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atteinte à la vie ou à la santé de leurs habitants >>> précise les pouvoirs des municipalités à l'égard de ces logements. En vertu de l'article 1 de cette loi, le Conseil municipal de chaque commune peut nommer une Commission des logements insalubres dont le maire est le président. La Commission a le droit de visiter les locaux signalés comme insalubres (article 3).

Il y eut, à cette époque, un élan de générosité admirable, que les échecs successifs qui ont suivi les tentatives de 1848-52 ont singulièrement atténué : tout le monde était d'accord au sujet de l'utilité de la loi et M. Théophile Roussel disait avec raison :

« Je vous demande si la mise en location d'habitations insalubres n'est pas un abus aussi criminel que la vente de substances de mauvaise qualité et s'il n'est pas aussi obligatoire pour nous de faire intervenir une loi impérative pour empêcher qu'on ne vende à un prix dont vous ne pouvez juger la cherté, puisque c'est au prix de la santé ou même de la vie, cet aliment indispensable qui est l'air. »

Cependant le Parlement n'osa pas formuler

une loi impérative et c'est justement son caractère facultatif qui l'a frappée d'une stérilité que M. Th. Roussel avait dès lors prévue.

<< Si vous ne donnez pas à la loi, disait-il, un caractère impératif, soyez assurés que, dans la plus grande partie des communes, non seulement des communes rurales, mais dans beaucoup de petites villes, de localités de provinces éloignées, là où l'incurie des municipalités est bien connue, soyez certains que personne ne saisira le Conseil municipal de cette question et qu'elle ne sera même pas discutée. Tout le monde sait quelle est l'apathie des municipalités et avec la faculté de faire ou de ne rien faire, il y a pleine certitude que rien ne sera fait. »

La prophétie de M.Th. Roussel s'est pleinement justifiée, et non seulement dans les communes, mais dans la plupart des grandes villes, la loi n'a reçu qu'une application illusoire : la Commission n'a pas été nommée, ou si elle l'a été, elle ne se réunit pas. Mais même dans les villes, six ou sept, où la Commission fonctionne, les résultats ont été très souvent compromis. La Commission dépose bien un rapport, mais c'est le maire qui doit

BROUARDEL. La Profession médicale.

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prendre les mesures administratives pour remédier à l'insalubrité du local appartenant à un de ses concitoyens, et comme cet homme est un électeur, le maire préfère laisser de côté l'avis de la Commission et ne pas risquer de mécontenter un de ses administrés.

Enfin, en cas de poursuites, la lenteur de la procédure est telle que les délais arrivent à être parfois destructifs de la loi elle-même. On a cité une affaire, devenue classique en l'espèce, qui, introduite en 1876, est venue cinq fois devant la Commission des logements insalubres, quatre fois devant le Conseil de préfecture, une fois devant le Conseil d'état et était encore pendante en 1882 devant le Conseil de préfecture (1).

Quand les poursuites aboutissent, le délinquant est condamné à une amende de 16 à 100 francs, qui, s'il existe des circonstances trouvées atténuantes, peut être réduite à un franc.

Mise à exécution laissée au bon plaisir des autorités municipales, insuffisance de sanction,

(1) Peschaud, loc. cit., p. 321. — Fillassier, De la détermination des pouvoirs publics en matière d'hygiène, 1899.

telles sont les deux causes principales de l'inefficacité de la loi de 1850.

Dans toutes les questions qui touchent à l'hygiène, la difficulté n'est pas de faire une loi, mais de l'élaborer de telle façon que l'application en soit aisée et qu'elle soit acceptée sans récriminations.

Lorsqu'en 1852, J.-B. Dumas, alors Ministre de l'agriculture, du commerce et des travaux publics, réorganisa le Comité consultatif d'hygiène, il eut la perception très nette de ce défaut capital. Il est certain que c'est dans une réunion de savants que peuvent être discutés utilement les principes scientifiques qui régissent les questions d'hygiène, les origines d'une épidémie, les moyens à lui opposer, mais tout reste en l'état, parce que ces remèdes lèsent des intérêts considérables, dont médecins, hygiénistes, chimistes ignorent parfois l'existence. Pour remédier à ces inconvénients, Dumas fit entrer dans la constitution du Comité consultatif d'hygiène de France des personnes étrangères aux sciences pures, des administrateurs, des industriels pouvant donner des avis sur les modes

d'application des avis formulés par les hygiénistes.

Ainsi, lorsqu'en 1897 le Comité eut à élaborer un règlement concernant les communications commerciales avec les pays d'où proviennent les maladies exotiques, nous fîmes appel au concours de M. Delaunay-Belleville, alors Président de la Chambre de commerce de Paris et membre du Comité, lui disant : « Voilà ce que comme hygiénistes nous demandons, voyez et rectifiez, de manière à concilier les besoins de l'hygiène avec ceux du commerce. » M. Delaunay-Belleville nous fit modifier quelques articles, qui, par leur forme, prescrivaient des mesures vexatoires pour le commerce et nous proposa de nouvelles rédactions qui donnaient toute satisfaction à l'hygiène et rendaient l'application de ces mesures pratique et presque indifférente au commerce.

Ce règlement fut traduit et accepté presque sans modification en Allemagne et, ce qui en montre bien toute la valeur, en Angleterre où l'on n'accepte cependant guère une entrave, si légère soit-elle, à la liberté du commerce, Thorne

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