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il defcendit de fa charette & s'en alla feul à l'Eglife à Dieu de la guérison, à ce qu'il m'a

rendre graces

dit depuis.

J'avois lieu d'étre furpris de rencontrer fous mon éguille une humeur groffiere & fluante qui accompagnoit une cataracte vieille & jaûne, que je croyois au contraire ne devoir obeïr que difficilement, comme cela fe rencontre ordinairement. Et ma surprise n'auroit pas été moins grande, quand dans ce tems là j'aurois connu les accompagnemens, que je n'ay bien découverts que huit ans depuis, ne faifant alors que commencer à abandonner l'opinion commune, & cette observation même fut une de celles qui me confirmerent dans mon fentiment, puifque je vis fort diftinctement le corps de la cataracte que je jugeay être le criftallin. Car comment aurois-je pû m'imaginer que des accompagnemens auroient pû fe conferver fi longtems dans une consistance moyenne entre laiteufe & caféeufe? Je crus dabord que cette humeur étoit un pus groffier, & que cette cataracte étoit de la nature de ces cataractes mixtes que j'apelleray dans la fuite, purulentes, que je connoiffois déja, & je l'avois ainfi marqué dans les notes que j'avois faites alors fur cette obfervation: ce qui me fit aprehender que dans la fuite l'œil ne fe corrompît, vû la quantité de cette humeur. Mais deux ans apres cet homme m'étant venu voir pour me remercier, je trouvay fon œil-dans un tres bon état, & comme il eft encore, l'ayant vû au mois d'Avril 1700. quoique ce bon homme ait plus de foixante & dix ans; ce qui me fit changer de sentiment.

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C'est la feule cataracte vieille & jaûne, que j'aye rencontrée de cette nature; & je n'en aurois point entrepris l'operation, fi cet homme n'avoit pas été aveugle. Je ne raporte pas auffi cet exemple pour fervir de reigle general; mais feulement pour faire connoître, qu'on réüffit quelques-fois contre fon attente; & que quand un homme eft aveugle on peut tout hazarder, quoi qu'on n'ait qu'une legere efperance, comme l'obfervation fuivante le fera encore connoître.

VIII. Obfervation fur une Cataracte noire.

Le 24. Septembre 1698. j'allay à Vannes pres faint Benoît, chez Edme Coutant frere puîné des deux perfonnes dont j'ay parlé dans la feconde & fixiême obfervation, pour lui abaiffer deux cataractes. Celle de l'œil gauche étoit d'un blanc un peu grifâtre & meure, la pupille fe dilatoit & refferroit lentement, & voyoit les ombres des objets que je paffois entre fon œil &

grand jour. Celle de l'œil droit étoit noire, & il y avoit tres peu de mouvement à la pupille, & par confequent fort fufpecte. Je commençay par celle de l'œil gauche dont les accompagnemens fe trouverent nombreux mais obeiffants, & elle demeura au bas de la pupille. L'operation faite & le malade pansé, je le voulus faire coucher, ne jugeant pas à propos de travailler fur l'œil droit pour la raison ci-dessus. Cepauvre homme voyant cela, me pria inftamment d'eflayer de lui rendre la vue de cet œil, joignit les larmes à ses priéres, fa femme en fit autant; mais je ne pouvois me réfoudre à entreprendre une operation que je croyois Bb

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defefperée: j'en dis les raisons à Monfieur Potier Chi-
rurgien ordinaire du Roy qui étoit present, afin d'en
diffuader le malade, cela ne fervit à rien, l'affliction
redoubloit, il fallut travailler. Je lui mis donc l'éguille
dans l'œil, je trouvay des accompagnemens folides &
en petite quantité, qui fe divifoient les uns des autres
comme s'ils euffent été fibreux; je féparay la cataracte
le mieux que je pus & je m'efforçay de l'abaiffer; mais
quand je mettois l'éguille en fa partie fupérieure &
que je la preffois vers le bas, elle s'échapoit: je fis plu-
fieurs tentatives en vain, elle retournoit toûjours en
fa même place, & voyant que je n'avançois en rien,
& que
l'humeur aqueufe commençoit à fe broüiller,
à cause d'un peu de fang qui s'étoit écoulé au dedans,
je retiray mon éguille, & je panfay le malade.

Le dernier jour du même mois je l'allay voir, mais je fus bien furpris de trouver cette mauvaise cataracte précipitée au moins des deux tiers, le malade distinguant de cet œil toutes fortes d'objets ; ce qui me fir efperer quelle fe précipiteroit entiérement : & celle de l'œil gauche au contraire étoit un peu remontée, mais elle fe précipita depuis. Douze ou quinze jours apres passant chez lui, je trouvay la cataracte noire entièrement précipitée; & ce qui eft affez particulier, c'est qu'il voit beaucoup mieux de cet oeil, que de celui où étoit la bonne cataracte.

Je n'aurois pû citer un autre exemple de cataracte noire, puifque c'est la feule dont je viens de parler, qui m'ait bien réüffi, encore plus par hazard que par mon adresse, mais j'aurois pû raporter d'autres exem

ples de cataractes laiteuses semblables à celle énoncée en la feconde obfervation, & d'autres exemples d'opé rations fuivies d'épanchement de l'humeur aqueufe prefque femblables à celle raportée en la fixiême obTervation. Si j'ay donc preferé ces exemples à d'autres femblables, ç'a été pour faire connoître deux choses.

La premiére : que de deux cataractes dont un même fujet fe trouve travaillé en même ou en different tems, l'une peur être loüable fans que l'autre le foit ; & que quoi quelles paroiffent égales en bonté & quelles foient d'un même âge, elles ne fe rencontrent pas toûjours d'une femblable confiftance. :

La feconde: que l'on peut mettre les cataractes au nombre des maladies hereditaires; puifque ces deux freres & leur fœur ont été travaillez de cette maladie. On ne doutera même pas que cette difpofition ne leur vienne des premiers principes de leur formation, quand on fçaura que la mere de ces pauvres gens avoit pareillement été affligée de deux cataractes dont elle fut delivrée par l'operation, comme je l'ay fçeu d'eux-mêmes, qui m'ont encore affûré que leur mere leur avoit fouvent dit que leur grande mere en avoit auffi été incommodée, & que cette maladie leur venoit de famille.

C'eft la feule famille à la verité, ou j'ay vû regner cette maladie auffi univerfellement.J'ay bien abaiffé des cataractes à quelques perfonnes qui m'ont dit que leurs ayeuls ou bis-ayeuls en avoient auffi été travaillez : mais ce malheur n'étoit arrivé qu'à quelqu'un de leurs enfans. Je connois deux Demoiselles de qualité fœurs jumelles, qui toutes les deux ont été affez infortunées

que d'avoir été travaillées d'une femblable maladie fans que perfonne de leur famille en ait jamais été afflige, ce qui peut auffi confirmer que les jumeaux naiffent quelques-fois avec de semblable difpofitions, nonfeulement de temperamment, mais auffi de parties.

IX. Obfervation fur une Cataracte de trente ans.

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Sur la fin du mois de Janvier de l'année 1700. le nommé Chandelier fermier de Panay à une lieuë de Troyes, me vint trouver pour me demander confeil fur une maladie qui lui étoit arrivée quelque tems auparavant à l'œil droit, & pour laquelle il n'y avoit point de remede, l'œil étant perdu entiérement. Je remarquay en même tems que fon œil gauche étoit travaillé de deux maladies; d'une cicatrice fur le milieu de la cornée transparente, restée ensuite d'une puftule de petite verole dont il avoit été travaillé en La jeuneffe; & d'une cataracte vieille de trente ans à ce qu'il m'affûra, & qui étoit cependant blanche & peu luifante: la pupille même fe dilatoit & fe refferroit affez aisement: ce qui me fit croire que cette cataracte pourroit reüffir nonobftant fa vieilleffe, & que ce malade verroit affez pour fe conduire; parceque cette cicatrice n'occupant que le milieu de la cornée transparente, les rayons de lumière qui passeroient autour de cette cicatrice pourroient être fuffifants pour lui faire distinguer les objets qui fe trouverroient à côté. Je lui en dis mon fentiment, & remis cette operation au primtems fuivant, parce qu'alors la faifon étoit fort fàcheuse. Je fus quelque tems fans avoir de

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