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pofe au grand jour, même au foleil, leur pupille ne fe refferre en aucune manière : comme auffi les expofant au fond d'une chambre vis-à-vis des feneftres, ou prefentant devant l'œil malade, l'autre étant fermé, la paûme de la main, ou quelque corps opaque, la pupille ne fe dilate point davantage, ainfi l'uvée eft fans

aucun mouvement.

Cette maladie ne caufe point de douleur dans fon commencement, dans fon progrés, ni dans fon état: fi quelques-fois il s'en rencontre à l'œil ou à la tête, cette douleur à une autre caufe que celle de la maladie.

C'eft à cette excroiffance démesuréé du cristallin, qu'on doit attribuer la caufe de l'immobilité de l'uvée, & de la dilatation de fon trou; parceque le cristallin ainfi difpofé, s'avançant fort en devant s'apuye fur l'uvée, & la pouffant en devant l'étend & l'empêche de fe refferrer. Et une preuve que s'en est la feule cause, c'est qu'en cet état, les malades voyent fouvent les ombres des corps opaques fituez entre leurs yeux & la luniére, de la même maniére que ceux qui font travaillez de cataractes vrayes, fans que leur pupille fe dilate & fe refferre comme dans les cataractes vrayes; ce qui devroit arriver, fi l'uvée n'étoit violemment étendue par le preffement du cristallin.

Et comme l'humeur qui caufe la protuberance du cristallin: eft pouffée & s'amaffe fous la membrane qui recouvre ce corps; c'est auffi à cette membrane, fuivant quelle préte ou réfifte, que l'on doit attribuer la cause de l'égalité ou de l'inégalité que l'on remarque au cristallin.

Quoi que cette maladie femble avoir beaucoup de raport avec la cataracte vraye, elle en differe cependant en plufieurs choses. 1. En ce que dans la cataracte vraye, la membrane qui recouvre le criftallin, s'altere & fe confomme le plus fouvent comme par une espece de fupuration, & dans celle-ci elle s'épaiffit, s'endurcit & fe fortifie. 2. Que dans la vraye, cataracte, le cristallin diminuë en groffeur, & dans celle-ci fon volume augmente. 3. Que les additions qui arrivent en la vraye cataracte, obeïffent & flotent dans l'humeur aqueuse, ce qui fait qu'on peut feparer le cristallin de fon lieu naturel, & dans celle-ci l'humeur qui fe congele autour du cristallin forme un corps solide avec lui, & l'attache aux membranes qui le renferment d'où vient qu'il eft impoffible de le séparer.

Elle differe auffi du Glaucoma. 1. En ce, que dans le glaucoma, le cristallin ceffant de prendre de la nourriture; il fe diminuë & fe deffeiche, & dans celle-ci au contraire, il augmente par une fur-abondance de nourriture. 2. Que dans le Glaucoma il eft tantôt bleu, verd, jaune, blanc, &c. & dans celle-ci il est prefque toûjours de la couleur d'une corne blanche, polie & luifante. 3. Que dans le Glaucoma il paroît plus enfoncé & petit, & dans celle-ci il s'avance fort en devant & paroît fort grand.

Cette maladie est plus commune que le Glaucoma, & arrive à toutes fortes de perfonnes : elle eft auffi bien moins commune que la cataracte vraye. De fa nature elle est abfolument incurable, même dans fon commencement, les temedes n'y profitants en rien,

& l'operation y étant tout à-fait inutile.

Pour confirmer ce que j'ay dit, de cette maladie, je yeux bien raporter les deux obfervations fuivantes.

I.

OBSERVATION.

Il y a quelques années qu'un pauvre homme aveugle me vint trouver pour lui aporter quelque fecours. Son œil gauche étoit perdu depuis un long-tems, à cause d'un ulcere dont il avoit été travaillé, qui avoit laiffé une cicatrice qui occupoit toute la cornée tranfparente : & fon œil droit étoit travaillé d'une maladie femblable à celle-ci décrite, il y avoit environ un an. Ayant reconnu la maladie pour incurable, je lui dis qu'on ne pouvoit lui rien faire : lui au contraire me follicita fortement de lui mettre l'éguille dans l'œil, fur ce qu'un Operateur coureur qu'il avoit rencontré dans un village voifin, comme il venoit me trouver, lui avoit dit que c'étoit une cataracte & qu'il le guériroit. Ne pouvant le diffuader, & voyant qu'il étoit réfolu de fe mettre entre les mains de cet Operateur, & d'ailleurs confiderant que l'observation que je ferois pourroit un jour être utile au public, fans que ce pauvre homme courût aucun peril, je condefcendit à fa forte volonté.

La maladie n'étoit pas encore dans fon plus haut degré de perfection; le malade voyant une foible lueur, & diftinguant les ombres des corps opaques fituez entre fon œil & le grand jour; mais l'uvée étoit immobile, ayant fon trou fort dilaté & extremement rond. Je me propofay de déchirer la membrane du crif

tallin, pour enfuite tâcher de le détacher, & de l'abbaiffer au deffous du trou de l'uvée; s'il n'étoit pas fortement attaché au lieu où il eft naturellement fitué.

Pour cet effet, je me fervis d'une éguille un peu plate & tranchante que j'introduifis à l'ordinaire, & quand je fus parvenu entre l'uvée & le criftallin, & que je vis la pointe de l'éguille par de là les deux tiers du trou de l'uvée, je la hauffay & abaiffay fans remarquer aucune adhérence du cristallin avec l'uvée, quoi qu'il fût fortement apuyé deffus. Je m'efforçay enfuite de rompre la membrane du cristallin, mais en vain: ce qui m'obligea d'apuyer bien fortement la pointe de l'éguille à la partie fupérieure du criftallin, pour voir fi je ne pourrois point le détacher en l'abaiffant. Pendant cette action, je m'aperçeus que j'amenois le criftallin en bas, & le malade me difoit qu'il diftinguoit mieux la lumiére & effectivement alors quelques rayons de lumière pouvoient paffer au travers du corps vitré qui se presentoit un peu vis-à-vis de la partie fupérieure de la pupille, en fuivant le mouvement du criftallin: mais je reconnus bien-tôt qu'il ne fe faifoit aucun détachement du criftallin, & que ce mouvement forcé que j'imprimois à ce corps, ne faifoit qu'affaiser l'uvée dont je voyois le trou changer de figure, le cristallin remontant auffi-tôt que je relevois la pointe de l'éguille, ou qu'il s'échapoit de lui même. Enfin apres plufieurs tentatives vaines, je ceffay mon travail, & je panfay mon malade qui fut entiérement guéry de la piqueure de l'éguille huit jours apres l'operation, dont il ne retira aucun profit; l'œil au refte

fe trouvant dans le même état qu'il étoit auparavant,

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Quelque tems apres je rencontray fortuitement le chien d'un payfan qui avoit une femblable maladie en un de fes yeux; defirant de plus en plus découvrir la difpofition du cristallin en cet état, je fis enfermer ce chien & le tuer, & j'en examinay anatomiquement l'œil. Je trouvay le cristallin prés d'une fois plus gros que celui de fon autre œil, ayant une boffe inégale en devant. Sa membrane qui étoit plus épaiffe, plus forte & plus polie, le tenoit fortement attaché au corps Vitré ayant coupé cette membrane, je vis l'humeur épaiffie & qui groffiffoit ce criftallin, qui étoit blanche & avoit une folidité mediocre, à peu prés comme -celle d'un fromage paffé, & étoit un peu vifqueuse. Cette substance ne faifoit qu'un corps avec le cristallin, qui étoit pareillement blanc, peu tranfparent & plus folide qu'il ne devoit être naturellement; & les autres parties de l'œil étoient dans leur état naturel, à l'exception de l'uvée dont le trou étoit fort dilaté, & inégalement rond, & contre laquelle ce cristallin étoit fortement apliqué.

Par ces deux obfervations on peut juger de la nature de cette maladie, & du prognoftic qu'on en peut faire, pour peu qu'on en faffe l'aplication à ce que j'ay dit ci-deffus.

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