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qu'arrogant sans être fort, féroce parfois sans cesser d'être frivole, il a toujours blessé une nation qu'il ne pouvait vaincre; enfin que son alliance a toujours été désastreuse pour la monarchie, parce qu'il a voulu obstinément une monarchie que le siècle ne comporte plus.

Nous avons donc pensé que la réimpression des Lettres sur les Cent Jours ne serait pas inutile. En effet, si, lorsque l'éducation constitutionnelle de la France était peu avancée; lorsque la majorité des Français n'avait aucune idée claire de la nécessité et de la nature de la plupart de nos garanties; lorsque la liberté de la presse semblait à beaucoup d'esprits la cause de quelques écrivains ambitieux de gloire ou avides de fortune; lorsque toute attaque contre les ministres était considérée comme un outrage au pouvoir royal; lorsqu'enfin les souvenirs d'une révolution terrible pesaient sur toutes les âmes et persuadaient aux citoyens paisibles que toute résistance légale était un péril, toute constitution une chimère, tout appel aux droits les plus sacrés une tentative d'insurrection, qui devait entraîner des bouleversemens et finir par la tyrannie; si, disonsnous, dans un tel état de chose, le parti contrerévolutionnaire n'a profité de tant de préventions

qui lui étaient favorables que pour placer la France sur un abîme et amener une catas trophe qui eût perdu la monarchie peut-être à jamais, sans la haine qu'inspirait aux rois et aux peuples de l'Europe l'homme qui avait fait des uns ses vassaux, des autres ses esclaves, que serait-ce aujourd'hui que les lumières sont répandues dans toutes les classes, que le besoin des garanties est senti par le pauvre qui veut acquérir, comme par le riche qui veut conserver; que treize années de luttes, de discussions, de victoires, de défaites, ont fait envisager toutes les questions sous tous les points de vue et prouvé à quiconque n'est pas également dépourvu et de raison et de bonne foi, qu'il n'y a de repos que dans l'ordre d'ordre que dans la liberté?

Néanmoins, le parti qui est l'auteur de tous les maux de la France n'est point convaincu de cette vérité évidente; il rêve des coups d'État ; il croit que s'il ressaisissait le pouvoir, il en profiterait moins maladroitement que dans les occasions précédentes. Démontrons-lui donc que ses espérances sont mal fondées, que la cause de ses revers n'est pas dans telle imprudence de détail, dans telle impatience intempestive; qu'elle est dans sa nature, dans

le fond de ses doctrines, dans la marche nécessaire que ces doctrines le forceront toujours à suivre; marche qui l'a perdu de 1814 à 1815, et que n'ont pu modifier ni la fougue qui a provoqué son désarmement en 1816, ni les ruses qui ne l'ont maintenu au pouvoir durant six années que pour attirer sur la tête de ses chefs la haine et la réprobation nationale.

Certes, si nous avions voulu dépasser l'époque des Cent Jours, et suivre ce parti depuis 1815 jusqu'au moment où nous écrivons, nous aurions eu beaucoup plus d'avantages. Les expériences ont eté nombreuses. De 1815 à 1816, imprudences sur imprudences; discours propres à faire naître en France la guerre civile; actes plus absurdes encore que tous les discours; proscription des protestans dans le midi; rappel à l'ordre de leur défenseur; menaces de cachots, de supplices, de bourreaux, adressées à la France presque entière; création de suspects comme sous la terreur, et division de ces suspects en catégories de 1820 à 1821, calomnies contre le pays, à l'occasion d'un crime exécrable, mais d'un crime médité par un seul homme dans sa démence solitaire; appui accordé à une loi anti-nationale, qui devait soulever

toutes les haines, en blessant la passion dominante des Français, l'égalité; violences révolutionnaires dirigées, comme en 1793, contre les députés dont on voulait contraindre le vote de 1821 à 1823, quand le ministère, nommé par l'influence de ce parti, était sous son joug, impatience insensée contre ses chefs, précipitation, avidité, arrogance, expulsion inconstitutionnelle d'un membre dont on dénaturait les paroles : depuis 1824 enfin, le dédain de toutes les formes, l'abjuration de tous les principes, la destruction du dernier simulacre de la liberté électorale, la censure ajoutant l'esclavage de la presse à l'esclavage de la tribune, l'appel à toutes les passions ignobles, l'encouragement à toutes les corruptions; dans les départemens l'arbitraire, dans la capitale un guetà-pens, et pour résultat une défaite qui détruit en dix jours l'ouvrage de six années voilà, depuis la restauration, quels sont les hauts faits de la faction contre-révolutionnaire. Qu'elle renonce donc au pouvoir; elle a quelquefois pu le surprendre, elle n'a jamais su en user.

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Indépendamment de ce fait général qui nous semble salutaire à établir, l'ouvrage que nous réimprimons développera des vérités partielles non moins importantes.

La première, que nous dirons avec toute franchise, sans nous enquérir qui elle peut choquer, c'est que lorsque l'on a fait à l'espèce humaine un certain degré de mal, on n'a plus la faculté ni le droit de lui faire du bien. Bonaparte était un homme d'un génie immense; il était plus propre que personne à dominer un peuple enthousiaste alors de la gloire militaire, et auquel le bruit et l'orgueil de la victoire faisaient oublier par intervalles les jouissances de la liberté. Mais Bonaparte, fils de la république, avait conspiré sa ruine. Pour l'effectuer, il avait dû travailler sans relâche à la destruction, non-seulement des formes républicaines auxquelles la nation n'était point attachée, mais des principes qu'elle avait proclamés en 1789 et dont elle n'avait cessé de vouloir l'application, au milieu des crimes de la terreur, sous l'ineptie, tantôt pusillanime et tantôt persécutrice du gouvernement directorial, et au sein des pompes éblouissantes des conquêtes impériales.

En déclarant la guerre à ces principes, Bonaparte avait en quelque sorte jeté le gant à toute la France. En ne permettant à aucune supériorité morale de s'élever sans avoir pris ses ordres et s'être assouplie à son système,

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