Page images
PDF
EPUB

science médicale a tenu ses promesses. Jamais, depuis Hippocrate, le monde n'a assisté à une révolution aussi bienfaisante que celle qu'a suscitée l'Epopée pastorienne.

On s'est bien à tort étonné de voir un chimiste faire des découvertes qui ont eu des conséquences aussi capitales pour la science médicale. La théorie des fermentations de Pasteur, théorie qui était jusqu'alors demeurée inexplicable, fut la base de toutes les découvertes ultérieures. La fermentation sembla à Pasteur explicable par l'action d'agents que tout d'abord il prit pour des animalcules, mais que bientôt il reconnut être des éléments végétaux : les microbes et les bactéries.

Au début, les découvertes de Pasteur furent reçues avec quelque incrédulité, et même des maîtres, tels que Biot et Dumas, émirent quelques doutes sur l'application que Pasteur voulait faire de sa théorie des fermentations à la contagion de certaines maladies. C'est alors que se présenta un sujet d'études qui fut le triomphe des idées pastoriennes.

Il existait dans le département du Gard de terribles épidémies sévissant sur les vers à soie,

dont la culture, qui faisait la richesse des populations, semblait sur le point d'être anéantie. Pasteur étudia sur place dans les magnaneries la pébrine et la flacherie, deux maladies contagieuses frappant les vers à soie ; il arriva à en cultiver les germes,à les inoculer à des sujets sains, il arriva de même par l'isolement à garantir de l'épidémie des sujets non encore touchés.

Les travaux publiés sur ce sujet par Pasteur (1) sont admirables; on y trouve les lois de la contagion, l'isolement des malades, la désinfection, et il n'y eut plus qu'à mettre en pratique pour l'homme les mesures prophylactiques qui avaient si bien réussi à Pasteur pour les vers à soie.

C'est alors que l'on commença en chirurgie à prendre des précautions opératoires; on isola la plaie de tout contact extérieur par le pansement ouaté d'Alphonse Guérin (2), que bientôt allait remplacer le pansement phéniqué de Lis

(1) L. Pasteur, Les Maladies des vers à soie, 1870.

(2) Alphonse Guérin, Les pansements modernes, le pansement ouaté et son application à la thérapeutique chirurgicale, Paris, 1889.

ter. L'antisepsie était trouvée, vous savez quels merveilleux résultats elle a donnés.

La transmissibilité de certaines maladies par des agents figurés avait déjà été signalée. Davaine avait appelé l'attention sur certains agents de contagion, charbon, maladie des fruits (1) et Tarnier avait déjà dit que chaque année il mourait à Paris 1600 femmes en couche de trop, faute des précautions nécessaires. Il avait fait construire le pavillon d'isolement des femmes en couches à la Maternité.

Je me souviens, qu'alors que je remplaçai Hervieux comme médecin de la Maternité, je tombai en pleine épidémie de fièvre puerpérale et on perdait de 33 à 50 pour 100 des nouvelles accouchées, toutes étaient emportées par la septicémie, ainsi que le tiers des nouveau-nés. Lorsque Tarnier prit le service d'accouchements, et qu'il eut fait construire son pavillon d'isolement, sans aucune antisepsie, puisque la méthode était encore inconnue, il arriva à faire tomber la mortalité à 5 et 6 pour 100.

(1) Davaine, L'Œuvre de Davaine, Paris, 1889.

Le grand mérite de Pasteur a été non pas seulement de découvrir ces agents de contagion,

mais de les cultiver, de préciser leurs modes d'évolution, enfin de les faire agir comme agents vaccinateurs.

Nous raisonnons maintenant sur des faits connus, indiscutables, nous avons relégué dans un passé déjà oublié par les jeunes générations, les discussions, qui ont duré des siècles, sur la spécificité, la spontanéité morbides.

Les théories pastoriennes semblèrent tout d'abord devoir être surtout applicables en chirurgie, mais les travaux des médecins sur les maladies épidémiques, notamment ceux de Villemin, sur la contagion de la tuberculose (1), complétés par la découverte du bacille producteur de la maladie par Robert Koch, prouvèrent qu'il existe en médecine toute une catégorie de maladies transmissibles dont il est possible, moyennant quelques précautions, de se garantir.

Aujourd'hui le peuple sait qu'il est des ma

(1) Villemin, Etude sur la tuberculose, Paris, 1868.

ladies évitables (1), et puisque nous avons émis cette affirmation, nous avons implicitement pris l'engagement de les faire disparaître. Nous devons faire honneur aux promesses de la science. Mettre en garde nos concitoyens contre les dangers qui les menacent, leur permettre d'éviter les maladies, soit exotiques, soit autochtones, n'est-ce pas là l'œuvre la plus désintéressée et la plus noble qui puisse être l'idéal du médecin ?

(1) Brouardel, Les Maladies évitables, variole, fièvre typhoïde (Acad. de méd., 11 nov. 1890 et Ann. d'hyg., 1891, tome XXV, p. 43).

« PreviousContinue »