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ASSEMBLÉE NATIONALE.

Séance du mercredi 28 septembre.

M. Duport présente la rédaction du décret rendu hier relativement à l'existence politique des juifs en France.

M. Broglie: Il est nécessaire que l'Assemblée prenne des précautions pour que ce décret n'ait pas de mauvais effets en Alsace; car d'après les intrigues dont l'influence se fait déjà sentir, il pourrait en avoir de très-mauvais. Il faut donc qu'il ne puisse être mal interprété, et qu'il soit dit que la prestation du serment civique, de la part des juifs, sera regardée comme une renonciation formelle aux lois civiles et politiques auxquelles les individus juifs se croient particulièrement soumis.

L'amendement de M. Broglie est adopté.

M. Rewbell: La manière dont le décret a été rendu hier sans discussion, sans rédaction préalable, sans examen, les inconvénients qui pourraient en être la suite détermineront, j'espère, l'Assemblée à me permettre aujourd'hui quelques réflexions sur cette rédaction. (On murmure.)

M. Chabroud: Je demande qu'il n'y ait plus de discussion, puisque le décret est rendu.

M. Rewbell: On vous propose aujourd'hui une nouvelle rédaction, vous ne voudrez pas sans doute écarter des réflexions qui tiennent à l'exécution même de votre décret; car si l'on ne vous instruit pas des localités, vous ne ferez rien de raisonnable. Si vous refusez d'entendre toute discussion, soyez persuadés que dans mon pays les ennemis du bien public feront croire aux habitants que les usuriers ont trouvé à Paris de puissants protecteurs. Vous avez révoqué le décret rendu en faveur des gens de couleur, libres, nés de sang français. (On murmure). Eh bien! si l'Assemblée ne veut pas être instruite, je la rends responsable de tous les troubles que peut susciter en Alsace le décret d'hier, dans un moment où les prêtres réfrac

taires redoublent les intrigues du fanatisme, et où le royaume se trouvera momentanément sans autorité.....

Le président: Sur quoi voulez-vous parler?

M. Rewbell: Je demande à faire connaître le véritable état

de la question.

M. Prugnon: Je demande qu'au lieu de mettre: sera regardé comme une renonciation à leurs lois civiles, etc., etc; on mette: sera regardé comme une renonciation à leurs priviléges; car les lois civiles des juifs sont identifiées à leurs lois religieuses; et il n'est pas dans notre intention d'exiger qu'ils abjurent leur religion.

M. Rewbell Vous voulez que votre décret soit exécuté; or, le vrai moyen de le faire exécuter sans secousses ni troubles, m'a été suggéré par les juifs eux-mêmes et par ceux qui s'intéressent à leur sort. Depuis quarante ans, des convulsions continuelles résultent de l'oppression usurière dans laquelle gémit la classe pauvre du peuple. Les juifs eux-mêmes sentent qu'ils ne peuvent vivre à côté de ces malheureux, avant que tous ces procès soient terminés. Les cahiers des trois ordres ont chargé les députés de l'Alsace de demander que les États-Généraux prissent des précautions pour liquider ces créances: faites donc que nous puissions enfin dire à nos concitoyens que vous avez voulu venir à leur secours, et que l'Assemblée nationale n'est pas moins bien intentionnée pour eux que pour les juifs.

Je vous propose donc de décréter que dans le délai d'un mois, les juifs d'Alsace, donneront aux directoires de district du domicile de leurs débiteurs, des états détaillés de leurs créances, tant en principal qu'en intérêts, et que les directoires de district prendront tous les renseignements nécessaires sur les moyens de libération des débiteurs, afin que sur l'avis motivé des directoires de départements, le corps législatif puisse statuer sur les moyens de liquider ces créances.

Ce sera le seul moyen de calmer cette classe nombreuse et malheureuse qui vit sous l'oppression usurière des juifs. Elle

verra qu'on s'est occupé de son sort. Les juifs sont dans ce moment, en Alsace, créanciers d'environ 12 à 15 millions, tant en capital qu'en intérêts, de cette classe du peuple. Si l'on considère que la réunion des débiteurs ne possède pas 3 millions, et que les juifs ne sont pas gens à prêter 15 millions sur 3 millions de vaillant, on sera convaincu qu'il y a au moins sur ces créances, 12 millions d'usure. Les juifs, disent eux-mêmes que si on leur donnait 4 millions pour la totalité de ces créances, ils seraient fort contents. Par le moyen que je vous propose, on connaîtra la véritable valeur des créances, et on donnera ce qu'il sera possible de donner; sans cela, vous aliénez les esprits contre votre Constitution. Voyez cette Assemblée nationale, dira-t-on, elle a tout fait pour des usuriers, et elle n'a pas pensé à nous tirer de nos malheurs.

Les états dont il est ici question seront très-faciles à faire, car les juifs avaient déjà été obligés de les fournir à la ci-devant cour souveraine de Colmar, et les deux tiers de ce travail sont faits.

Je suis obligé d'employer dans ma rédaction l'expression classe du peuple qui est actuellement très-peu sonore, mais qui se trouve dans les anciens règlements relatifs à cette espèce de créance.

Voici le projet de décret que je propose :

1° L'Assemblée nationale décrète que, dans le mois, les juifs de la ci-devant province d'Alsace donneront aux directoires des districts du domicile des débiteurs l'état détaillé de leurs créan ces, tant en principal qu'en intérêts, sur les particuliers non juifs dénoncés dans les anciens règlements de la ci-devant classe du peuple de la même province;

2° Que les directoires de district prendront aussitôt tous les renseignements nécessaires pour consulter les moyens connus des débiteurs pour acquitter ces créances; qu'ils feront passer ces renseignements avec leurs avis sur le mode de liquider, aux aux directoires des départements du Haut et Bas-Rhin.

3. Que les directoires des départements du Haut et Bas-Rhin donneront sans délai leur avis sur le mode de liquidation, communiqueront cet avis aux juifs, et l'enverront avec les observations de ces derniers au corps législatif, pour être statué ce qu'il appartiendra.

Ce projet de décret est adopté.

La rédaction de M. Duport, amendée par MM. Broglie et Prugnon, est décrétée en ces termes :

L'Assemblée nationale considérant que les conditions nécessaires pour être citoyen français sont fixés par la Constitution, et que tout homme qui, réunissant lesdites conditions, prête le serment civique et s'engage à remplir tous les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu'elle assure,

Révoque tous les ajournements, réserves, exceptions insérés dans les précédents décrets relativement aux individus juifs qui prêteront le serment civique, qui sera regardé comme une renonciation à tout privilége et exceptions introduits en leur faveur.

(Moniteur du 29 septembre 1791.)

NOTE K.

Les réclamations contre la loi exceptionnelle du 20 mai 1791 ne se firent pas longtemps attendre. Les israélites de Nancy adressèrent une pétition à l'Assemblée législative afin de ne pas être compris dans le rôle de répartition dressé pour la liquidation des dettes de l'ancienne communauté des juifs de Metz, et firent valoir leurs motifs à l'appui de cette demande. L'Assemblée adopta la question préalable sur cette pétition, en se fondant sur ce que les questions soulevées étaient du ressort du pouvoir judiciaire ou administratif et non du pouvoir législatif, et elle convertit sa résolution en une disposition qui est moins un décret qu'un ordre de jour motivé. Voici tout ce que l'on trouve au Moniteur à ce sujet :

verra qu'on s'est occupé de son sort. Les juifs
ment, en Alsace, créanciers d'environ 12 à
capital qu'en intérêts, de cette classe du
dère que la réunion des débiteurs ne
et que les juifs ne sont pas gens
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éclarant les articles 22 et 24 non applicables aux juifs, et ce

at des dispositions applicables aussi qu'aux autres cultes, nous le rapportons

Decret impérial sur les sépultures.

a palais de Saint-Cloud le 23 prairial an XII (12 juin 1804).
N, par la grâce de Dieu et les constitutions de la Ré-

Empereur des Français,

d Sur le rapport du ministre de l'intérieur, le conseil d'État techu, décrète :

TITRE I.

Des sépultures et des lieux qui leur sont consacrés.

Art. 1". Aucune inhumation n'aura lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques, et géné

(1) C'est par erreur que le Moniteur place dans la séance du 2 mai une décision prise dans celle du 1er mai.

(2) C'est encore par erreur que le Moniteur met comité de liquidation, au lieu de comité de législation.

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