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562 cicatrices qui fe forment font fi irrégulieres, & rétréciffent tellement la peau des paupières, que quand on les fendroit derechef, les Malades n'en recevroient aucun foulagement: au contraire la difformité feroit plus grande, parceque l'œil fe trouveroit découvert & éraillé à l'endroit de la féparation, comme il est aifé de le juger. J'en ay vû plufieurs à qui un femblable accident étoit arrivé, mais j'ay mieux aimé les renvoier fans leur rien faire, que de les expofer à les rendre plus

difformes.

Nos Auteurs mettent encore fous ce titre l'union qui fe fait de la partie intérieure de la paupière avec la conjonctive, & quelques-uns difent auffi avec la cornée, enfuite de quelques ulceres ou brûlûres en ces parties, ce qui empêche le mouvement de la paupière. J'ay bien vû la paupière unie avec la conjonctive, mais je ne l'ay point vue avec la cornée & cela eft fort difficile à concevoir. Quoi qu'il en foit, ils enfeignent que pour guérir ce vice, on doit élever la paupière avec quelque inftrument propre, puis féparer doucement l'adhérence avec le tranchant d'une lancette, prenant garde d'offenfer la paupière ni les membranes de l'œil, enfuite mettre entre la paupière & l'œil un peu de charpie, ou quelque linge délié, imbu de quelque liqueur propre pour empêcher que la paupière se rejoigne, & d'avoir fe même foin de la renverfer tous les jours, tant pour empêcher cette union, que pour y appliquer des re

medes.

Pour moi je mets encore cette opération au nombre des imaginaires, quoique nos Modernes l'enseignem

que

l'avoir tranfcrite fort religieufement de nos Anapres ciens. I. Parceque cette féparation eft tres laborieuse, tant pour le Malade que pour le Chirurgien. 2. Pour le peril qu'il y auroit de caufer une maladie bien plus grande que la premiére, foit en perçant ou coupant la paupière, ou en offenfant l'œil, ou quand ni l'un ni l'autre autre n'arriveroient, pour la crainte qu'il y auroit par l'inflammation qui furviendroit, la paupière ne tombât en pourriture ou gangrenne à caufe de fon peu d'épaiffeur; ou qu'au moins la fuppuration fût fi grande, que la paupière en fe cicatrifant enfuite se rétrécit beaucoup. 3. Parcequ'il feroit tres difficile, quand le tout tourneroit à bien, d'empêcher que la paupière ne s'unit derechef, vû que le noien qu'ils donnent pour l'empêcher, en mettant un linge entre la paupière & l'œil, ne fe peut exécuter, l'œil ne pouvant fouffrir un tel corps étranger entre lui & la paupière. Par ces raifons, j'eftime que cette maladic eft incurable, & en cela je suis de l'opinion de Celse qui avoüe ingenuëment n'en avoir vû guérir aucun par l'opération susdite.

Je veus bien croire que cette opération & toutes les autres que je viens de réfuter, ne font point à prefent en ufage, & je ne pense pas même quelles y aient eté: du moins je puis dire que fi on les a voulu quelquesfois mettre en pratique, la mauvaise reüflite qui s'en est ensuivie les à fait abandonner par ceux qui fe confiants trop aux Auteurs, ont eu affez de hardieffe, pour ne pas dire de témérité, de les entreprendre, fans prévoir ce qui en pouvoit arriver.

Si j'ay donc réfuté ces maniéres d'operer, c'est
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:

qu'aiant confideré que parmi nos Anciens Praticiens, un grand nombre les ont décrites fi uniformément, qu'il femble quelles fuffent en commun ufage; quoique cependant ils aient puifé leurs descriptions les uns des autres comme il eft aifé de le connoître par la conformité de leur texte, & ainsi entaffé erreurs fur erreurs qu'une partie de nos Praticiens Modernes, ceux même dont on fe fait une loi de fuivre les fentiments, les ont rapportées dans leurs livres, fans se mettre autrement en peine fi elles étoient poffibles, ou non: qu'il y a encore des Chirurgiens, même de reputation, qui les enfeignent publiquement & auffi férieusement que fi elles leurs étoient fort familiéres : & qu'enfin entre le petit nombre des Anciens & des Modernes qui les défaprouvent, les uns ne le font que tacitement," c'est-à-dire, en n'en parlant point dans leurs livres de pratique; & les autres les expofant fimplement en citant les Auteurs dont ils les ont tirées, & fe contentent enfuite de dire quelles ne se pratiquent plus, parcequelles font trop douloureuses ou cruelles. Aiant dis-je confideré toutes ces choses, j'ay crû que je devois relever les jeunes Chirurgiens du doute ou ils pourroient être à l'égard de ces opérations, en leur montrant par des raifons de pratique, quelles ne doivent point être mifes en ufage, & cela pour les empêcher de tomber dans des fautes autant défavantageufes pour leur réputation, que funeftes pour leurs Malades.

17. Des maladies des Paupiéres excitées par

L

extérieures.

CHAPITRE XXIII.

des caufes

des cau

Es paupières font souvent offensées par fes qui les meurtriffent, les déchirent, ou les tranchent, fans que les autres parties de l'œil foient bleffées.

Les contufions fe guériffent comme celles des autres parties du corps. Cependant comme les paupières fe tumefrent & enflamment aisément, on doit s'appliquer dabord à empêcher ces fymptomes. Ainfi on fe fert dans le commencement des deffenfifs faits avec l'eau rofe, le blanc d'œuf un peu de faffran; ou de celui dont j'ay parlé ci-devant, fait avec l'œuf entier, le vin & l'huile rofat.

Si la lividité eft grande, qui cft une marque qu'il y a beaucoup de fang extravafé, on oint les paupières de fuc d'abfinthe meflé avec du miel, ou on applique deffus des linges imbus de cette mixtion. Ou bien on se fert d'une fomentation faite avec les feuilles d'abfinthe de fcordium, les fommités de thym, les fleurs de camomille de melilot, la femence d'anis, que l'on fait cuire avec le vin, dans laquelle on trempé des compreffes qu'on applique chaudement fur les paupières, & qu'on renouvelle trois ou quatre fois par jour. Ou on emploïe de la même maniére le fuc de racines de fçeau de Salomon, ou la décoction des mêmes racines faite avec le vin.

.

A l'égard des playes, fi elles font faites avec des

inftruments trenchants, on les oint d'huile d'hypericon, dans laquelle on ajoûte de la térébanthine de Venife, ou d'autres baûmes ou onguents vulneraires, & par deffus on applique un petit plumaceau & un emplâtre de diapalme dißout avec l'huile rofat: & fi ce font des playes contufes où dilacérées, on fe fert bien des mêmes huiles, baûmes ou onguents, mais au lieu de l'emplâtre de diapalme, on applique les deffenfifs fufdits.

Si enfuite de ces playes, il fe faifoit une fluxion & tumeur confidérable aux paupières, on l'appaiseroit par le moien d'un cataplafme fait avec deux onces de mie de pain blanc, demie once des farines de femences de fœnugrec & de lin, que l'on feroit cuire dans le lait de vache, y ajoûtant fur la fin un jaune d'œuf, vingt grains de faffran en poudre une demie once d'huile rofat, que l'on appliqueroit chaudement fur les paupières & leurs environs. Et fi cette tumeur devenoit oedemateufe, on fe ferviroit réfoûdre & fortifier de celui fait avec deux onces des farines d'orge de ferves, une once des poudres de fleurs de camomille, de melilot de rofes rouges, une once & demie de miel, que l'on feroit cuire dans une décoction de feuilles de betoine d'eufraife, que l'on appliqueroit comme deffus.

pour

Les paupières font encore offenfées par des brûlûres qui fe gueriffent en les oignant avec l'onguent populeum on l'huile d'œufs, ou le beurre de Saturne, & autres remedes ufitez pour les brûlures. On doit feulement prendre garde de desseicher les ulceres qui leurs fuccedent trop promptement, de crainte que les cicatrices, en se refferrant trop, ne rétréciffent beaucoup les paupières,

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