Page images
PDF
EPUB

pour prévenir les ruptures de l'équilibre politique, et les servitudes qui en résultent sont tantôt négatives, tantôt positives.

1° Par le traité d'Utrecht (1713) la France s'engageait envers l'Angleterre à ne pas fortifier Dunkerque, clause plusieurs fois renouvelée et qui a été abrogée, par le traité de Paris de 1783 (art. 17).

2° Une clause du traité de 1815 obligeait la France envers la Confédération helvétique à démolir les fortifications d'Huningue et à ne pas en élever de nouvelles dans un rayon de trois lieues de la ville de Bàle.

3° A l'issue de la guerre de Crimée, un Congrès se réunit à Paris en 1856 pour déterminer les conditions d'une paix durable. L'Angleterre, invoquant le dogme de l'intégrité de l'empire ottoman, voulut imposer à la Russie toute une série de servitudes qui tendaient à lui interdire de fortifier une grande partie de ses côtes. On aboutit à l'article 13 ainsi conçu: « La mer Noire est neutralisée, ouverte à la marine marchande de tous les les pavillons, ses eaux et ses ports interdits au pavillon de guerre, soit des puissances riveraines, soit de toute autre puissance. La mer Noire étant déclarée neutre, le maintien ou l'établissement sur son littoral de places militaires devient sans objet. En conséquence S. M. l'Empereur de Russie et S. M. le Sultan s'engagent à n'élever et à ne conserver aucun arsenal maritime. » La diplomatie de lord Clarendon parvint même à faire décider que les riverains ne pourraient entretenir pour

la surveillance des côtes que six bâtiments à vapeur de cinquante mètres de flottaison et quatre bâtiments légers ne dépassant pas deux cents tonneaux chacun. Une obligation aussi minutieuse n'est pas de celles qui subsistent longtemps parce qu'elle avait pour effet de blesser la Russie dans son amour-propre. Une des raisons invoquées par cette puissance pour se libérer, fut le caractère humiliant des diverses servitudes qui l'atteignaient. Nous avons dit précédemment comment ces stipulations du traité de 1856 ont été abrogées par la Conférence de Londres (13 mars 1871) (1).

(1) Le principe de la clôture des détroits du Bosphore et des Dardanelles pour les navires de guerre est toujours en vigueur. Cette disposition qui date de 1841 a été confirmée expressément par les traités de 1856, de 1871 et de 1878. Elle constitue une obligation collective de toutes les puissances signataires envers la Porte et aussi les unes envers les autres.

Ce caractère d'engagement réciproque fit l'objet de restrictions assez vaguement formulées par lord Salisbury au congrès de Berlin ; la cause en fut l'annexion du port de Batoum à la Russie, mais les plénipotentiaires de cette dernière puissance ayant déclaré que l'intention de leur gouvernement était d'ouvrir ce port à la navigation internationale, le représentant de l'Angleterre consentit à signer le maintien du statu quo ante relativement aux détroits. En 1885 lord Salisbury à une séance de la Chambre des lords développa la même interprétation contenue dans son langage à Berlin; il en résulterait que l'Angleterre estime que pour avoir le droit de faire pénétrer sa flotte dans les détroits il lui suffirait de négocier avec la Porte l'abrogation de son engagement. M. Geffcken combat cette opinion; d'après lui l'Angleterre déliée par le Sultan serait encore tenue envers les autres puissances signataires, la clôture des détroits ne peut devenir caduque que du consentement des puissances qui l'ont établie. Cette manière de voir nous paraît exacte. Pour plus de détails consulter Gecffken, La question des détroits, R. D. I., t. XVII, année 1885, p. 362.

Quant à la situation de la Turquie, il ne faut pas y voir une ser

4o En 1867, des difficultés s'élevèrent à propos de la place forte de Luxembourg. Un traité signé à Londres le 11 mai de la même année résolut la question en ordonnant la démolition de la forteresse et en attribuant au grand-duché de Luxembourg tout entier, sous la souveraineté de la Maison d'Orange, une neutralité perpétuelle. La situation de cet Etat diffère de celle de la Belgique et de la Suisse en ce que, aucun établissement militaire ne peut être maintenu ou créé sur le territoire luxembourgeois; le grand-duc doit se borner à entretenir des troupes de milice.

5o Le traité de Berlin nous offre encore des exemples de restrictions au droit de sûreté.

L'article 11 dispose « que toutes les anciennes forteresses de la Bulgarie seront rasées aux frais de la principauté, dans le délai d'un an ou plus tôt si faire se peut, gouvernement local prendra immédiatement des mesures pour les détruire et ne pourra en faire construire de nouvelles ». Il est vrai que cette injonction est restée

le

vitude. D'après le traité de Londres (1871) elle a le droit d'ouvrir en temps de paix les détroits aux navires de guerre des puissances amies pour qu'ils lui garantissent son indépendance dans le cas où la Russie la menacerait. La Turquie est donc libre de s'adresser à qui il lui plaira sans avoir à rendre compte de son choix. Donc l'Angleterre ne pourrait légitimement envoyer sa flotte dans la mer Noire que si une demande lui était faite dans ce sens par le Sultan.

Signalons à propos de la Russie la convention signée à Paris le 30 mars 1856 entre la France, l'Angleterre et la Russie aux termes de laquelle cette puissance serait engagée à ne pas fortifier les îles d'Aland et à n'y créer ou maintenir aucun établissement militaire ou naval (De Clercq, t. VII, p. 72).

lettre morte; on peut même se demander si des protestations dans le but de la faire observer ne seraient pas trop tardives.

L'article 29 règle ainsi qu'il suit la condition du Monténégro: «Il y aura pleine et entière liberté de navigation sur la Bojana pour le Monténégro. Il ne sera pas construit des fortifications sur le parcours de ce fleuve, à l'exception de celles qui seraient nécessaires à la défense locale de la place du Scutari, lesquelles ne s'étendront pas au delà d'une distance de six kilomètres de cette ville. Le Monténégro ne pourra avoir ni bâtiments ni pavillon de guerre. Le port d'Antivari et toutes les eaux du Monténégro resteront fermés aux bâtiments de guerre de toutes les nations. Les fortifications situées entre le lac et le littoral, sur le territoire monténégrin seront rasées et il ne pourra en être élevé de nouvelles dans cette zone. »

la

Mentionnons aussi les traités conclus en 1873 par Russie avec le Khan de Khiva et l'émir de Boukhara par lesquels la Russie s'est fait attribuer le droit d'élever sur la rive gauche de l'Amou-Daria dans les limites du territoire de Khiva et de Boukhara, des ponts, des bâtiments de douane, des embarcadères, des magasins ou autres constructions de ce genre.

a) Neutralité du Chablais et du Faucigny.

Le Congrès de Vienne neutralisa le nord de la Savoie faisant partie du royaume de Sardaigne, c'est-à-dire les deux vallées du Chablais et du Faucigny. Ce fut l'œuvre

de l'article 92 de l'Acte final, ainsi conçu : « Les provinces du Chablais et du Faucigny et tout le territoire de la Savoie au nord d'Ugine appartenant à Sa Majesté le roi de Sardaigne feront partie de la neutralité de la Suisse, telle qu'elle est reconnue et garantie par les puissances. En conséquence toutes les fois que les puissances voisines de la Suisse se trouveront en état d'hostilités ouvertes ou imminentes, les troupes de Sa Majesté le roi de Sardaigne qui pourraient se trouver dans ces provinces se retireront et pourront, à cet effet, passer par le Valais si cela devient nécessaire ; aucunes autres troupes armées d'aucune autre puissance ne pourront traverser ni stationner dans les provinces et territoires susdits, sauf celles que la Confédération suisse jugerait à propos d'y placer (1). » Le traité de Paris du 20 novembre 1815 agrandit la région neutralisée : « La neutralité Suisse sera étendue au territoire qui se trouve au nord d'une ligne à tirer depuis Ugine au midi du lac d'Annecy par Faverge jusqu'à Lecheraine, et du lac du Bourget jusqu'au Rhône, de la même manière qu'elle a été étendue aux provinces de Chablais et de Faucigny (2). › Le traité de Turin du 24 mars 1860 fit passer ces territoires sardes sous la souveraineté de la France et il spécifia dans son article 2 que les provinces cédées restaient grevées des mêmes charges que précédemment ; la neutralité était considérée comme une servitude indé

(1) De Clercq, t. II, p. 604.

(2) Article 3 du traité de Paris, De Clercq, t. II, p. 645.

[ocr errors]
« PreviousContinue »