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H.505 387 1903

PRÉFACE

Depuis vingt ans, l'état social des nations s'est profondément modifié.

En France les œuvres de solidarité se multiplient. Les mutualités comptent aujourd'hui plus de trois millions d'adhérents. La sentimentalité trop platonique des hommes de la fin du xvm siècle, les généreuses aspirations des hommes de 1848 sont devenues des réalités, et jamais en France un effort aussi puissant n'a été accompli pour rendre moins dures les conditions de la vie ouvrière.

La maladie pèse sur l'avenir de la famille des travailleurs avec la plus cruelle sévérité; celle du père ou de la mère est souvent l'arrêt de mort de tous ses membres.

Aussi la première préoccupation du législateur a

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été de dégager de l'ensemble des questions sociales, qui s'imposent à son attention, celles qui se rapportent à la santé publique.

Au moment même où cet élan humanitaire inspirait la Société tout entière, la science médicale subissait une véritable révolution. Grâce à l'œuvre de Pasteur on pouvait proclamer qu'il est des maladies évitables; leurs agents sont connus dans leurs mœurs et dans leurs conditions de vie et de mort.

Les voix les plus autorisées l'avaient déclaré, des guérisons surprenantes avaient prouvé l'efficacité des nouvelles méthodes, leur puissance vis-à-vis des maladies qui précisément jettent l'épouvante dans les familles la rage et la diphtérie.

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Les modes de propagation de quelques épidémies étaient mis en lumière : la tuberculose, la fièvre typhoïde, le cholera, etc. Les populations ont demandé aux médecins de les protéger contre elles, d'agir et de tenir les promesses qu'ils avaient faites au nom de la science.

Les pouvoirs publics, émus par le danger que la dépopulation fait courir à notre nation, ont à leur tour demandé conseil aux médecins. Puisqu'on ne peut forcer les Français à procréer, au moins que l'on empêche de mourir ceux qui sont nés.

La société ne demande donc plus seulement au

médecin de guérir le malade qui se fie à ses soins, mais d'indiquer au gouvernement, aux municipalités, aux diverses collectivités et à l'individu luimême les moyens d'être à l'abri des maladies reconnues évitables.

Le rôle du médecin dans la société n'est plus seulement curatif; il est surtout prophylactique.

L'expérience a montré la puissance de son action sur ce nouveau terrain. Les sociétés de secours mutuels se sont constituées pour se protéger collectivement contre la maladie. Alors que la mortalité était pour toute la France de 1891 à 1895 de 23,7 pour 1000 habitants et de 22 pour la période 1896-1900, la mortalité dans les mutualités a été de 16 pour 1000.

Je sais que ces transformations, que les médecins appelaient de leurs vœux, à l'accomplissement desquelles ils ont concouru avec une énergie méritoire, ont eu pour le corps médical de cruelles répercussions.

J'ai pensé que nous ne trouverions les moyens d'en atténuer les effets que si nous avions une connaissance exacte du régime auquel est actuellement soumise notre profession.

J'ai donc cette année exposé aux élèves de la Faculté le sens des lois récentes qui intéressent le médecin.

Il ne faut pas chercher dans ce petit livre un commentaire de ces lois, j'ai seulement voulu indiquer leurs tendances et leurs conséquences.

Que M. le docteur Reille, qui a bien voulu cette année encore rédiger mes leçons, reçoive mes remerciements pour le concours dévoué qu'il m'a donné.

10 septembre 1902.

P. BROUARDEL.

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