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Dans les villes, où les règlemens de police défendent de verser les eaux de pluie par des godets sur le pavé des rues, on est tenu, quand on construit une maison, ou quand on rétablit à neuf la couverture, de conduire les eaux par un tuyau qui les amène depuis les gouttières jusque sur le sol. Il serait bien à desirer que des mesures plus promptes fussent prises pour faire disparaître ces godets d'ancienne construction, qui s'allongent de trois ou quatre pieds en avant des toits, et jettent sur les passans des torrens d'eau, long-temps même après que la pluie a cessé.

Il est à remarquer que l'article cité ne désigne que l'égout des toits, parce que les eaux qui coulent sur la surface de la terre sont comprises parmi celles dont on s'est occupé en la section première de ce chapitre · il y a été parlé, dans un premier article, de l'écoulement des eaux; dans un second, des sources d'eau; et dans un troisième, des eaux courantes. On y a vu que ces différentes eaux, lorsqu'elles passent d'un héritage à l'autre, par l'effet de la situation naturelle des lieux, sont des servitudes nécessaires, qui existent en vertu dış lois du voisinage, sans qu'il soit besoin de titre.

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Il n'en est pas de même de l'eau de pluie que reçoiven les toits chaque propriétaire doit les faire tomber sur son terrain, même dans le cas où ses bâtimens sont plus élevés que ceux qui l'entourent, à moins qu'il n'ait acquis le droit d'égout sur l'héritage voisia. Cependant, dès que les eaux de pluie sont arrivées par terre, elles peuvent suivre la pent indiquée par les niveaux naturels des terrains. Aussi doit-on remarquer que le Code, dans l'art. 681 qui nous occupe en ce moment, n'étend sa disposition que sur la manière dont les eaux pluviales sont conduites depuis les toits jusqu'en bas; il défend de les faire tomber chez le voisin, si on n'en a pas le droit par une servitude légitimement établie. Mais dès que les eaux des toits sont descendues sur le sol, on suit les règles qui concernent l'écoulement des eaux, et qui sont expliquées dans l'article premier de la section première.

Supposons qu'un bâtiment soit éloigné de quelques pieds de l'héritage voisin, et que les toits ne soient pas garnis de gouttières, l'eau de pluie dégouttera de toutes les parties

du toit sur le terrain qui dépend du bâtiment; elle pourra de là s'écouler chez le voisin sans qu'il puisse s'en plaindre, si la pente naturelle du sol est dirigée de son côté.

Mais si le toit du même bâtiment est entouré de gouttières qui ne laissent échapper les eaux que par un godet ou un tuyau, le voisin est-il tenu de les recevoir ainsi réunies en ruisseau, sous prétexte que la pente naturelle du sol les dirige de son côté?

Les principes que nous avons développés au commencement de la première séction, en parlant de l'écoulement des caux d'un héritage sur l'autre, servent à décider cette ques tion. Le propriétaire d'un fonds inférieur est assujetti à recevoir les eaux d'un fonds plus élevé, lorsqu'elles en découlent naturellement, sans que la main de l'homme y ait contribué. Le Code civil, dans son article 640, ajoute à cette disposition, que le propriétaire du sol supérieur ne peut, par aucun ouvrage, aggraver la servitude naturelle imposée au sol inférieur. Or, dans l'espèce proposée, la réunion des eaux du toit en un ruisseau est opérée par la main des hommes et rend la servitude plus onéreuse; le voisin peut donc s'opposer à ce que le propriétaire du bâtiment lui envoie ainsi des eaux réunies dans des gouttières.

Un bâtiment est appuyé sur un mur qui touche immédiatement l'héritage contigu, sans qu'il y ait mitoyenneté ; si les eaux des toits étaient abandonnées à elles-mêmes, il en dégoutterait une partie sur le terrain voisin. Il est donc évi dent en pareil cas que, soit par des gouttières, soit par d'autres moyens, les eaux du toit qui incline du côté du voisin doivent être dirigées sur la propriété de celui à qui appartient l'édifice.

Si le mur de séparation était mitoyen, en serait-il dé même? Il n'y a pas de doute; chacun des deux propriétaires du mur en doit jouir de manière à ne pas gêner l'autre. D'ailleurs les eaux qui viennent d'un toit que supporte un mur mitoyen ne sont pas recueillies par ce mur, et par conséquent ne sont pas une charge commune; elles doivent donc être retenues chez celui à qui le toit appartient.

A l'égard des eaux de pluie que reçoit sur son épaisseur

un mur de séparation qui n'est couvert par aucune cons◄ truction, tel, par exemple, qu'un simple mur de clôture, elles doivent être dirigées selon que ce mur est mitoyen, ou qu'il appartient exclusivement à l'un des deux propriétaires. Dans ce dernier cas, le chaperon du mur forme un seul égout tourné du côté du fonds sur lequel il est assis. Quand le mur est mitoyen, le chaperon forme deux égouts qui se joignent par le haut, en s'élevant comme une crête sur le milieu de l'épaisseur du mur. De cette manière, la pluie est dirigée par les deux pentes égales autant sur un héritage que sur l'autre.

ART. V. Des fossés mitoyens.

Toute espèce de fossés qui sépare deux propriétés est réputée mitoyen, s'il n'y a titre ou marque du contraire. Cette disposition de l'article 666 du Code civil est conforme à celle de l'art. 653 concernant les murs de séparation : ils sont présumés appartenir également aux deux voisins, si le contraire n'est pas prouvé.

Peu importe que les fossés contiennent de l'eau courante ou stagnante, ou même qu'ils soient perpétuellement à sec; la loi parle indistinctement des fossés qui touchent sans moyen deux héritages, et qui leur servent de séparation. Si donc au-delà d'un fossé il avait été laissé une portion quel conque de terrain appartenant au même propriétaire, le principe dont il s'agit ne pourrait pas s'appliquer. Un pareil fossé ne touchant pas immédiatement l'héritage voisin n'est pas une séparation des deux propriétés, par conséquent, la présomption de mitoyenneté ne peut pas subsister.

Il en est de même si le fossé se trouve border un chemin public: on sent bien alors que ce fossé fait nécessairement partie de la propriété à laquelle il sert de clôture; car il ne touche pas sans moyen l'héritage situé de l'autre côté du

chemin.

De quelque manière que soit fait un fossé qui touche deux propriétés contiguës sans autres objets intermédiaires, il appartient toujours au maître indiqué par les titres. Mais à défaut de titres, le Code civil, article 667 et 668, décide

que le fossé est censé appartenir exclusivement au proprié taire sur le fonds duquel se trouve tout le rejet des terres.

Pour entendre cette disposition, il faut se rappeler que quand des ouvriers creusent un fossé, ils jettent sur les bords la terre qu'ils en retirent. Or, si cette terre est totalement sur un des bords du fossé, on en conclut qu'il a été tracé entièrement sur l'héritage où les terres ont été jetées; par conséquent, on regarde le fossé comme appartenant uniquement au maître de cet héritage. Cette présomption est une preuve suffisante, à moins que le contraire ne soit démontré par écrit. En effet, si un titre attestait que le fossé est une dépendance de l'autre héritage, la présomption résultant du rejet des terres s'évanouirait devant la preuve écrite.

Si en creusant le fossé les terres ont été jetées en partie sur un bord, et en partie sur l'autre, c'est une présomption que ce fossé est mitoyen; car alors le rejet des terres n'est pas d'un côté seulement, et cette présomption de droit est une preuve tant qu'elle n'est pas démentie par des titres. Lorsqu'on ne trouve aucune trace du rejet des terres, on doit decider pareillement que le fossé est mitoyen. La mitoyenneté est en effet l'état présumé, tant que le contraire n'est pas prouvé; or, à défaut de titre, la seule marque légale de la propriété exclusive d'un fossé est le rejet des terres d'un seul côté donc si le rejet a été fait des deux côtés, ou s'il ne parait aucune trace de rejet ni d'un côté ni de l'autre, on doit pro noncer que le fossé appartient en commun.

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Pour la bonne construction d'un fossé, il faut que son talus soit proportionné à la profondeur et à la nature du ter rain. Il faut aussi que le propriétaire du fossé laisse un pied de large de son propre terrain du côté du voisin, pour la conservation de la ligne de séparation. (69)

Ainsi, lorsqu'un fossé n'est pas mitoyen, non-seulement toute sa largeur mesurée par le haut d'un bord à l'autre appartient au propriétaire du côté duquel les terres ont été jetées, mais encore il peut réclamer un pied au-delà du côté du voisin. A l'égard du fossé mitoyen, chaque propriétaire est censé avoir fourni le terrain nécessaire pour la moitié de la largeur, en la mesurant d'un bord à l'autre par le haut. I

n'y a rien de réglé pour la profondeur de cette clôture, parce que la mitoyennete d'un fossé ne peut jamais avoir lieu sans un accord entre les deux propriétaires. En co point la législation pour les fossés de séparation diffère de celle des murs placés entre deux héritages: on peut toujours être forcé de céder le droit de communauté à un mur qu'on a élevé, et qui touche sans moyen l'héritage voisin; et même, dans les villes et faubourgs, on est tenu de contribuer au mur de séparation quand le voisin l'exige. Il n'en est pas ainsi des fossés le propriétaire qui veut avoir une pareille clôture ne peut pas obliger son voisin à y contribuer; et quand il l'a faite à ses frais, il n'est pas forcé d'en céder la mitoyenneté, quoiqu'elle touche immédiatement l'héritage contigu. Il n'y à donc pas de fossés possédés en commun sans qu'il y ait eu accord entre les deux voisins.

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Ainsi, lorsqu'à défaut de titres ou de marques un fossé est considéré comme mitoyen, on présume que les parties l'ont fait creuser à frais communs, ou que, par une convention quelconque, elles en ont établi la mitoyenneté.

Le propriétaire à qui appartient exclusivement un fossé, quoique joignant sans moyen l'héritage voisin, est libre de le combler; pareillement il est seul tenu de l'entretenir. Quand il le fait curer, les immondices doivent être jetées de son côté. Il ne peut rien planter sur le pied de bord qui lui appartient du côté opposé, parce qu'il n'est pas permis de faire des plantations à si peu de distance d'un autre héritage, comme on le verra par la suite. Le voisin n'en doit moins pas respecter ce pied de bord, puisque c'est un terrain qui ne fait pas portion de sa propriété. Celui à qui appartient le fossé doit avoir grand soin de prévenir les éboulis du côté du voisin, afin que le terrain de celui-ci n'éprouve aurune détérioration.

La mitoyenneté d'un fossé étant l'objet d'une véritable société, les deux propriétaires doivent en jouir en commun, et veiller à ce qu'il ne soit pas endommagé. Si ce fossé produit quelques fruits, par exemple, s'il y a du poisson, chacun a droit d'en avoir sa part. Alors la manière dont chacun peut y pêcher est réglée par le titre ou par l'usage des lieux; et

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