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des clefs du Tyrol septentrional, il ne manquait plus aux Français que la troisième, Feldkirch. Isolée, elle ne pouvait plus tenir. Jellachich qui s'y était retranché avec six mille hommes, ayant ses communications coupées, capitula avec Augereau, le 24 brumaire, à condition de ne pas servir pendant un an, et se retira escorté jusqu'aux frontières de Bohême. Augereau n'ayant plus d'ennemis devant lui marcha vers la Franconie.

Instruit que Saint-Julien, Hiller et l'archiduc Jean se retiraient à marches forcées par Prunecken sur Klagenfurth, Ney jugea que les divisions du Vorarlberg chercheraient à prendre la même direction, et tomberaient en son pouvoir, si elles le trouvaient en possession de Botzen, point de réunion de toutes les communications de la Carinthie, de l'Italie et du Vorarlberg. Il ordonna au général Loison de s'y porter, et le fit successivement soutenir par toutes ses troupes disponibles. Au lieu de placer, suivant ses instructions, six bataillons à Botzen, Loison n'y en envoya que deux. Attaqués par des forces supé rieures, ils ne purent tenir malgré une vive résistance. Le prince de Rohan fila; mais, trouvant les débouchés de la Carinthie occupés par les Français, il chercha à gagner Venise en passant derrière Masséna. Ney poursuivit dans le Pusterthal l'archiduc Jean et jusqu'à Lientz; mais sa retraite fut si rapide que, le 29 brumaire, le prince avait toute son armée réunie à Klagenfurth; les Français étaient maîtres de tout le Tyrol. Avec des forces bien inférieures,

de

environ dix mille hommes, Ney avait opéré au milieu de trente mille ennemis, pris toutes les places, vingt-quatre pièces de canon, trente mille fusils, grands approvisionnemens de poudre, fait deux mille sept cent soixante-dix prisonniers, sans compter deux mille malades et les Tyroliens qu'il avait renvoyés chez eux.

L'Empereur témoigna sa satisfaction à Ney, pour l'activité et le talent qu'il avait déployés dans l'occupation du Tyrol; lui ordonna d'en laisser le commandement à un général Bavarois avec les troupes de cette nation nécessaires, de partir avec son corps d'armée pour Salzbourg, de là pour Léoben, et de tâcher de communiquer avec Marmont qui avait ordre de se porter sur Gratz à la poursuite du prince Charles.

Informé, le 2 frimaire, qu'un corps de huit à neuf mille Autrichiens s'avançait par le Trentin sur Bassano, Saint-Cyr, laissant une partie de ses troupes au blocus de Venise, marcha avec l'autre au devant de l'ennemi; c'était le prince de Rohan qui, s'échappant du Tyrol par la faute du général Loison, était arrivé à huit lieues de la ligne française, et espérait, secondé par la garnison de Venise, se jeter dans cette ville. Saint-Cyr l'attaqua à Castel-Franco. La victoire ne fut pas long-temps douteuse. Le prince de Rohan capitula, avec six mille hommes, mille chevaux, sept drapeaux, douze pièces de canon. Après quelques combats avec l'avant-garde de Masséna, le prince Charles était arrivé à Laybach, l'ar

chiduc Jean à Klagenfurth; rien ne s'opposait plus à leur réunion. La campagne était à-peu-près finie en Italie comme dans le Tyrol.

Après la jonction des deux archiducs sur la Drave, le prince Charles, instruit de la prise de Vienne et des premières opérations en Moravie, manoeuvra pour se rapprocher de la Hongrie et de la gauche de l'armée alliée. Il retira par mer la plus grande partie des troupes qu'il avait jetées dans Venise, pourvut à la défense de la Croatie, et se remit en marche. Masséna le fit suivre par son avant-garde; le 8 frimaire elle occupa Laybach, et pour la dernière fois poussa devant elle l'arrière-garde des Autrichiens qui se retirèrent sur Cilly et Neustadt. Le maréchal poussa des reconnaissances sur sa gauche, et parvint enfin à se mettre en communication avec Marmont. Le général Serras eut une affaire assez chaude avec un corps de Croates, en tua beaucoup, leur fit quinze cents prisonniers et s'empara de Fiume. Ainsi se terminèrent les opérations en Italie. Toutes les forces françaises étaient parfaitement en ligne, la droite au golfe Adriatique, et la gauche en Moravie. Les intentions de l'Empereur étaient remplies: il voulait que, dans la position où se trouvait Masséna, il contînt le prince Charles, et l'empêchât de venir de la Hongrie par le Danube à la hauteur de Vienne, au moment où la grande armée était en présence des Russes. 1

'Lettre de Berthier à Masséna, 1er frimaire.

L'envoyé prussien Haugwitz était arrivé en Moravie. A Berlin le parti de la guerre avait gagné du terrain. Depuis la visite de l'empereur Alexandre, la reine, le prince Louis Ferdinand étaient dans une exaltation qui tenait du délire. Par jalousie de Haugwitz, Hardenberg les secondait. Le roi seul hésitait. L'empereur Alexandre lui avait demandé dix mille hommes en attendant que ses forces fussent toutes réunies; lord Harrowby était venu lui offrir les subsides de l'Angleterre, le roi avait fait des réponses dilatoires. Bernadotte ayant annoncé l'arrivée prochaine de Haugwitz, l'Empereur fit répondre de le retenir un jour en lui disant que le quartier général allait se rendre à Iglau; d'expédier un courrier aussitôt son arrivée par le retour duquel on informerait Bernadotte du lieu où il devait diriger ce ministre.

L'Empereur fit communiquer aux maréchaux Soult et Bernadotte ses idées sur l'ordre de bataille qu'il fallait prendre vis-à vis des Russes. Il recommandait à Davoust d'avoir les yeux sur Vienne, de ne pas se laisser surprendre, et de rejeter au-delà de la Marsch les partis nombreux de cavalerie que l'ennemi y portait pour conserver ses communications avec la Hongrie.

Napoléon était fort sollicité par tout ce qui l'entourait de faire la paix, il y était assez disposé; mais les Russes étaient en présence, il fallait d'abord se

1 Lettre de Berthier à Masséna du 3 frimaire.

de

mesurer. Du reste les alliés ne la voulaient pas, et toutes les démarches pacifiques de l'Autriche n'étaient que des pièges. Le 6 frimaire (27 novembre), Giulay, cette fois accompagné de Stadion, un des auteurs de la guerre, vint encore au quartier général de l'Empereur pour négocièr. Leurs propositions furent telles qu'ils semblaient plutôt dicter que mander la paix. Huit jours auparavant, l'empereur d'Autriche, dans sa détresse, s'était du moins montré modeste. Mais depuis la réunion des armées alliées et l'arrivée d'Alexandre, il parlait comme s'il avait été assuré de la victoire. La mission de ses plénipotentiaires n'était qu'une ruse de guerre pour endormir Napoléon et tromper sa vigilance. Au moment même où ils étaient partis d'Olmutz, l'armée combinée s'ébranlait 1. L'Empereur ne fut pas dupe de ces puériles finesses; il exigea pour condition préalable un armistice qui ne fut pas accepté, et renvoya les deux négociateurs à Talleyrand.

Il fit appeler son aide-de-camp Savary; c'était à la pointe du jour. Il venait de passer la nuit sur ses cartes, ses bougies étaient brûlées jusqu'aux flambeaux : il tenait à la main une lettre; il fut quelques momens sans parler; puis tout-à-coup il dit à son aide-de-camp : « Allez à Olmutz; vous remettrez cette lettre à l'empereur de Russie, et vous lui direz qu'ayant appris qu'il était arrivé à son armée, je vous ai envoyé le saluer de ma part. S'il vous ques

1 Mémoire du comte de Stharenberg.

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