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une justesse de pénétration qui m'a souvent étonné. Son premier mouvement est toujours le vrai; si elle s'y laissait aller, réfléchirait un peu plus et écouterait un peu moins les gens qui la soufflent, dont il y a des armées, et de différentes façons, elle serait parfaite. Le désir de s'amuser est bien puissant chez elle, et comme l'on connaît ce goût, l'on la sait prendre par son faible, et ceux qui lui en procurent le plus et les plus variés, sont écoutés et ménagés.

Avec cela sa situation avec le Roi est singulière; car elle le mène de force à des choses qu'il ne voudrait pas même. Cet homme est un peu faible, mais point imbécile; il a des notions, il a du jugement, mais c'est une apathie de corps comme d'esprit. Il fait des conversations raisonnables, il n'a aucun goût de s'instruire ni curiosité, enfin, le fiat lux" n'est pas venu, la matière est encore en globe.

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Voilà à peu près la situation des choses. Ajoutez à cela que le gouvernement, composé d'un ministre octogénaire, va tant bien que mal; point de vrai système, point de courage, point de fermeté dans l'esprit, enfin on ne cherche que d'aller en avant, sans se soucier de ce qui arrive à droite ou à gauche. . .

...

182.

Sieyes begründet die Konstituierung einer National= versammlung.

17. Juni 1789.

(Thiers, histoire de la révolution française, I, 62 ff. Paris 1834, 4. Aufl.)

L'assemblée, délibérant après la vérification des pouvoirs, reconnaît qu'elle est déjà composée de représentants envoyés directement par les quatre-vingt-seize centièmes au moins de la nation. Une telle masse de députations ne saurait rester inactive par l'absence des députés de quelques bailliages ou de quelques classes de citoyens; car les absents qui ont été appelés ne peuvent empêcher les présents d'exercer la plénitude de leurs droits. surtout lorsque l'exercice de ces droits est un devoir impérieux et pressant.

De plus, puisqu'il n'appartient qu'aux représentants vérifiés de concourir au voeu national, et que tous les représentants vérifiés doivent être dans cette assemblée, il est encore indispensable de conclure qu'il lui appartient et qu'il n'appartient qu'à elle d'interpréter et de représenter la volonté générale de la nation.

Il ne peut exister entre le trône et l'assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif.

L'assemblée déclare donc, que l'oeuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée sans retard par les députés présents, et qu'ils doivent la suivre sans interruption comme sans obstacle.

La dénomination d'assemblée nationale est la seule qui convienne à l'assemblée dans l'état actuel des choses, soit parce que les membres qui la composent sont les seuls représentants légitimement et publiquement connus et vérifiés, soit parce qu'ils sont envoyés par la presque totalité de la nation, soit enfin parce que la représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ces fonctions séparément de cette assemblée.

L'assemblée ne perdra jamais l'espoir de réunir dans son sein tous les députés aujourd'hui absents; elle ne cessera de les appeler à remplir l'obligation qui leur est imposée de concourir à la tenue des états-généraux. A quelque moment que les députés absents se présentent dans la session qui va s'ouvrir elle déclare d'avance qu'elle s'empressera de les recevoir, et de partager avec eux, après la vérification des pouvoir, la suite des grands travaux qui doivent procurer la régénération de la France.

183.

Endgültige Fassung der

Erklärung der Menschen- und Bürgerrechte.')
26. August 1789.

(Procès-verbal de l'Assemblée Nationale, imprimé par son ordre. 5. Bd. Nr. 92.)

Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, et au bonheur de tous.

1) Der Entwurf Lafayettes (geb. 6. Sept. 1757) wurde von der Nationalversammlung am 4. August angenommen.

En conséquence l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre Suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen.

Article I. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que

sur l'utilité commune.

Art. II. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.

Art. III. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer l'autorité qui n'en émane expressément.

Art. IV. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui: ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

Art. V. La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Art. VI. La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Art. VII. Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi, doit obéir à l'instant: il se rend coupable par la résistance.

Art. X. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.

Art. XI. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme: tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi.

Art. XII. La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique: cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

Art. XIII. Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispen

sable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Art. XIV. Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, le nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiète, le recouvrement et la durée. Art. XV. La société a le droit le demander compte à tout agent public de son administration.

Art. XVI. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution.

Art. XVII. Les propriétés étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.2

184.

Brief Rolands an Ludwig XVI.*)

10. Juni 1792.

(Thiers, histoire de la révolution française, II, 100 ff.)

Sire, l'état actuel de la France ne peut subsister longtemps; c'est un état de crise dont la violence atteint le plus haut degré; il faut qu'il se termine par un éclat qui doit intéresser Votre Majesté autant qu'il importe à tout l'empire.

Honoré de votre confiance, et placé dans un poste où je vous dois la vérité, j'oserai la dire tout entière; c'est une obligation qui m'est imposée par vous-même.

Les Français se sont donné une constitution; elle a fait des mécontents et des rebelles: la majorité de la nation la veut maintenir; elle a juré de la défendre au prix de son sang, et elle a vu avec joie la guerre, qui lui offrait un grand moyen de l'assurer. Cependant la minorité, soutenue par des espérances, a réuni tous ses efforts pour emporter l'avantage. De là cette lutte intestine contre les lois, cette anarchie dont gémissent les bons citoyens, et dont les malveillants ont bien soin de se prévaloir pour calomnier le nouveau régime; de là cette division partout répandue et partout excitée, car nulle part il n'existe d'indifférence: on veut

2) Am 5. Oktober erklärte der König schriftlich: „J'accepte purement et simplement les Articles de Constitution et la Déclaration des Droits de l'Homme, que l'Assemblée Nationale m'a présentés."

*) bezieht sich auf das Dekret gegen die unvereidigten Priester und über ein bei Paris zu errichtendes Lager von 20 000 Mann; der König verweigerte die Bestätigung dieser Dekrete. Roland las diesen Brief in Gegenwart des Kabinetts dem König vor.

ou le triomphe ou le changement de la constitution; on agit pour la soutenir ou pour l'altérer..

Votre Majesté jouissait de grandes prérogatives, qu'elle croyait appartenir à la royauté; élevée dans l'idée de les conserver, elle n'a pu se les voir enlever avec plaisir: le désir de les faire rendre était aussi naturel que le regret de les voir anéantir. Ces sentiments, qui tiennent à la nature du coeur humain, ont dû entrer dans le calcul des ennemis de la révolution; ils ont donc compté sur une faveur secrète jusqu'à ce que les circonstances permissent une protection déclarée. Ces dispositions ne pouvaient échapper à la nation elle-même, et elles ont dû la tenir en défiance...

Votre Majesté peut-elle aujourd'hui s'allier ouvertement avec ceux qui prétendent réformer la constitution, ou doit-elle généreusement se dévouer sans réserve à la faire triompher? Telle est la véritable question dont l'état actuel des choses rend la solution inévitable: quant à celle, très-métaphysique, de savoir si les Français sont mûrs pour la liberté, sa discussion ne fait rien ici, car il ne s'agit point de juger ce que nous serons devenus dans un siècle, mais de voir ce dont est capable la génération présente.

Au milieu des agitations dans lesquelles nous vivons depuis quatre ans, qu'est-il arrivé? Des priviléges onéreux pour le peuple ont été abolis; les idées de justice et d'égalité se sont universellement répandues; elles ont pénétré partout: l'opinion des droits du peuple a justifié le sentiment de ses droits; la reconnaissance de ceux-ci, faite solennellement, est devenue une doctrine sacrée; la haine de la noblesse, inspirée depuis long-temps par la féodalité, s'est exaspérée par l'opposition manifeste de la plupart des nobles à la constitution, qui la détruit.

Durant la première année de la révolution, le peuple voyait dans ces nobles des hommes odieux par les priviléges oppresseurs dont ils avaient joui, mais qu'il aurait cessé de haïr après la destruction de ces priviléges, si la conduite de la noblesse depuis cette époque n'avait fortifié toutes les raisons possibles de la redouter et de la combattre comme une irréconciliable ennemie....

La déclaration des droits est devenue un évangile politique, est la constitution française une religion pour laquelle le peuple est prêt à périr. . . .

Dans ce choc des intérêts, tous les sentiments ont pris l'accent de la passion. La patrie n'est point un mot que l'imagination se soit complu d'embellir; c'est un être auquel on a fait des sacrifices, à qui l'on s'attache chaque jour davantage par les sollicitudes qu'il cause, qu'on a créé par de grands efforts, qui s'élève au milieu des inquiétudes, et qu'on aime par tout ce qu'il coûte autant que par ce qu'on en espère; toutes les atteintes qu'on lui porte sont des moyens d'enflammer l'enthousiasme pour elle. A quel point cet enthousiasme va-t-il monter, à l'instant où les forces ennemies réunies au dehors ce concertent avec les intrigues in

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