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Suite des trois précedens, contenant quelques remarques faire fur les expériences y contenües.

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CHAPITRE XVIII.

N faisant ces derniéres expériences & quelquesunes des précédentes, on pourra en même tems remarquer tous les rayons qui le réfléchiffent de toutes les fuperficies de tous les differens milieux au tra*vers defquels ils paffent, & comme les rayons principaux s'affoiblissent toûjours de plus en plus à l'occafion dequoi on verra comment les rayons qui fouffrent le plus de réfraction étant reçeus un peu loin des verres, font naître toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.

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On remarquera encore que chaque rayon qui paffe par chaque trou du carton, s'élargit infenfiblement à mesure qu'il s'éloigne du trou; & cela parce que tous les rayons qui partent de chaque point de la fuperficie du foleil, s'en éloignent de toutes parts en une infinité de lignes droites qui fe croisent en une infinité de lieux & de distances, comme je l'ay dit ci-deffus en parlant de la lumiére réfléchie qui fuit toûjours les déterminations de la lumiére feconde ou dérivée, je veux dire de ces rayons qui viennent du corps lumineux : deforte que ce rayon que je fupose seul, eft veritablement compofé de plufieurs rayons paralleles qui font traverfez par un autre plus grand nombre de rayons qui paffent obliquement par ce trou, & qui fe croisent aufli aux environs de ce trou. Et comme la diftance de la terre

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au foleil eft extremementgrande,l'angle de leur unioneft fort aigu,&par confequent celui de leur def-union:ainfi ce faisceau de rayons ne doit s'élargir qu'insensiblement.

Et c'est par cette raison que s'il y a trois ou plufieurs trous fur ce carton difpofez en ligne droite ou autrement, les rayons qui paffent par ces trous s'uniffent à une certaine diftance & ne forment plus qu'un gros faisceau de rayons; & fi on met l'œil à lendroit de l'union de fes rayons, on aura le plaifir de ne plus voir qu'un feul trou.

On remarquera enfin qu'il arrive auffi à chaque faisceau de rayons ce qui arrive à tous en général, c'est-à-dire que les rayons qui compofent chaque faifceau étant divergents en fortant du trou, en les recevant fur un verre convexe; ils deviennent convergents & tendent à s'unir à un certain point qui eft celui de l'union générale.

Si on doutoit de ce que j'ay avancé touchant l'éloignement des rayons de chaque point de la fuperficie d'un corps lumineux, quoi que cela foit affez facile à concevoir parce que j'en ay dit, on s'en éclaircira encore par cette expérience.

Pendant la nuit on allume une chandelle, on tient auprés de la flamme un carton percé d'un petit trou, on reçoit les rayons qui paffent par ce trou fur une feuille de papier blanc qu'on expose à une distance convenable, on voit la flamme, la méche & la partie. fupérieure de la chandelle peintes foiblement fur le papier, enforte que les parties fupérieures paroiffent en bas, les inférieures en haut, les droites à gauche &

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les gauches à droite : & à mesure qu'on éloigne ou approche la feuille de papier du trou du carton, cette peinture devient ou plus grande, ou plus petite. Ce qui ne pourroit ainfi fe faire fi plufieurs rayons ne venoient de differents points de la fuperficie de la flamme, & ne fe croifoient à l'endroit du trou de ce carton.

Suite des quatre précedents, de la nature de la lumiére.

CHAPITRE XIX.

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Puifque la lumiere fe micut, quelle le réfléchit à la rencontre des fuperficies folides, & quelle fe brife en paffant dans des milieux de differente nature; il s'enfuit que c'eft un corps qui fe meur; & ce corps ne peut être fimplement l'air agité, puifque l'air ne peut pénétrer le verre, ce que fait la lumière: c'est donc une substance ou matière plus fubtile, & qui se meut avec plus de vitesse.

Et comme il feroit difficile de concevoir que cette substance ou cette matiére fe pût porter en un inftant d'un corps lumineux fort éloigné, comme par exemple du foleil jusques à nous; on peut croire quelle remplit tous les pores de l'air & des autres corps tranfparens; & que fi elle n'excite pas toûjours le fentiment de lumiére, quoi quelle foit actuellement en mouvement, de même que les autres matiéres fluides; il y a apparence qu'il lui manque alors quelques mouvemens particuliers qui lui font abfolument néceffaires pour se faire

reffentir.

On fçait par les expériences fufdites que le mouvement en ligne droite eft néceffaire pour exciter le fentiment fimple de lumière. Il est plus difficile de déterminer ceux qui doivent accompagner ce mouvement droit, pour exciter le fentiment composé d'où naissent les couleurs. On connoît feulement que les couleurs ne font point réelles dans les corps, & que ce ne font que de certaines modifications de la lumière.

On s'en affûre en recevant fur une des faces d'un

prifme ou verre triangulaire, ou fur la fuperficie d'un verre plein d'eau, la lumière qui paffe par le trou du carton de la chambre fufdite, & cette lumière traververfant ce prifme, ou l'eau de ce verre, & fouffrant de fortes réfractions à fon entrée & à fa fortie, acquiert de certaines modifications qui lui font exprimer fort vivement fur les corps opofez à quelque distance delà toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.

Quoi que je ne m'embaraffe point de vouloir déterminer quels font ces mouvemens ou ces modifications particuliéres que les particules de la lumiére doivent fouffrir pour exciter toutes ces couleurs; parce qu'il me femble qu'il eft bien difficile de rencontrer jufte dans des chofes qui ne résultent pas affez clairement des expériences que l'on peut faire: cependant je veux bien avertir ici à l'occafion du prifme, que Monfieur Rohault a s'eft trompé dans la figure troiliême du cha- Def-cartese pitre 27. de la premiére partie de fa physique, en faifant croiser au milieu du prisme les rayons qu'il fupofe venir du foleil : car outre que cela ne fe peut; fi on confidere que les rayons de fumiére ne se brifent point

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autrement dans un prifme que dans un verre dont les fuperficies font plates, on jugera qu'ils doivent traverfer parallélement le prisme. On s'en affûrera encore par cette expérience.

On prendra deux tables triangulaires de bois ou d'autre matiére folides, on tracera fur chacune un triangle équilateral & qui foit égale en chaque table: on fera des rainûres dans les lignes qui termineront ces triangles, & à l'endroit des angles on y fera des trous pour y mettre trois foûtiens égaux en longueur & de même maniére, à côté defquels on fera auffi des rainûres qui repondront à celles des tables: on taillera trois verres pour remplir les trois faces de cette machine, & on les introduira dans toutes ces rainûres. Le tout étant bien joint, on mastiquera les jointures avec de la cire ou autrement, & ayant fait un trou au milieu d'une de ces tables, on remplira ce prifme d'eau; on fermera enfin ce trou avec une cheville ou de la cire.

Ayant fait deux trous fur un carton à trois ou quatre lignes l'un de l'autre, on apliquera ce carton au grand trou de la chambre fufdite quand le foleil y donne, & faifant de la fumée comme je l'ay dit, on verra deux rayons fortir par ces trous, & recevant ces rayons fur une des faces de ce prifme, on apercevra aisément au travers dela face qui n'eft point traversée par ces rayons, que ces deux rayons se brifent en entrant dans le prif& font paralleles en le traversant, bien loin de s'y croifer; & que fortant enfin de ce prifme, ils fe brifent une seconde fois, & continüent parallelement leur route. Ils fejoignent enfuite en s'élargissant com

me,

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