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rien, mon fournisseur est débouté de sa demande. Ce serment est appelé décisoire, parce qu'il termine et décide seul la contestation.

Telles sont les obligations imposées par la loi à tous les commerçants, tels sont les avantages qu'en retirent ceux qui s'y conforment et les inconvénients qui peuvent en résulter pour ceux qui les négligent.

Cependant, nous devons le dire, ceux qui remplissent les prescriptions que nous venons d'indiquer sont peu nombreux; et quoiqu'un plus grand nombre tienne ses livres avec régularité, et fasse tous les ans un inventaire, c'est encore la minorité parmi les patentés. Il est remarquable que les petits marchands et les fabricants croient particulièrement pouvoir s'en dispenser, parce que, disent-ils, ils font peu d'affaires ou qu'ils n'ont pas les capacités nécessaires. Ce raisonnement est faux de tout point; d'abord, ils doivent tenter d'agrandir leurs affaires; ensuite, il est facile de trouver des commis qui viennent le soir donner le temps nécessaire à la régularisation des écritures.

Nous insistons sur ce point, parce qu'il n'y a pas de résultat possible, de prospérité durable sans cette base de tout établissement.

Des maisons de commerce, des négociants mêmes, après avoir fait des affaires considérables qui auraient

suffi à enrichir plusieurs personnes, ont souvent dû leur ruine, après de longues années commerciales, au manque d'ordre et de régularité dans la tenue des livres.

Voilà la cause qui généralement empêche l'ouvrier parvenu à la maîtrise d'arriver à la fortune.

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Il y a encore un autre écueil qui peut atteindre le commerçant dans sa prospérité, quelles que soient la prudence qu'il apporte dans ses affaires, la bonne administration de sa maison, l'économie de ses dépenses; cette cause de ruine, c'est la faillite d'un débiteur imprudent ou de mauvaise foi.

La faillite, qui, dans l'esprit de la loi, est la sauvegarde du commerçant malheureux, est souvent de nos jours le port où viennent s'abriter ceux qui ont cherché dans des entreprises hasardeuses ou des jeux de bourse, la réalisation d'une fortune trop lente à amasser en suivant le sillon commun; ceux qui, pour satisfaire une vie de plaisir et de désordre, ont abusé de la con

fiance qui leur était accordée, en vendant au-dessous du prix d'achat, faisant ainsi à des confrères honorables une concurrence déloyale, qui les prive de tout bénéfice et les conduit à leur ruine; ceux enfin qui organisent leur faillite comme une affaire et s'en font un moyen pour accroître leur capital, s'ils en ont un, ou pour s'en créer s'ils n'en ont pas.

Lorsque ce malheur arrive dans un commerce ou une industrie, ceux qu'il atteint sont tous animés d'une juste indignation, ils réclament contre l'auteur les peines les plus fortes. Mais aussitôt les billets remboursés et rentrés dans les portefeuilles, les lenteurs indispensables des opérations judiciaires apportent dans leur esprit un calme qui dégénère bientôt en indifférence. Des amis, des parents du failli, des créanciers qui veulent sauvegarder leurs intérêts, ou qui sont animés de sentiments bienveillants, viennent les visiter, et, après avoir paru partager leurs sentiments, finissent par leur faire adopter les leurs; ils deviennent leurs mandataires, les représentent à toutes les opérations et votent pour eux au concordat.

C'est de cette manière que s'obtiennent les cinq sixièmes des concordats, cet acte important qui fait juger le passé d'un commerçant; l'absoudre, s'il a été imprudent ou léger; le relever et le soutenir, s'il a été

malheureux; le punir en le retranchant de la vie commerciale, s'il a été coupable.

Plus tard, quand le failli, remis à la tête de ses affaires, a payé ses dividendes, et qu'il étale un luxe insolent, ou quand il recommence le même train de vie qui doit nécessairement le conduire à une nouvelle catastrophe, les victimes se plaignent de la loi, qui est trop douce, des syndics qui ne prennent pas assez les intérêts des créanciers, quelquefois même des juges.

Eh bien ! il n'y a rien de juste ni de fondé dans ces récriminations, rien, si ce n'est la chose dont ils ne se plaignent pas, leur égoïsme et leur indifférence qui les a empêchés de ménager leurs intérêts et de venger la société, alors qu'ils en avaient le droit et que c'était leur devoir.

Je sais que le temps est précieux au milieu de la vie des affaires, et qu'il est quelquefois plus avanta-, geux d'abandonner une créance douteuse dont le recouvrement exigerait des soins et des heures que l'on peut mieux employer. Il ne devrait pas en être ainsi des intérêts que l'on a dans une faillite, ce n'est pas seulement un intérêt privé que l'on a à défendre, c'est un intérêt social. Et, s'il est permis de faire bon marché du premier, il ne peut en être ainsi du second.

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