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ont pénétré fa membrane, & la répandent réguliérement dans toutes ses cellules : ainfi ce corps fe nourrit ou s'entretient de même que les autres parties continües de nôtre corps.

Il n'en eft pas de même du cristallin, qui étant féparé de toutes parts de la membrane qui l'embraffe, comme je l'ay dit en parlant de l'anatomie de cette partie, ne la reçoit que par Imbibition: car le fuc nourricier ne peut être qu'épanché par les fibres ciliaires entre cette membrane & le cristallin; de forte qu'a mefure que cette humeur s'épanche, le cristallin en est incontinent imbibé de même qu'un corps poreux qu'on feroit infuser dans une liqueur, & ainfi il se nourrit & s'entretient d'une manière différente des autres parties de nôtre corps.

Que des fibres ciliaires les unes s'ouvrent dans le corps vitré & les autres dans cette bourse qui contient le cristallin, on le peut vrai-femblablement conjecturer: puifque ces fibres s'inférent justement au lieu ou la membrane du corps vitré fe divife pour recouvrir le cristallin. Il eft vray qu'on ne peut justifier ce fait par dissection, parce que ces fibres font d'une délicateffe trop grande pour fouffrir le fcalpel.

Mais ce n'eft pas affez d'avoir fait connoître les parties qui filtrent le fuc qui doit nourrir les deux corps tranfparens, & les canaux qui le conduifent chez eux, ce fuc n'y peut demeurer long-tems, comme dans un magafin, fans s'y altérer : il faut à la maniére des autres humeurs qu'il fe renouvelle, c'est-à-dire qu'il rentre dans la masse du sang, suivant la loy de la cir

H

le

culation, à mesure qu'il s'en filtre de nouveau. Il est donc nécessaire que j'explique comment je conçois que cela fe fait.

Jay prouvé ci-dessus en parlant du corps vitré, que la membrane qui recouvre ce corps eft poreuse en toutes fes parties, c'est-à-dire qu'elle eft percée de quantité de petits trous : il y a aparence que fa partie qui recouvre le criftallin eft percée de même. Jay fait voir auffi que toutes les cellules qui font dans le corps vitré fe communiquent les unes aux autres. Ceci pofé: je dis que le fuc nourricier étant continuellement pouffé dans corps vitré & autour du cristallin par le mouvement du fang, les parties fur-abondantes de ce fuc, ou inutiles lá nourriture de ces deux corps, font obligées de fortir par les pores de la membrane qui les recouvre, & de s'épancher entre le corps vitré & l'uvée, au travers même de la rétine qui leurs donne librement paffage à caufe de fa texture rare, & entre le cristallin & la cornée tranfparente, par les conduits dont je vais parler, , pour remplir tout l'efpace qui fe rencontre en la partie antérieure de l'œil, & tenir tout le globe de l'œil dans une jufte étendüe.

C'est cette humeur épanchée au dedans de l'œil qu'on nomme Humeur aquenfe. Voila donc fon origine expliquée, fans avoir recours à ces prétendus conduits ou canaux aqueux que quelques Anatomiftes modernes ont publié : voila comme elle eft entrenüe: voila la raifon pour laquelle elle reffemble fi fort à l'humeur qui eft renfermée dans le corps vitré, & pourquoi elle fe rengendre fi promptement quand elle s'eft écoulée

par quelque ponction de la cornée, ou qu'elle s'est minuée par quelque violente maladie.

J'ay dit ci-deffus au Chapitre huitiême en parlant des fibres de l'uvée, qu'entre ces fibres droites & paralleles qui fe gliffent par le travers de la fuperficie intérieure du cercle ciliaire, il y avoit des petites cannelûres qui répondans à de femblables qui font fur la membrane du corps vitré en l'endroit ou ce cercle fe colle fur cette membrane, formoient des efpeces de petits conduits toûjours remplis d'une teinture noire. C'est par ces conduits que cette humeur qui s'écoule par la partie poftérieure du corps vitré se communique à la partie antérieure de l'œil. Et il ne faut pas croire que cette teinture noire dont ils font remplis puiffe s'y oppofer, puisqu'au contraire cette humeur coule auffi librement qu'au travers d'un fable délié. Cette humeur épanchée dans le globe de l'œil, étant continuellement augmentée par de nouvelle, ne pourroit y demeurer long-tems fans étendre extraordinairement ce globe: elle est donc contrainte de rentrer dans les veines à mefure qu'il en arrive de nouvelle, pour se mesler de nouveau avec le fang & fuivre fon

mouvement.

4.

y

Ceux qui fçavent de qu'elle maniére les veines ré

Hij

Je ne fçai d'où il vient. Tout ce que je puis dire à Mr. Dodait c'est que je fçai - feulement que dans les fœtus, fi-tôt qu'on peut distinguer leurs yeux, on apperçoit au travers de leurs membranes cette tein. ture noire: ce qui peut faire conjecturer que cette teinture n'eft point un excrément, ni fimplement une humeur; puifqu'elle fe rencontre au moment que les autres particules de l'eil fe forment encore.

Apoftlile d'un

de Mrs. les

Examinateurs * Chercher

d'où vient ce

Mcconium, y

panduës dans le foye, la rate, & la verge, font ou-vertes de toutes parts de pores ronds ou oblongs, n'auront pas de peines à concevoir la même difpofi

que

tion fe doit rencontrer dans toutes les veines des autres parties, puifque la circulation s'y doit faire également comme dans le foye, la rate, & la & la verge: ainfi ils concevront que les petites veines répandues dans l'uvée étans ouvertes de femblables pores, l'humeur épanchée dans le globe de l'œil & preffée d'en fortir, trouvant ces voyes ouvertes, s'y gliffe aifément & rentre dans les veines pour fuivre le mouvement circulaire du fang. Cette teinture noire dont l'uvée est enduite ne s'opofant pas plus à ce paffage que celle qui fe trouve dans les conduits ci-deffus dits, étant d'une même nature.

Ce font là mes conjectures touchant la nourriture des deux corps transparens, l'origine & l'entretien de l'humeur aqueufe, & la maniére dont cette humeur alimentaire circule dans le globe de l'œil. Si elles ne plaisent pas à tout le monde, j'en fuis tout confolé. Je ne m'érige pas en maître absolu: je me contente d'expofer mes fentimens : & je demande feulement que dans les chofes qu'on ne peut voir ni montrer, il me foit permis de propofer des conjectures vrai-semblables: celles-ci me paroiffent telles, étans fondées fur la ftructure particuliére de l'œil, & fur la régle générale des filtrations: je m'en ferviray donc pour expliquer dans la fuite de ce traité quelques maladies des deux corps transparens.

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De la Vuë.

CHAPITRE X V.

Our fçavoir, où, & comment les objets extérieurs agissent dans l'œil pour y exciter le fentiment de la vue, ce n'eft pas affez d'avoir une connoiffance parfaite de la ftructure de cet organe, il faut encore être inftruit de quelques expériences, fans lesquelles il feroit impoffible de connoître comment ce fentiment

fe fait.

porte ou

à un

On ferme la porte & toutes les feneftres d'une chambre, enforte qu'il n'y entre aucune lumière que par un grand trou de tarriére qu'on a fait à la des volets qui répond fur une place bien éclairée. On aplique & attache fur ce trou un carton percé d'un trou à laiffer paffer un gros pois. On préfente vis-à-vis de ce trou une feuille de papier ou un linge blanc, que l'on aproche ou recule jufques à ce qu'on voye fur ce papier ou linge une peinture plate & renverfée des objets de dehors.

Si on met entre ce trou & ce papier à une distance convenable un verre convexe, on rendra cette peinture un peu plus petite & moins confuse. Et fi même on met ce verre en dehors au devant de ce trou, on la rendra auffi moins confuse.

Si on fait promener quelque perfonne dans la place vis à-vis de ce trou enforte qu'elle s'éloigne ou s'aproche de la porte ou de la feneftre, on verra la pein

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