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ROYAL

religion, sur ses dogmes et sur ceux qui les défendent. ll y a dans cet ouvrage mille traits contre le clergé.

Un écrivain plus célèbre encore que ce dernier, et qui partage avec Voltaire le sceptre de la philosophie, est Rousseau, dont l'influence sur son siècle est incontestable. Seş objections et ses paradoxes, débités avec chaleur, ne firent peut-être pas moins de mal que les sarcasmes et les facéties du patriarche de Ferney. Le Contrat social, en proclamant comme principe la souveraineté du peuple, jeta au milieu de nous un germe fécond d'erreurs, de désordres et de révolutions. L'Emile eut un succès prodigieux, malgré les paradoxes, les sophismes et les contradictions dont il abonde. Il n'y avoit point eu jusque là d'attaque aussi directe contre le christianisme. Les objections y étoient accumulées et le scepticisme présenté avec beaucoup d'art. L'illusion et l'entraînement furent tels que Rousseau, comme on le voit par sa correspondance, fut accablé de lettres de gens qui lui demandoient avec une confiance bizarre ce qu'ils devoient croire en fait de religion. Ils ne vouloient pas s'en rapporter à l'autorité, ils fermoient les yeux aux preuves du christianisme; mais ils invoquoient le témoignage de Rousseau comme un oracle. Rien ne fait mieux connoître le 18e siècle que cet ascendant d'un auteur sur ses contemporains, et cette docilité de ceux-ci à se diriger d'après son impulsion. Les femmes et les jeunes gens furent surtout dupes de la sensibilité, de la chaleur et de l'ostentation de vertu que l'auteur d'Emile étale dans tous ses ouvrages, et il eut le secret d'intéresser à lui malgré ses erreurs, ses fautes, ses boutades et son orgueil.

Le suces le redoubla les efforts de Voltaire,

qui fut un peu honteux d'avoir moins osé que Rousseau, et qui, jaloux de sa renommée, se mit à publier coup sur coup plusieurs écrits plus hardis les uns

que les autres. C'est alors que son style prit ce caractère d'aigreur, d'animosité, de bouffonnerie, de satire qui domine dans la plupart des productions de sa vieillesse. Sa fougue croissant avec l'âge, il devint de plus en plus âcre, intolérant, emporté, haineux. Il faisoit un plus fréquent usage de cette formule insultante qu'il avoit imaginée pour exciter ses amis. Il la reproduisoit sous toutes les formes, il en remplissoit ses lettres, il la cousoit, pour ainsi dire, au bout de chacune de ses phrases. Plus de goût, de décence et de mesure dans ses derniers ouvrages. Ce sont des facéties triviales, des injures violentes, des répétitions fastidieuses. L'auteur a trop souvent l'air d'être en colère. Il traduit l'Ecriture d'une manière dégoûtante, et puis il plaisante sur le sens qu'il lui a plu de donner au texte. Il dénature l'histoire, il invective contre les prêtres, il ressasse les mêmes objections, il a recours à des pasquinades, il substitue des dérisions à des raisonnemens, et des farces à des discussions. Telle fut son occupation pendant les quinze ou vingt dernières années de sa vie, tel est le ton qu'il avoit adopté dans l'âge qui devoit précisément le ramener à des sentimens plus modérés. Egaré par de perfides applaudissemens, tourmenté du désir de la célébrité, il voulut être chef de secte, et soutenir cette qualité par l'ardeur de son zèle. De là tant d'écrits qui tendoient au même but, romans, pièces de théâtre, histoires, facéties, pamphlets de toutes les couleurs. De là cette correspondance qui montre une haine si active et si industrieuse contre ce qu'il lui plaisoit d'appeler l'infame. De là ces provocations emportées, ces

exhortations, ces mots de ralliement, et tous ces moyens auxquels il eut recours pour faire au christianisme une guerre d'extermination. Les détails de ses efforts ne sont pas la partie la moins intéressante de l'histoire de la philosophie dans ce siècle.

Tels furent les chefs de cette école nombreuse et puissante qui travailla pendant la dernière moitié de ce siècle à saper l'édifice religieux. Ces chefs ne manquèrent pas d'imitateurs de leur zèle, qui les secondèrent avec plus ou moins de talent et de succès. Toussaint et son livre des Mours, de Prades et sa thèse, Helvétius et sa métaphysique grossière, Bélisaire, le Systéme de la nature, et les autres pamphlets irréligieux sortis de la même coterie, la Philosophie de la nature, l'Histoire philosophique et poiitique de Raynal, tant de brochures enfantées successivement par Naigeon, Condorcet, Damilaville, et par des auteurs moins connus encore, propagèrent le philosophisme. Il domina dans la littérature, il envahit la capitale, il pénétra dans les provinces. II gagna à la fois et les hautes classes de la société et la masse même du peuple. On exagéra à celui-ci ses droits; on ne lui parla plus que de son indépendance, de sa souveraineté, de la liberté. On lui peiguit l'autorité comme un despotisme, et la religion comme une superstition. Des pamphlets pleins d'exaltation et d'amertume échauffoient les esprits. Toutes les notions du devoir étoient interverties, et tous les principes de gouvernement mis en doute et ébranlés. Le Systéme de la nature, par exemple, ne prêchoit pas seulement l'athéisme, ne déclamoit pas seulement contre les prêtres; il insultoit encore aux rois avec une impudence inconcevable, il les appeloit des usurpateurs, des oppresscurs, et il invitoit les peuples à

ressaisir ses droits. Tant de soins, d'efforts et de livres produisirent leur effet. La révolution eut lieu.

L'histoire de ces causes, les progrès de ces doctrines, les moyens pris par leurs auteurs, l'audace de ceux-ci, la souplesse de ceux-là, le zèle et l'activité qu'ils déployèrent, la ligue qu'ils parvinrent à former, font sans doute la portion la plus intéressante et la plus curieuse des annales de la religion dans ce siècle. Comment l'auteur des Mémoires que nous annonçons a-t-il traité ce sujet? C'est ce que nous examinerons plus tard. Nous nous contenterons de dire ici qu'il avoit une belle tâche à remplir, et que cette seule portion de l'histoire ecclésiastique du dernier siècle suffiroit pour donner à son ouvrage un haut degré d'intérêt. M.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Le dimanche, 6 août, la communauté des filles de la charité de Saint-Vincent-de-Paul, nouvellement transférée dans la rue du Bac, y a célébré une fête doublement intéressante pour elle. Le matin vingtune jeunes sœurs ont reçu l'habit de leur état, et trois autres ont prononcé leurs voeux qui ont été reçus par M. Hanon, préposé général des deux congrégations. L'après-midi le même supérieur, muni de la permission de l'archevêché, et accompagné de plusieurs de ses confrères, tant de la capitale que des environs, a béni solennellement la chapelle de la maison, et y a ensuite transporté et déposé les reliques de saint Vincent-dePaul, qui ont échappé au pillage de Saint-Lazare en 1789, et qui, pendant la révolution, ont été soigneusement cachées en deux différens endroits. La conservation des reliques d'un si grand homme et d'un si grand saint est un événement heureux, non-seulement pour

les congrégations qui le reconnoissent comme leur père, mais encore pour la France qui doit voir en lui un protecteur. Celui qui lui fit tant de bien pendant sa vie, ne sauroit l'oublier après sa mort.

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La révolution du mois de mars dernier devoit être dans l'intention de ses auteurs autant une révolution religieuse que politique, et l'impiété se proposoit d'en profiter comme l'anarchie. Dès l'arrivée de l'homme ennemi, elle signala sa joie. On dit qu'en quelques endroits, aux cris de vive l'empereur, les factieux joignirent ceux-ci à bas le paradis, vive l'enfer; et il n'y a pas lieu de s'en étonner, car les ennemis de l'ordre et de la paix le sont aussi de la religion. En plusieurs cantons il y a eu réaction contre les prêtres, et ils ont été en butte aux outrages et aux mauvais traitemens des jacobins. On nous a assuré que dans l'arrondissement de R........., en Champagne, il y avoit eu un complot pour les exterminer. Le signal devoit être le mot d'ordre, allume. Dans le département de l'Ardèche les curés ont été bafoués et menacés. Un curé qui nous écrit a été obligé de suspendre ses fonctions. On se croyoit revenu au temps de Robespierre, et on craint que les habitaus des campagnes, encore une fois séduits par l'imposture et dupes de mille calomnies, n'aient bien de la peine à revenir à un état de calme et de bon sens. Dans une ville de Bourgogne, le clergé fut dénoncé comme ayant recelé deux mille fusils dans l'église. Des recherches exactes ayant prouvé la fausseté de cette absurde imputation, on eut recours à d'autres prétextes. On accusa les prêtres de ce lieu de faire cause commune avec les royalistes; on leur fit un crime de ne pas prier à l'église pour l'empereur. Un dimanche, le maire entonna lui-même le Domine, salvum fac imperatorem. Il se fit donner les clefs de l'église, renvoya le bédeau et les chantres comme royalistes, et finit par s'attribuer toute autorité en interdisant les prêtres à son gré, et en défendant de célébrer la messe sans są permission. Telles ont été les vexations de cet homme qui

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