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déjà une collection très-riche de faits. Or, il manque souvent à ces faits d'être groupés, coordonnés sous les lois qui les régissent, et voilà pourquoi l'aménagement, qui a pour objet de combiner les lois de la production et de la distribution des richesses forestières, dans un but déterminé, n'a été que très-imparfaitement élaboré par nos devanciers; mais ceux-ci ne pouvaient pas tout faire; ils ne pouvaient pas, dans l'espace de neuf années, constituer et compléter la science forestière. Nous sommes bien loin, nous-mêmes, d'y prétendre. Avant de constater des lois en une matière aussi délicate que celle dont nous nous occupons, il faut avoir recueilli un très-grand nombre de faits, s'être assuré qu'ils ont été exactement observés. D'ailleurs, une revue n'est pas un livre; il faut de toute nécessité y faire une large part à l'imprévu. On ne pourrait, sans lui enlever beaucoup de son intérêt, s'y maintenir dans un cadre immuable; son but essentiel est de provoquer et de centraliser la plus grande quantité possible d'observations qu'il appartient ensuite aux hommes d'étude de recueillir, de méditer et de formuler scientifiquement.

Il nous sera possible toutefois d'introduire désormais un peu plus d'ordre, au point de vue synthétique, dans notre rédaction, et nous nous proposons, à cet effet, de résumer avec méthode, dans des revues périodiques, les faits importants que nous aurons publiés et qui nous paraîtront dignes d'appeler plus particulièrement l'attention de nos lecteurs.

Ces revues seront trimestrielles, mais elles paraîtront alternativement, de sorte que chaque numéro en contiendra une. Elles seront composées de la manière suivante qui nous a paru la plus propre à satisfaire les diverses catégories de nos abonnés :

1o Revue scientifique comprenant les faits principaux relatifs à la culture, à l'utilisation des produits, à l'aménagement. C'est aux hommes qui, par position ou par goût, s'occupent de la science sylvicole, et par conséquent à la presque généralité de nos abonnés, que s'adressera ce compte rendu qui, de temps en temps, s'appliquera spécialement aux progrès de la science en Allemagne.

2o Revue judiciaire ou de législation résumant, dans un corps de doctrine, les jugements ou arrêts intervenus dans les matières de la chasse, de la pêche et des forêts. C'est aux jurisconsultes et aux agents forestiers qu'elle est plus particulièrement destinée.

3o Revue administrative et économique dont l'objet principal sera la critique raisonnée des réglements administratifs relatifs à la gestion des propriétés boisées. Les agents, les maires ou administrateurs, et

peut-être même l'administration supérieure, pourront y trouver d'utiles enseignements.

4o Enfin, revue commerciale et industrielle dont le but sera de faire connaître aux propriétaires et marchands de bois le mouvement du prix du bois sur les principaux marchés; les mercuriales mensuelles que nous sommes en mesure de publier avec toute l'exactitude désirable, fourniront à cette revue les matériaux dont elle aura be

soin.

Nous espérons que ces améliorations seront accueillies avec plaisir par nos abonnés; mais il en est d'autres encore que nous préparons. Il importe de corriger et d'augmenter le calendrier forestier, ce sera un de nos premiers soins. Il est également convenable d'aborder et de résoudre plusieurs questions importantes d'économie générale qui ont été négligées jusqu'à ce jour; nos relations avec les sociétés savantes et les membres des assemblées politiques, nous en donneront les moyens. Enfin, la chronique administrative a laissé quelquefois à désirer; le tableau du personnel a besoin d'être rectifié et complété; ce sont des parties que la nouvelle constitution du comité de rédaction nous permettra de traiter désormais avec l'exactitude et les détails qu'elles comportent.

Voilà ce qu'il nous est permis d'offrir à nos abonnés; mais est-il besoin de faire observer que, sans leur concours, notre recueil serait encore, et malgré tous nos efforts, insuffisant? N'est-il pas évident, par exemple, que s'ils négligeaient de nous transmettre les résultats des observations locales que les fonctions de la plupart d'entr'eux les mettent à même de faire, ils priveraient les Annales de l'élément le plus précieux du succès qu'elles sont susceptibles d'obtenir? Et à ce sujet, que les agents forestiers nous pardonnent de leur rappeler que des faits isolés, auxquels ils seraient quelquefois disposés à n'accorder que fort peu d'intérêt, pourront en présenter beaucoup, lorsque nous les rapprocherons d'autres faits semblables ou contraires observés dans des régions différentes.

Nous prions donc tous ceux qui auraient à nous adresser des communications, de ne pas se laisser arrêter par une insignifiance qui, dans la plupart des cas, ne serait qu'apparente.

Il nous reste à dire un mot de notre attitude vis-à-vis de l'Administration:

L'État possède la position la plus productive de notre domaine forestier. Il gère, en outre, celle qui appartient aux communes et aux établissements publics. Il exerce ainsi une influence presque souve

raine sur les propriétés similaires qui sont entre les mains des particuliers. Dans certaines localités, il peut próduire à son grê là hausse ou la baisse dans le prix du combustible végétal, et de cette manière, il tient en quelque sorte sous sa dépendance, non-seulement les intérêts des propriétaires de bois, mais encore ceux d'une partie de notre métallurgie. Voilà certainement déjà des raisons suffisantes pour que les actes de l'Administration forestière soient soumis, de notre part, à l'exainen le plus sérieux et le plus approfondi.

Il y a plus malgré les efforts individuels de tous les hommes qui s'intéressent à la prospérité de nos forêts, malgré la centralisation et l'unité qu'il nous sera possible de donner à ces efforts, il est clair que la science forestière ne sera définitivement constituée sur des bases certaines, que lorsqu'on aura fait les travaux indispensables que l'État seul a la puissance d'entreprendre et de mener à bonne fin. Pour n'en citer qu'un, la statistique forestière de la France est une de ces opérations qui défient toute notre bonne volonté, et que l'Administration seule peut exécuter. Or, ce sont là des motifs nouveaux qui justifieront la sollicitude avec laquelle nous aurons à suivre la marche de cette administration.

Mais indépendamment des appréciations que nous ne pourrons nous dispenser de formuler sur les choses, il y en a de plus délicates que comportent les hommes, le personnel.

Les anciennes Annales, tout le monde leur rendra cette justice, se sont toujours tenues, à ce sujet, dans une grande réserve. Notre intention est de suivre leur exemple.

Ainsi, toutes les fois que les mesures de l'Administration auront un caractère purement individuel et accidentel, nous éviterons d'en faire l'objet de nos appréciations, afin de ne pas introduire, dans notre publication, des personnalités qui pourraient affaiblir le caractère que nous voulons lui maintenir; mais s'il arrivait jamais que les décisions dont les agents auraient été l'objet, fussent systématiques et eussent pour but d'atteindre des principes, dont le maintien nous paraîtrait essentiel à la chose publique, nous croirions manquer à notre mission, si nous hésitions à les combattre.

Nous entrons dans la carrière libres de tout lien, libres même des préoccupations que des procédés bienveillants avaient pu suggérer à nos devanciers, quand ils fondèrent l'œuvre que nous allons continuer; mais on ne nous jugerait pas comme nous méritons de l'être, si on nous supposait capables d'abuser de l'indépendance dans laquelle l'Administration nous a placés, pour chercher jamais à entraver ou à gêner l'ac

tion de l'autorité, pour lui refuser notre adhésion et notre concours quand nous pourrons les lui accorder. Notre plus vif désir est, au contraire, d'être mis à même de louer ses actes; car, après tout, les intérêts que nous défendons doivent être les siens.

Le secrétaire du Comité de rédaction, BREYNAT.

EXPÉRIENCES SUR L'ÉCORCEMENT DU CHÈNE,

Et en général sur son traitement en taillis à écorcer.

Parmi les produits accessoires des forêts, les écorces de chène, employées dans les tanneries, occupent un rang important. Nous n'avons aucune donnée pour évaluer le nombre d'hectares de taillis écorcés tous les ans en France; mais à en juger par l'analogie, ce nombre doit être très-considérable. Ainsi, pour ne citer que la Prusse, sur laquelle nous avons des documents officiels, dans ce pays, qui compte 16 à 17 millions d'habitants sur une superficie de plus de 28 millions (28,263,381) d'hectares, l'étendue totale des forêts est de 6,071,059 hectares, et celle des taillis soumis à l'écorçage de 281,250 hectares (1). Or, la France comprend 36 millions d'habitants sur plus de 52 millions d'hectares, dont environ 8 millions et demi en forêts; il lui faut donc au moins un demi-million d'hectares de taillis de chêne pour satisfaire ses tanneries. Cette estimation, appuyée seulement sur une analogie fort éloignée, est probablement beaucoup trop faible; mais notre chiffre est assez élevé pour démontrer l'importance du produit qui nous oc

(1) Voici encore quelques renseignements officiels sur cette industrie :

Il y a en Prusse 1058 moulins à tan et 5,614 tanneries, où travaillent 10,730 tanneurs, patrons et ouvriers; le nombre des cordonniers est de 134,526, et celui des selliers et autres ouvriers en cuir, 14,621.

La quantité de cuir préparé en Prusse est de 190,000 quintaux métriques, dont 135,000 sont tannés, ce qui exige 750,000 quint. mét. d'écorce. L'importation de cette dernière excède l'exportation de 10 à 20,000 quint. mét., selon les années, tandis que pour le cuir tanné, il y a un excédant de 2,000 quint. mét, environ en faveur de l'exportation.

En France, on a importé pour la consommation intérieure les quantités d'écorce suivantes :

Ecorces moulues, moyenne de 1827 à 1836, 116,594 k.; de 1837 à 1846,170,703 k. 1,609,287

non moulues,

1,513,043

cupe. Cette considération nous engage à mettre sous les yeux du lecteur français quelques extraits d'une brochure sur l'Ecorcement et sur la culture des taillis de chêne, composée par M. Muller, grand-maitre des forêts, et distribuée aux frais de la Société royale et centrale d'agriculture de Prusse. Avant d'entrer en matière nous ajouterons que M. Muller, qui a parcouru ses grades inférieurs dans le département d'Aix-la-Chapelle, a recueilli la plupart de ses expériences dans des forêts situées sur les contre-forts des Ardennes. Il a été particulièrement chargé d'administrer les taillis qui fournissent leurs écorces aux célèbres tanneries de Stablo, Malmédy, Saint-Vich, etc., et il s'est occupé avec ardeur et avec succès de la spécialité forestière qu'il s'était créée. Nous suivrons l'ordre dans lequel les matières ont été classées dans la brochure.

I. Qualités d'un bon tan.

Selon les tanneurs de la Prusse rhénane, l'écorce de chêne doit remplir les conditions suivantes :

1. L'écorce ne doit pas avoir de crevasses;

2. Elle doit être exempte de mousse ou de lichen;

3. La cassure doit être blanche et nette comme de l'argent; si elle était rougeâtre, elle serait d'une qualité inférieure ;

4. Lors de la récolte, elle doit avoir été soigneusement garantie de l'humidité et ne pas avoir été mise en tas avant sa complète dessiccation. Sans ces précautions elle prendrait facilement de la moisissure et perdrait du tanın;

5. L'écorce de la tige est plus riche en tanin que celle des branches, et celle provenant du bas de la tige, plus que celle du haut;

6. L'écorce des arbres âgés a moins de tanin que celle des arbres plus jeunes.

II. Choix de l'exposition et du sol pour les taillis.

Selon la situation des taillis, le produit des écorces est plus ou moins abondant. M. Muller a fait, sous ce rapport, des expériences très-curieuses. Nous en citerons surtout une, exécutée sur un peuplement de 18 ans, qui couvrait le penchant occidental d'une montagne de la chaîne des Ardennes, haute de 1,039 pieds (364 mètres) au-dessus de l'étiage du Rhin, près de Bonn. Une certaine quantité de bois pris en trois endroits différents de cette montagne, a été pesée avec et sans l'écorce, et voici les résultats obtenus:

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