, surtout les maladies épidémiques, que les clients n'aiment pas beaucoup ébruiter, la famille du malade demande au médecin de ne pas faire la déclaration et celui-ci, pour ne pas mécontenter son client, peut être tenté d'accéder à son désir. Pour cette raison il eût été préférable que l'obligation de la déclaration fût imposée au père de famille. Mais le Sénat, entraîné par des raisons de sentiment, a préféré laisser la responsabilité de la déclaration au médecin.

Quant à la question du secret médical, le médecin n'a rien à craindre, il ne viole pas plus le secret en se rendant au bureau de la mairie pour déclarer une maladie infectieuse, qu'il ne le viole en venant demander un conseil au sujet d'un malade à l'un de ses maîtres, ou en délivrant un certificat pour l'internement d'un aliéné. Toutes les personnes qui ont connaissance de la maladie déclarée par le médecin, c'est-à-dire le secrétaire de la mairie, le maire, etc. sont dépositaires par état ou profession d'un secret qu'ils ne peuvent dévoiler sans tomber sous le coup de l'article

378 du code pénal. C'est un point délicat qui a été jugé dans les circonstances suivantes.

En 1895 une épidémie de diphtérie régnait à Arpajon; un médecin, sur diagnostic établi par des cultures et des examens microscopiques confirmés par le D' Netter, fit cinq déclarations au secrétaire de la mairie. Celui-ci communiqua les feuilles de diagnostic à un conseiller municipal, qui fit paraître dans l'Echo arpajonnais un article, dans lequel il accusait le médecin de chercher à alarmer à tort les familles et déclarait qu'il s'agissait de laryngite et non de diphtérie.

Le médecin intenta des poursuites devant le tribunal de Corbeil et le 27 décembre 1895 le secrétaire de la mairie fut condamné.

L'affaire vint en appel sous le prétexte que le médecin qui fait une déclaration de maladie épidémique agit comme fonctionnaire et que la diffamation à son égard doit être jugée par la Cour d'assises. La Cour d'appel, le 13 juin 1896, réforma le jugement et acquitta le secrétaire de la mairie (1).

(1) P. Brouardel, L'Exercice de la médecine et le charlatanisme, 1899, p. 550.

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