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tion véritable. Les hommes dont il parlait n'étaient autres que ces courtisans, ces zélateurs du pouvoir qui, sous le spécieux prétexte d'un dévouement sans bornes à son autorité, insultaient aux limites

que la Charte avait tracées. Ceux-là seuls pouvaient déférer à son injonction. Ceux-là seuls aussi pouvaient être soupçonnés de travailler à diviser la garde nationale en factions par des distinctions que la constitution repoussait. L'invitation royale avait évidemment exclusivement en vue les royalistes exagérés.

Quand, dans une proclamation qui suivit de près cette ordonnance, le Roi disait aux armées : « Je m'associais à la gloire de vos triomphes, alors » même qu'ils n'étaient pas pour ma cause », ne voulait-il pas effacer les traces de ces reproches si follement adressés à nos guerriers par des hommes qui leur faisaient un crime de leurs exploits, n'estimant de valeur que celle qui est dirigée contre la patrie, et de gloire que la gloire acquise sous les drapeaux étrangers?

La Chambre des députés s'étant réunie, chargea son président de présenter au Roi son hommage. Il ne faut pas oublier quel était ce président : c'était M. Lainé, que nous verrons opposer à Bonaparte, jusqu'au dernier instant, la résistance la plus invincible; M. Lainé, que nul ne

soupçonnera de tiédeur, de malveillance contre Louis XVIII, ou d'une intelligence secrète avec les ennemis du Monarque. Comment s'exprimaitil dans cette adresse dont il fut à la fois le rédacteur et l'organe?

« Quelles que soient, disait-il, les fautes com>>mises, ce n'est pas le moment de les examiner. >> Nous devons tous nous réunir contre l'ennemi >> commun, et chercher à rendre cette crise profi» table à la sûreté du trône et à la liberté publique. »

Il y avait donc eu des fautes commises? A qui fallait-il les attribuer? De quel genre étaient ces fautes? Pourquoi n'était-ce pas le moment de les examiner? Si elles avaient dû retomber sur les adhérens de Bonaparte, certes l'examen n'eût pas été déplacé; mais elles retombaient sur une portion des hommes qui se disaient les amis du Roi. L'assemblée, témoin de ces fautes, voulait les couvrir d'un voile d'indulgence, pour rallier autour du trône tous les défenseurs de la monarchie. Cependant elle éprouvait le besoin d'indiquer cette indulgence, pour que ceux qui en profiteraient n'oubliassent ni le mal qu'ils avaient causé, ni le pardon qu'on leur accordait. Si elle annonçait que cette crise devait tourner au profit de la liberté publique, c'est que la liberté publique avait été menacée ; c'est que les alarmes conçues

pour la liberté publique aggravaient le danger de l'invasion qu'on voulait repousser, et que pour que la Nation protégeât le gouvernement royal, il était urgent que ces alarmes fussent dissipées.

Il y a encore dans cette adresse une phrase remarquable: « Nous vous conjurons, Sire, disent » les députés, d'user de tous les moyens que la >> Charte constitutionnelle et les lois ont mis entre » vos mains. » Mais l'explication de cette phrase trouvera sa place quand je traiterai des projets des royalistes exagérés, projets contraires aux lois et à la Charte constitutionnelle.

Le discours de M. Lainé, lors de l'ouverture des délibérations, n'est pas moins important à étudier. Il annonce plusieurs améliorations, et toutes les améliorations annoncées sont autant de réparations promises.

Les restrictions attentatoires à la liberté de la presse, avaient produit une impression désastreuse. Aussi M. Lainé assurait-il à la Chambre qu'on travaillait « à des règlemens qui promettaient sans » danger à l'impatience toute la liberté de la presse, » dont l'histoire dira, continuait-il, que nous » jouissons déjà beaucoup. »

Le droit de pétition avait été méconnu. Aussi M. le président disait-il « qu'on se proposait d'a»dopter quelques changemens au règlement, sur

» tout en ce qui concernait le droit de pétition » qu'on voulait consacrer de nouveau et conso>> lider. >>>

L'opinion s'était affligée ou indignée des ordonnances imprudentes dirigées contre la Légion d'honneur, et du mépris plus imprudent encore versé par les habitués de la cour sur un établissement que les zélateurs ombrageux de la liberté avaient vu jadis d'un œil mécontent, mais que les partisans des priviléges ne pouvaient avoir envie de détruire qu'en haine de la révolution et des institutions qu'elle avait créées. L'orateur insistait donc « sur les regrets qu'éprouvait la Chambre de » n'avoir pu changer en résolution cette proposi» tion qui devait maintenir à jamais la Légion>> d'Honneur que l'on voulait doter irrévocable

>> ment. >>

Enfin la faiblesse du ministère avait fatigué toute la Nation, et M. Lainé rappelait en finissant que « de toutes les lois dont on s'était occupé » dans la session dernière, la proposition relative à la responsabilité des ministres était l'objet de » la plus vive sollicitude; et ce n'est pas, ajoutait>> il, dans les circonstances actuelles que le pré»sident doit développer les raisons qui la font >> plus vivement regretter. >>

J'omets une foule de détails, pour m'occuper

le

d'un second discours de M. Lainé, prononcé le 16 mars, après la séance royale. Ce discours est plus remarquable encore, s'il se peut, que le premier, et les passages que je vais citer ne laissent subsister aucune équivoque : « Ce n'est pas >> moment de rechercher les fautes, de découvrir >> toutes les causes de cette agitation inattendue. >> La France obtiendra bientôt, par ses représen>>tans, justice et réparation.... Ce n'est plus de » la cour que peuvent venir les inquiétudes sur >> la liberté et les droits reconnus.... Dès que la >> France sera délivrée, nous aurons toutes les » garanties qui assurent à jamais la sage liberté » des peuples. Non-seulement le Roi, mais les » princes qui sont sur les marches du trône, ont >> fait des promesses solennelles. Ils n'auront ja>> mais ni la volonté, ni le pouvoir de les violer.... >> Les corps de l'État et tous les Français ont de» mandé une Charte qui assurât les libertés pu>>bliques. Le Roi l'a donnée : elle a reçu l'assen>> timent général; et vous savez s'il a voulu qu'elle >> fût partout et toujours fidèlement observée. Il » s'est étudié à étouffer les passions et les vengeances toujours prêtes à se rallumer.... Si la >> terre française engloutit son oppresseur, des jours brillans se lèveront sur un peuple réconcilié >> avec son gouvernement. »

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