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qui ont retenti ensuite avec enthousiasme dans toutes les bouches, et qui sont les plus beaux remerciements qu'on puisse vous adresser :

Bénissons la révolution qui nous rendra tous frères (1).

L'arrêté de la commune de Paris du 30 janvier 1790 fut porté à l'Assemblée nationale, dans la séance du 25 février 1790:

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Séance du jeudi 25 février au soir.

Une députation de la commune de Paris (M. l'abbé Mulot portant la parole), supplie l'Assemblée d'étendre aux juifs domici liés dans Paris le décret qui a déclaré citoyens actifs les juifs connus sous la dénomination de Portugais, Espagnols et Avignonnais.

M. le président : L'Assemblée nationale s'est fait un devoir. sacré de rendre à tous les hommes leurs droits; elle a décrété les conditions nécessaires pour être citoyen actif: c'est dans cet esprit, c'est en se rapprochant de ces conditions qu'elle examine, dans sa justice, les raisons que vous exposez d'une manière si touchante en faveur des juifs. L'Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance.

Une députation du district des Enfants-Rouges adhère à la demande faite par les représentants de la commune de Paris pour les juifs résidant dans la capitale.

(Moniteur du 1er mars 1790.)

(1) Le dimanche 24 janvier, jour auquel les plumets, porteurs de charbons, vinrent au nombre de 812 prêter solennellement, dans l'Assemblée des Réprésentants de la commune, le serment de fidélité à la nation, à la loi, au roi et à la commme de Paris, afin de faire cesser les propos injurieux que la calomnie cherchait à répandre depuis quelques jours contre leur patriotisme; M. le Maire, aussitôt après le serment, s'écria, par un mouvement d'âme, bien plus touchant que le plus éloquent discours: Vive le Roi. Bénissons la révolution qui nous rend tous frères; et ces paroles furent à l'instant répétées par toute la salle.

NOTE D.

On a vu après combien de tentatives vaines et d'ajournements l'Assemblée nationale avait enfin, dans sa séance du 28 janvier 1790, rendu un premier décret en faveur des juifs portugais, espagnols et avignonnais, par lequel elle leur reconnaissait les droits de citoyens actifs et confirmait les priviléges dont ils jouissaient en vertu des lettres patentes à eux accordées par Henri II en 1550 et par quelques-uns de ses successeurs.

L'Assemblée n'osant pas encore braver les préjugés, les laissait dans le statu quo. Cependant de courageux défenseurs des droits de l'humanité ne se lassèrent pas de réclamer une solution générale applicable à tous les israélites quelle que fùt leur secte, et qui fit cesser toute distinction entre eux et leurs concitoyens des autres cultes.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Séance du vendredi 26 février.

M. le duc de Liancourt: Je demande que l'Assemblée fixe le jour où elle voudra s'occuper de la question de savoir quel sera l'état civil accordé aux juifs.

M. ....................... : J'observe que la question relative aux juifs est sans doute fort importante, mais que nous en avons de plus importantes encore à tous. Ce que nous prononcerons à l'égard des juifs n'intéressera qu'une portion d'hommes; et fixer l'ordre du pouvoir judiciaire, déterminer le nombre et le mode de l'armée française, établir un règlement sur les finances, voilà trois objets qui intéressent tout le royaume, et qui sollicitent tous vos moments. Je demande l'ajournement de la question sur les juifs.

La question est ajournée.

(Moniteur du 27 février 1790.)

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Séance du jeudi 15 avril au soir.

L'Assemblée décide qu'elle va passer à l'ordre du jour. Les uns demandent l'affaire des juifs, les autres le rapport du comité des recherches.

M. l'abbé Maury: J'ai un mémoire à déposer sur le bureau, pour être envoyé aux juifs, et je défie qu'ils y répondent.

M. Rewbell: J'espère prouver que l'affaire des juifs doit être mise à l'ordre du matin, et je demande qu'elle soit renvoyée jusqu'après l'organisation de tous les pouvoirs publics.

M....... Je demande l'ajournement à jour fixe, parce qu'en éludant ainsi la délibération on s'expose à soulever le peuple contre eux. Les députés des juifs assurent qu'ils seront en sécurité aussitôt que l'Assemblée aura fixé l'opinion sur leur compte. Dans l'Alsace même, on s'attend tellement à les voir déclarer citoyens que certaines communautés ont réservé leur part dans le partage des biens communaux.

Toute l'affaire est renvoyée au comité de constitution, pour en faire le rapport aussitôt qu'il sera prêt.

Séance du vendredi 16 avril.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre par laquelle la municipalité de...., en Alsace, sollicite l'Assemblée de s'occuper incessamment du sort des juifs. L'incertitude de leur état les expose à des dangers qu'un décret de l'Assemblée peut seul prévenir.

M. Ræderer rédige un décret qui est presque unanimement adopté; il est ainsi conçu:

« L'Assemblée met de nouveau les juifs d'Alsace et autres sous la sauvegarde de la loi; défend à toutes personnes d'attenter à leurs intérêts, et ordonne aux municipalités et aux gardes nationales de protéger, de tout leur pouvoir, leurs personnes et leurs propriétés. » (Moniteur du 17 avril 1790.)

NOTE E.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Séance du mardi 20 juillet au soir.

M. Vismes, au nom du comité des domaines: Les juifs de Metz sont assujettis à une redevance pécuniaire de 20,000 livres envers M. Brancas; c'est une véritable servitude personnelle. Ils ont espéré de votre justice que vous les en délivreriez; depuis près de deux siècles ils supportent cette oppression. Le 31 décembre 1716 (1), M. Brancas et Mme Fontête (2) demandèrent au roi le droit de percevoir sur les juifs 40 livres par chaque famille, payables pendant trente ans. Le roi l'accorda; les juifs mirent opposition au parlement; un arrêt du conseil ordonna par provision l'enregistrement; et les juifs opprimés obéirent. D'autres lettres patentes leur permirent de s'établir au nombre de quatre cent cinquante familles, à condition qu'ils demeureraient séparés des citoyens et qu'il serait levé sur la communauté une somme de 20,000 livres.

L'effet des lettres patentes devant cesser en 1745, elles furent renouvelées en faveur de M. Brancas-Lauraguais, pour son mariage. M. Lauraguais fit proroger jusqu'en 1800 ce droit de protection. Le motif du roi pour cette nouvelle faveur est de donner à M. Brancas une nouvelle marque de bienveillance et de satisfaction. Le droit de protection peut-il subsister, soit au profit du concessionnaire, soit au profit du domaine, c'est-à-dire de la nation? Doit-il être supprimé sans indemnité au concessionnaire? Voilà ce qu'il faut examiner. C'est un droit, selon M. Brancas, représentatif du droit d'aubaine; selon les juifs, il est une suite de nos lois qui condamnent à la servitude cette nation. Vous n'avez rien prononcé sur le droit d'aubaine; il est

(1) 31 décembre 1715.

(2) La comtesse de Fontaine.

aisé d'en prévoir le sort; mais fût-il détruit, il faudrait encore que les juifs payassent le droit concédé à la maison Brancas. La qualité d'étranger est un vice' attaché à l'individu qui s'efface pour les descendants.

A l'époque où ce droit fut créé, les juifs n'étaient plus étrangers; ils prétendent avoir été établis à Metz, avant que cette ville passat sous la domination française. On veut qu'ils soient considérés comme étrangers; quels sont les actes qui le constatent? Les domanistes les plus fiscaux ne les regardent pas comme tels. Les juifs forment une corporation. Ce n'est pas comme étrangers qu'ils ont sollicité des lettres patentes, c'est comme corporation: il n'y a peut-être pas d'exemple d'un nombre d'hommes autorisés à se former en corporation au milieu d'une société qui les méconnaît. Il existait des droits de protection dans le régime féodal, et vous ne les avez pas distingués du droit de servitude. Peut-on mettre en question si l'on doit des indemnités pour la suppression d'un pareil droit? C'est prostituer la force publique que d'en vendre la protection à ceux qu'elle doit garantir. M. Brancas se soumet à votre décision, quelle qu'elle soit; il demande à subir le même sort que les pensionnaires. Le comité pense qu'il est de la dignité de l'Assemblée de l'assimiler en tout à cette classe de citoyens. Son âge, ses services réclament en sa faveur. Le titre de sa jouissance vous paraîtra peut-être devoir aussi entrer en considération. Le comité des domaines vous présente le décret suivant :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des domaines, a décrété et décrète qu'à compter du jour de la publication du présent décret, la redevance annuelle de 20,000 livres, levée annuellement sur les juifs de Metz et du pays, connue sous la dénomination de droit d'habitation, protection et tolérance, est et demeure supprimée et abolie sans aucune indemnité pour le concessionnaire et possesseur de ladite redevance.

» Décrète, en outre, que les redevances de même nature qui se lèvent partout ailleurs sur les juifs, sous quelque dénomina

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