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Quel sera le tribunal compétent?

D'après les articles 137 et 179 du Code d'instruction criminelle, les tribunaux de simple police sont compétents pour les infractions donnant lieu à une amende de quinze francs et au-dessous; les tribunaux correctionnels, pour les amendes supérieures à seize francs. Partant de ces principes, on a dit : « Si le double de la valeur de la prestation est inférieur à la somme de quinze francs, le juge de paix est seul compétent; si, au contraire, l'amende peut être supérieure à cette somme, le tribunal correctionnel doit être appelé à statuer. Toutefois, dans ce dernier cas, les magistrats ne pourront prononcer une amende inférieure à seize francs (1). » Il en résulterait :

1° Que pour des prestations d'une valeur de 8, 9, 10 francs, le minimum de la condamnation infligée serait égal ou sensiblement égal au maximum fixé par l'article 21 de la loi du 3 juillet 1877. Le délinquant serait privé en somme de la latitude d'appréciation que le législateur a voulu laisser aux juges, en faveur de l'incriminé, dans le paragraphe 2 de l'article 21 de la loi;

2° Qu'il dépendrait en définitive du procureur de la République, en choisissant l'un ou l'autre tribunal pour y déférer le délinquant, d'empêcher la gradation voulue par le législateur dans l'application de la peine.

Cette théorie nous semble inadmissible. L'amende encourue est basée sur la valeur de la prestation requise, valeur essentiellement variable, et que les tarifs arrêtés à l'avance pour certaines denrées ne fixent pas eux-mêmes d'une manière absolument certaine, puisque les habitants peuvent toujours réclamer contre les prix proposés par l'administration militaire. La condamnation est donc indéterminée dans son maximum et susceptible de dépasser celui des amendes de simple police.

Par conséquent, et sauf pour le logement et le cantonnement dont la valeur est fixée par le règlement d'administration publique à des prix infimes et bien constants, le tribunal de police correctionnelle devra être saisi dans tous les cas, afin que le maximum de l'amende tout en restant dans la limite tracée par l'article 21, § 2, de la loi de 1877, puisse dépasser le chiffre de seize francs, montant le plus élevé

1. Couchard, Des réquisitions militaires, no 168.

des amendes de simple police (1). Mais bien entendu le tribunal de police correctionnelle pourra, comme la jurisprudence en offre des exemples, prononcer des amendes au-dessous de quinze francs et descendre jusqu'au minimum d'un franc applicable dans les matières de simple police.

Ce système, conforme aux principes du droit, reste aussi en harmonie avec les autres dispositions de l'article 21, puisque les condamnations prévues par le paragraphe 1er contre le maire n'étant jamais inférieures à vingt-cinq francs, et que les amendes prononcées dans le paragraphe 3 contre les habitants, pour refus de services, ne descendant jamais au-dessous de seize francs, le tribunal de police correctionnelle est alors compétent. Bien plus, la faute reprochée à l'habitant, dans l'hypothèse du paragraphe 2, et l'infraction qu'il a commise dans le cas du paragraphe 3, supposent l'une et l'autre un élément intentionnel pour la répression, puisqu'il s'agit d'un refus de service ou d'un refus de livraison. Dans les deux cas, le fait incriminé est de même nature. Il est donc tout naturel que les tribunaux correctionnels soient appelés, dans les deux circonstances, à prononcer la répression. Enfin, il semble que l'effet produit sur les populations sera plus grand si elles savent qu'elles sont susceptibles d'être poursuivies devant les tribunaux correctionnels. On sauvegardera mieux ainsi l'exécution de la réquisition que le législateur a voulu avant tout assurer.

3o Pénalités encourues par les militaires.

D'après l'article 22 de la loi du 3 juillet 1877;

<< Tout militaire qui, en matière de réquisitions, abuse des pouvoirs qui lui sont conférés, ou qui refuse de donner reçu des quantités fournies, est puni de la peine de l'emprisonnement dans les termes de l'article 194 du Code de justice militaire (2); tout militaire qui exerce des réquisitions sans avoir qualité pour le faire est puni, si ces réquisitions sont faites sans violence, conformément au cinquième paragraphe de l'article 248 du Code de justice militaire (3). Si ces réquisitions sont exer

1. Comp. les arrêts rendus pour d'autres circonstances, Cass., 1er août 1818, 21 octobre 1822, 4 avril et 21 août 1823, 20 janvier, 21 avril et 14 octobre 1826, 15 décembre 1827, 11 avril 1828, 28 novembre 1828, 25 juin 1830, etc.

2. V. le texte de cet article, suprà, p. 250, note 1.

3. Est puni de la peine de la réclusion, et, en cas de circonstances atténuantes,

cées avec violence, il est puni conformément à l'article 250 du même Code (1). Le tout sans préjudice des restitutions auxquelles il peut

être condamné. »

Ces peines sont très rigoureuses. Mais, comme le faisait remarquer l'exposé des motifs du Gouvernement (2), « il faut que l'armée donne elle même l'exemple du respect de la loi, et dans une matière où l'on exige des citoyens des sacrifices qui peuvent parfois être considérables, il est convenable que l'armée soit, aux yeux de tous, rigoureusement maintenue dans les limites que la loi lui impose. »

Par qui seront constatées les infractions à l'article 22 qui précède? L'article 72 de l'instruction du 4 avril 1890, sur le service prévôtal de la gendarmerie aux armées l'indique dans les quelques lignes ciaprès « La gendarmerie dresse procès-verbal des réquisitions abusives, ainsi que de celles qui sont exercées sans qualité pour les faire, afin que ces infractions soient poursuivies conformément aux prescriptions de l'article 22 de la loi de 1877. »

d'un emprisonnement d'un an à cinq ans, tout militaire qui commet un vol au préjudice de l'habitant chez lequel il est logé. » (Art. 248 du Code de justice militaire, § 5.) 1. Est p ini de mort, avec dégradation militaire, tout pillage ou dégât de denrées, marchandises ou effets, commis par des militaires en bande, soit avec armes ou à force ouverte, soit avec bris de portes et clôtures extérieures, soit avec violence envers les personnes.

« Le pillage en bande est puni de la réclusion dans tous les autres cas.

« Néanmoins, si, dans les cas prévus par le premier paragraphe, il existe parmi les coupables un ou plusieurs instigateurs, un ou plusieurs militaires pourvus de grades la peine de mort n'est infligée qu'aux instigateurs et aux militaires les plus élevés en grade. Les autres coupables sont punis de la peine de travaux forcés à temps. S'il existe des circonstances atténuautes, la peine de mort est réduite à celle des travaux forcés à temps, la peine des travaux forcés à temps à celle de la réclusion, et la peine de la réclusion à un emprisonnement d'un an à cinq ans.

«

En cas de condamnation à l'emprisonnement l'officier coupable est, en outre, puni de la destitution.» (Art. 250 du Code de justice militaire.)

2. Journal officiel, loc. cit., p. 2737.

TITRE IV

DU RÈGLEMENT DES INDEMNITÉS.

(Titre V de la loi et du décret de 1877. -Loi du 2 mai 1855; articles 48 et suiv. 404 et suiv., etc., du Code de Procédure civile. Loi du 18 décembre 1878 dérogeant pour les réquisitions aux règles admises en matière de timbre et d'enregistrement.)

L'article 2 de la loi du 3 juillet 1877 a établi que toutes les prestations de services personnels ou d'objets matériels donnent droit à une indemnité représentative de leur valeur. « Ce principe, disait le rapport à la Chambre des Députés (1), avait bien été jusqu'en 1877, moralement admis, et, toutes les fois que les circonstances ont obligé de recourir aux réquisitions, on a reconnu en droit que les citoyens devaient être dédommagés de la perte qui leur avait été occasionnée. Mais dans la pratique, l'état de la législation ne répondait pas au principe admis, et le Ministre de la guerre ne pouvait qu'inviter l'intendance à préparer après coup une liquidation dont les éléments faisaient le plus souvent défaut. On instituait, il est vrai, des commissions composées d'hommes très compétents qui recherchaient avec le plus grand soin des bases d'évaluation, et s'efforcaient de répartir, de la manière la plus juste, des allocations représentant le prix des denrées livrées. Mais, la plupart du temps, il n'existait pas de pièces régulières; les requérants n'avaient pas conservé l'état de leurs demandes; les requis n'étaient pas pourvus de reçus, et faute de ces moyens de contrôle, les commissions étaient exposées à des évaluations inexactes, appuyées sur des enquêtes sans fondement, et arrivaient à léser ou l'État ou le citoyen, suivant que leur erreur inévitable se produisait dans un sens ou dans l'autre. Ce n'était du reste presque toujours que longtemps après la fourniture qu'il était possible de procéder au paiement, et ce retard rendait plus difficile encore l'appréciation toujours délicate de la

1. V. Journal officiel, loc. cit., p., 6483.

valeur des réclamations dont la justesse n'était constatée par aucun document certain.

<< C'est à cet état de choses si fâcheux que la loi a eu surtout pour but de porter remède. Le principe de l'indemnité n'est rien si l'on n'arrive dans l'exécution à la rendre prompte et équitable, et à garantir ainsi les populations de toute perte provenant de l'appel à leur patriotisme pour les besoins de l'armée. »

Tel est l'objet du titre V de la loi et du décret de 1877. Le système adopté est le suivant :

1° Une commission apprécie dans chaque département la valeur de l'indemnité due à l'habitant; en cas de mobilisation totale, une commission centrale est instituée pour guider les commissions départementales;

2o Le représentant du Ministre de la guerre, sur le rapport de la commission départementale, adresse ses offres aux intéressés;

3° Après l'acceptation des ayants droit, les sommes dues sont mandatées aussitôt que possible et payées à brève échéance;

4o En cas de refus des offres, les réclamations peuvent être portées devant plusieurs juridictions successives à proximité des parties et statuant rapidement.

Nous allons étudier cette organisation dans quatre paragraphes distincts.

SI

Rôle général et composition de la commission départementale et de la commission centrale d'évaluation.

I. Commission départementale d'évaluation.

A.

Attributions.

Aux termes de l'article 24 de la loi du 3 juillet 1877 Lorsqu'il y a lieu, par application de l'article 1er de la présente loi, de requérir des prestations pour les besoins de l'armée, le Ministre de la guerre nomme, dans chaque département où peuvent être exercées des réquisitions, une commission chargée d'évaluer les indemnités dues aux personnes et aux communes qui ont fourni des presta

tions. »

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