Page images
PDF
EPUB

Jamais le droit de 7 francs n'a joué complètement, quand il y a eu de bonnes récoltes dans le monde. Les agriculteurs et les protectionnistes ont, pendant quelque temps, considéré que s'il ne produisait pas son plein effet, c'était un résultat de l'adoption de l'étalon d'or en 1873 en Allemagne, Après avoir abandonné leur campagne bien établie, ils ont rendu responsable de leur déception le régime de l'admission temporaire institué par le décret de 1897.

Le gouvernement déposa le 7 juillet 1900 un projet de loi destiné à modifier la loi de 1836 et le décret de 1897.

D'après le décret de 1897, l'importateur fait entrer son blé en toute franchise, le trésor lui accorde un crédit de deux mois, le projet de loi du gouvernement de 1900 exige le payement immédiat des droits; le meunier ne pourra céder son titre de perception qu'à un autre meunier par voie d'endossement, et dans un délai maximum de dix jours. Ce projet de loi ne donna pas satisfaction aux personnes qui prétendent représenter les intérêts agricoles.

MM. Papelier, Debussy, de Pontbriand y substituèrent des propositions ayant pour objet la création de bons, dits d'importation, mais qui, en réalité, étaient des bons d'exportation.

Ce système adopté par la Chambre des Députés fut repoussé, le 9 mars 1901, par le Sénat.

Dès le 11 mars, M. Castillard présentait une nouvelle proposition de loi sur les bons d'importation, et la Chambre des Députés a adopté le 24 octobre un nouveau projet spécifiant «< que le meunier soumissionnaire devra entrer directement les blés importés dans son usine, et en sortir directement les produits fabriqués pour les exporter ».

Ce projet de loi soumet les minoteries à « l'exercice ». La douane aura droit de contrôle sur toutes les opérations, même à l'intérieur des usines.

M. Viger, président de la commission du Sénat, y a substitué un nouveau texte qui complète et renforce le texte adopté par la Chambre des Députés.

Tous ces projets ont pour but de rendre plus difficile pour les meuniers du Midi l'approvisionnement de leur matière première, qui est le blé.

Ces projets ne pourront pas empêcher le blé de Russie ou des EtatsUnis de venir à Marseille; ils ne crééront donc pas un nouveau débouché pour les blés du Nord, ils fermeront, au contraire, celui que leur donneraient les minoteries de leur région, qui, par l'achat des acquitsà-caution, obtenaient une prime à l'exportation des farines, compensant dans une certaine mesure, l'élévation du prix du blé en France résultant du droit de 7 francs.

Ce jeu des admissions temporaires, les complications qui en résul tent, les récriminations réciproques qu'il provoque montrent, une fois de plus, à quelles conséquences entraînent les droits protecteurs.

D'après les travaux de M. Fleurant, la boulangerie française a besoin de certaines farines qui ne peuvent provenir que de blés exotiques; le droit de 7 francs a pour résultat de priver la meunerie et la boulangerie françaises de cette matière première ou du moins d'en augmenter le prix de revient.

Les facilités données par le décret de 1897 atténuaient cette charge. Le nouveau projet de loi a pour but de les supprimer.

En réalité le décret de 1897 solidarisait la meunerie du Midi avec la meunerie du Nord, donnait à la première des facilités pour l'approvisionnement des départements du Midi qui ne produisent pas assez de blé pour leur consommation, il donnait des facilités aux meuniers du Nord pour l'écoulement de leurs farines.

Les mesures proposées ne peuvent avoir pour résultat que de gêner l'industrie de la meunerie, d'augmenter le prix du blé dans les départements du Midi et probablement de le faire baisser dans la région du Nord.

La nouvelle loi que le Sénat va discuter a pour but d'augmenter, aux dépens de la meunerie, les charges du droit de 7 francs sur les blés et de gêner les importations de blé dans le Midi provenant de la Russie et des Etats-Unis.

SOCIÉTÉ D'ECONOMIE POLITIQUE

SÉANCE DU 5 DÉCEMBRE 1901

Admission de nouveaux membres.

DISCUSSION: Des divers procédés d'émission de valeurs mobilières.

OUVRAGES PRÉSENTÉS.

La séance est présidée par M. E. Levasseur, de l'Institut, président.

Il communique à la réunion les noms des nouveaux membres de la Société élus par le Bureau dans sa séance de ce jour.

:

Ont été nommés membres titulaires MM. G. Payelle, directeur général des contributions directes; Pinard (André); Ch. Renard, docteur en droit, avocat; Fleureau, agréé au Tribunal de commerce; Chastenet, député de la Gironde; Mme Clémence Royer est également nommée titulaire.

Sont nommés correspondants MM. Laneuville, du Havre; O. Bloch Eisenmann, de Paris.

M. Jules Fleury, secrétaire perpétuel, présente les publications reçues depuis la précédente séance, et dont les titres sont ci-après.

La réunion adopte comme sujet de discussion la question suivante, proposée par M. A. Raffalovich :)

DES DIVERS PROCÉDÉS D'ÉMISSION DE VALEURS MOBILIÈRES.

M. A. Raffalovich a la parole pour exposer la question. L'étude des procédés divers employés pour l'émission de valeurs mobilières présente en ce moment, dit M. Raffalovich, un intérêt particulier, un intérêt d'actualité.

Les valeurs mobilières constituent une marchandise d'un genre spécial, elles sont le monnayage du crédit, lorsqu'il s'agit des emprunts de l'Etat, de corps constitués et même de Sociétés anonymes; elles sont en outre aussi la division, le morcellement

de la propriété sociale, lorsqu'il s'agit de sociétés par actions ou de sociétés civiles. Pour rendre à leurs créateurs le service primordial qu'ils en attendent, celui de leur procurer les capitaux dont ils ont besoin, les valeurs mobilières doivent passer dans les mains du public; pour que la vente puisse s'en effectuer couramment, il faut supposer l'existence de marchés organisés, comportant la vente et l'achat régulier de ces marchandises spéciales et la publication des cours, des prix cbtenus.

Par quelles voies ces valeurs mobilières,, signes représentatifs de dettes diverses ou parts de propriété dans des entreprises, trouvent-elles le débouché, rencontrent-elles l'acheteur, au lendemain de leur création?

Il faut distinguer entre les fonds publics et les valeurs créées par les sociétés.

Lorsqu'un emprunt a reçu la sanction gouvernementale, l'État peut employer divers procédés pour l'émettre.

Les procédés sont de trois sortes :

1o Appel direct aux banquiers.

2o Appel direct au public par la voie de la souscription.

3o Négociation en Bourse ce dernier mode est un succédané du second, c'est un appel au public par la voie des opérations de Bourse.

Pendant longtemps, l'État s'est adressé à des groupes financiers, avec lesquels il négociait l'opération d'emprunt. Le banquier ou le groupe de banquiers et de banques prenait ferme la totalité de l'emprunt à un prix déterminé (le bénéfice principal consistant dans l'écart entre le prix de cession de l'emprunt et le prix de vente au public); parfois le banquier recevait une commission supplémentaire, parfois aussi il devrait faire participer l'État au bénéfice dans une proportion déterminée,si l'émission avait pu être faite au-dessus d'un cours prévu; afin de limiter le bénéfice des banquiers, l'État fixait souvent lui-même le prix d'émission. Il se présente aussi des cas où le banquier prend ferme seulement une partie de l'emprunt : on lui concède la faculté, l'option de prendre le solde à un cours égal ou supérieur ; le banquier garantit ainsi qu'une partie tout au moins de l'emprunt sera placée. La marge entre le prix obtenu par l'Etat et le prix de vente est allée en diminuant; au fur et à mesure que le crédit des États s'est mieux assis, elle tourne autour de 10/0, descendant parfois au-dessous tombant à 1/2 0/0 ou allant jusqu'à 1 1/2, et 2 0/0.

A fur et à mesure que le crédit public s'est consolidé, que la

clientèle s'est développée, les gouvernements ont pu se passer du concours des syndicats de garantie. Ils ont eu recours alors soit à l'émission en commission faite pour leur compte, à leurs risques et périls, par les banques et banquiers, ou à l'émission directe aux guichets du Trésor, chez ses fonctionnaires, aux guichets de la Banque centrale et de ses succursales. Cela a été fait successivement dans la plupart des États pour les emprunts émis à l'inté rieur. Au lieu d'avoir un syndicat garantissant la bonne fin de l'opération, l'État a vendu à ses risques et périls, se bornant à bonifier une petite commission aux intermédiaires.

Le premier exemple de l'appel direct au public en France a été donné lors de l'emprunt de 250 millions en 1854. Mirès s'est attribué le mérite d'avoir conseillé cette initiative nouvelle.

Si les gouvernements en sont arrivés à se passer des syndicats pour les emprunts intérieurs, cela n'empêche pas que, dans certaines circonstances, lorsque les conditions financières ou politiques sont devenues difficiles, les gouvernements, même financièrement les plus forts, ont eu recours à des syndicats de garantie (dans les dernières années, l'Allemagne en 1899 avec le groupe de la Deutsche Bank, l'Angleterre avec des banquiers anglais et américains).

C'est affaire d'opportunité, non pas question de principe que celle de recourir à un syndicat de garantie, de même que pour l'appel au crédit à l'étranger (Angleterre, Allemagne, France, Autriche, Italie, Russie, États-Unis). Ordinairement pour ce genre d'opérations faites au dehors du pays, on a recours aux syndicats de garantie dont la rémunération varie avec le plus ou moins de solvabilité de l'emprunteur, et qui a été parfois très considérable pour certaines républiques sud-américaines.

Le mode d'émission usité sur le continent, c'est la mise en souscription publique à un prix déterminé. On a aussi essayé de la vente directe en Bourse par un courtier ou agent de change vendant pour le compte du Trésor, comme M. Léon Say l'a fait pour le 3 0/0 amortissable.

En Angleterre on a adopté le procédé de la mise en adjudication de l'emprunt, avec fixation d'un prix minimum et répartition au prorata, suivant les prix offerts en satisfaisant d'abord ceux qui ont nommé le cours le plus élevé. Ce mode que l'on croyait le plus équitable et de nature à éviter certains inconvénients dont on se plaint sur le continent, souscriptions excessives, mauvais classements, ne présente pas les avantages qu'on y croyait attachés; il n'exclut pas l'intervention des syndicats.

« PreviousContinue »