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4.

EXERCICE DE LA MÉDECINE, LOI DU

30 NOVEMBRE 1892

Je ne reviendrai pas sur la loi sur l'exercice de la médecine, je l'ai étudiée il y a quelques années (1), je me bornerai à rappeler les quelques conquêtes que nous avons faites suppression de l'officiat de santé, possibilité pour les médecins de former des syndicats et enfin moyens plus efficaces de lutter contre la pratique de l'exercice illégal de la médecine.

La suppression de l'officiat de santé ne souleva que peu d'objections au sein du Parlement. Mais il n'en fut pas de même des syndicats et de l'exercice illégal.

En ce qui concerne la création des syndicats, les pouvoirs publics craignaient, au moment où ils élaboraient la loi sur l'assistance médicale gratuite dans les campagnes, de se trouver en présence d'une coalition des syndicats mettant en échec l'action de l'Etat, des départements et des communes. Au Sénat, l'accord se fit en ajoutant à l'article 13 que l'action des syndicats médicaux

(1) P. Brouardel, l'Exercice de la médecine.

formés pour la défense des intérêts professionnels ne pourrait atteindre l'Etat, les départements et les communes. Mais l'opposition fut des plus vives; les médecins, disait-on, ne devaient pas avoir le droit de se syndiquer, car les clients n'auraient pas l'autorité nécessaire pour lutter contre une telle puissance et ce qui semblait donner corps à cet argument, c'est que des pouvoirs tels que l'État, les départements, les communes, qui eux avaient toute l'autorité nécessaire pour engager la lutte, étaient mis par le gouvernement en dehors de l'action des syndicats.

C'est grâce à M. Loubet, qui alors était Président du Conseil, et qui connaissait les besoins du corps médical, que le Sénat vota l'article 13. II montra que le but des médecins n'était pas de se syndiquer contre les malades, mais de fonder des Sociétés permettant d'établir entre les membres du corps médical des liens de confraternité, d'assistance et de secours dans le malheur, et aussi d'exercer une action plus efficace à l'encontre de ceux qui pratiquent illégalement la médecine. L'article 13 fut voté à une faible majorité et M. Loubet en nous prêtant son appui a rendu

au corps médical tout entier un service dont celui-ci doit lui être reconnaissant.

En ce qui concerne l'exercice illégal, les pénalités sont un peu plus élevées que précédemment, les poursuites sont rendues plus faciles, grâce à l'intervention des syndicats.

Cependant, un point était resté obscur et avait donné lieu à des interprétations diverses par les tribunaux: c'était la question des magnétiseurs, Le fait de prétendre guérir par le magnétisme était-il un acte d'exercice illégal de la médecine? La question des magnétiseurs n'a été qu'effleurée au cours de la discussion de la loi et ce n'était certes pas moi qui voulais l'entamer.

Quand il s'est agi de l'exercice illégal, les sénateurs, qui jusque-là avaient voté un peu à contre cœur les articles proposés, montrèrent quelque hostilité. La discussion se produisait à un moment où l'on parlait beaucoup du magnétisme et le chef d'un groupe important de la gauche du Sénat vint me trouver, car j'étais commissaire du Gouvernement, et me dit que si la loi considérait le magnétisme comme un exercice illégal, le groupe voterait contre. C'était la mort de la loi.

Je montai à la tribune et je donnai quelques explications assez confuses, je l'avoue, par lesquelles je tâchais d'établir que les expériences d'hypnotisme, dites scientifiques par mes contradicteurs, n'étaient pas sans danger, mais n'étaient pas visées par la loi; que ce qui était visé, c'étaient ces pratiques employées par des ignorants dans le but de guérir.

La jurisprudence sur ce point a été très variable.

Certains tribunaux, ceux de Paris, de Lille condamnèrent, se basant sur ce fait que jusqu'en 1892, la jurisprudence avait toujours considéré les pratiques du magnétisme comme des actes d'exercice illégal de la médecine.

D'autre part, le tribunal du Mans, le tribunal et la Cour d'Angers acquittèrent, considérant que si, sous l'empire de la loi de ventôse an XI, qui ne définissait pas l'exercice de la médecine, ces faits pouvaient être réprimés, il ne saurait en être de même d'après la loi du 30 novembre 1892, qui avait défini, quoique en termes très vagues, le dit

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rapport soumis à la Chambre par M. Chevandier de la Drôme, ils se plaignaient du vague des termes de la loi et ajoutaient qu'au cours des délibérations les discours du commissaire du Gouvernement étaient également fort peu explicites sur ce point. C'est également mon avis, mais j'ai donné les raisons pour lesquelles je n'avais pu être aussi clair et aussi affirmatif que je l'aurais désiré.

Depuis quelques années, la jurisprudence concernant les magnétiseurs est définitivement établie par un arrêt de la Cour de Cassation, qui, conforme à l'esprit de la loi, considère les pratiques magnétiques comme rentrant dans l'exercice illégal (1).

5.

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GARANTIE CONTRE LES DANGERS QUE COURENT LES OUVRIERS DANS LES ÉTABLISSEMENTS INDUSTRIELS, LOIDU 12 JUIN 1893.

La loi a pour objet de garantir les ouvriers contre les dangers variés auxquels ils sont exposés dans les établissements industriels.

Dans une première partie, elle s'occupe des

(1) Voy. Brouardel, Exercice de la médecine, 1899, p. 534. Annales d'hygiène, 1901, tome XLV, p. 165.

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