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cesse de presser les Anglais [de] nous donner une destination qui ne nous accole pas éternellement avec les Autrichiens. On dit que Thugut veut encore la guerre ; mais il est difficile de prévoir comment il la fera, n'ayant point d'armée pour le moment, à moins que la Prusse et la Russie ne viennent à son secours; ce dont je doute. Je persiste à croire que la paix de l'Autriche servira beaucoup mieux la cause, que la manière dont ses troupes font la guerre et celle dont son cabinet la dirige. Les autres Puissances et l'intérieur, par leurs soins, rétabliront Votre Majesté sur son trône je n'en doute pas un instant 1.

Je suis prévenu, par l'archiduc Charles, que nous ferions incessamment un mouvement pour faire place aux troupes qui évacuent le Tyrol; mais j'ignore absolument où l'on nous enverra. Cela dépendrait vraisemblablement de la possibilité de la guerre ou de la certitude de la paix. Dans ce dernier cas, et peut-être même sans cela, je crois qu'il y aura de grands changements parmi nous; mais je n'en ai pas encore de notion certaine....

Je remercie bien Votre Majesté de l'expédition des croix et des lettres d'assurance de grade. Cette bonté de Votre Majesté a fait ici le plus grand effet, et redoublé, s'il est possible, l'attachement qu'on lui a voué. J'ignore ce que nous allons devenir; mais, dans quelque pays qu'on nous laisse ou qu'on nous transporte, Votre Majesté peut être sûre que ce qui me suivra sera toujours prêt à exécuter ses ordres, à servir sa cause, et à verser son sang pour elle. J'ai l'honneur de lui renouveler l'hommage

son corps d'armée. Il ne se contentait pas de l'écrire aux siens; il avait l'imprudence de le dire tout haut.

I. « Quels événements! et qu'on paie cher l'aveuglement de l'égoïsme et de l'ambition! Le Nord et l'intérieur ont toujours été et seront toujours notre seule ressource. Ne désespérons pas. » (Condé à l'év. de Nancy, 31 déc.)

pur et constant de mes principes inaltérables, de mon invariable attachement et de mon profond respect.

(Arch. de Chantilly.)

10. CONDÉ A ENGHIEN

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Kapfenberg, 9 janvier 1801.

L'ordre de notre départ est arrivé. Nous partirons pour aller occuper les cantonnements entre Graz et Marburg (tel est l'ordre), vous le 11, et moi le 12. M. de Lanan 2 vous enverra l'ordre jusqu'à hauteur de Graz. Ne pouvant pas spécifier le reste, que je n'aie des nouvelles de M. Hiller 3 avec qui j'ai ordre de me concerter, j'y ai envoyé. La Rochefoucauld 4 sera ce soir à Graz pour tout arranger avec M. de Melas, pour ce qui le regarde. Mon intention est de vous mettre quelques lieues en avant de moi, parallèlement à ma ligne et au chemin de Graz à Marburg, où je compte prendre mon quartier général. Voilà tout ce que je puis vous dire pour le moment. Les arrivants de Vienne disent que l'on ne doute plus de la paix 5: cependant rien d'officiel encore.

1. Cet ordre reportait le corps de Condé au midi, sur la route de Trieste. - Marburg est au sud de Graz, sur la Drave. Cette rivière coule vers l'est, parallèlement à la Mur, dont le cours, arrêté à cet endroit par des montagnes, reprend aussi vers l'est.

2. D'Izelin, comte de Lanan (Louis-Maximilien), né en 1736, mort en 1821. Nommé maréchal de camp en 1781, il émigra en 1791 et rejoignit à Worms le prince de Condé. Il fit, sous ses ordres, les campagnes de 1791 et 1792 comme commandant en second de la cavalerie noble, et celles de 1794 et 1795 en qualité de commandant en chef de l'avant-garde. Il fit celles de 1796 et 1797 en la mème qualité, sous les ordres du duc d'Enghien. Depuis ce moment il était second colonel des dragons d'Enghien.

3. Le Feldmarschal Hiller commandait l'aile gauche des Autrichiens. 4. Le baron de La Rochefoucauld-Dubreuil (Jean), né en 1757.

Colonel

de cavalerie en 1784, il fit toutes les campagnes de l'émigration avec le prince de Condé, dont sept en qualité de chef d'état-major général, sous l'ancienne dénomination de maréchal général des logis.

5. Le 2 janvier, on avait appris à Vienne qu'en Italie l'armée française avait franchi le Mincio, à Pozzolo, dans les sanglantes journées des 25 et

Je m'aperçois qu'il n'y a qu'une feuille : vous ne vous

en choquerez pas.

(Arch. de Chantilly.)

II. CONDÉ A ENGHIEN

Kapfenberg, 14 janvier 1801; 1 heure après minuit. Enfin il est décidé, mon cher ami, que nous partons, et c'est à Cilli ou environs qu'on nous envoie. La Rochefoucauld pourra vous faire les détails qui vous intéressent 2. Je suis obligé par les Autrichiens de laisser cinquante chevaux de votre régiment pour occuper Bruck jusqu'à ce que les Autrichiens y soient arrivés; ce qui ne sera pas long, à ce que je crois.

Je compte vous voir le 16 à Graz. Tout est toujours à la paix à Vienne.

L'affaire] de N[aples] n'est pas manquée 3; mais la réponse décisive traînera encore en longueur, et c'est tout simple.

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Graz, ce mercredi soir [14 janvier 1801].

Je vous rends grâces, cher papa, des détails que vous me donnez sur notre nouvelle destination. La Rochefou

26 décembre, et qu'un armistice était imminent. Cette nouvelle, dont Condé ne parle pas et qu'il ignorait peut-être, décida M. de Thugut à envoyer le 9 janvier à M. de Cobenzl, à Lunéville, l'ordre de traiter pour le mieux et sans délai. Du reste, l'armistice de Steyer avait déjà décidé M. de Cobenzl à ouvrir le protocole, le 2 janvier.

1. Cilli est sur la route de Trieste, à plusieurs lieues au sud de Marburg.

2. M. de La Rochefoucauld venait de voir M. de Melas. Le peu de bonne volonté qu'il avait rencontré auprès de ce général, et d'un autre côté la distribution de la solde, envoyée par le commissaire anglais Wood, firent ajourner au 16 puis au 18 janvier le mouvement de Condé.

3. Voir la pièce suivante.

cauld m'a mis, ce matin, au fait du dernier arrêté 1. Je pense que le retour de Roussel 2 pourra peut-être encore apporter quelque changement,

Si Naples est possible 3, cette destination à la paix générale serait bien heureuse et bien avantageuse; et sans doute ce serait un grand bonheur, et pour le général et pour le particulier. Mais les Anglais pourront-ils nous y entretenir? Ce sont des arrangements qui, sans doute, demandent temps et réflexion.

Je vous remercie du nouvel arrangement; car j'aurais beaucoup craint la désertion, et je la redoute tout le temps que nous resterons ainsi, dans l'inactivité, aussi près de nos ennemis. Nous en avons malheureusement déjà quelques tristes exemples.

La nouvelle de l'archiduc Charles m'a fait un sensible plaisir au moins les choses vont aller mieux et plus rondement, et je suis charmé qu'il ait triomphé du conseil de la guerre 4.

Je vous embrasse, cher papa.

(Arch. de Chantilly.)

13. CONDÉ A ENGHIEN

Kapfenberg, 14 janvier 1801.

Vous aurez su, mon cher, qu'il y a eu des changements

1. Ces mots s'appliquent soit à la décision de l'archiduc Charles, soit à l'ordre de marche de Condé pour exécuter cette décision.

2. Le major de Roussel, officier de l'état-major de Condé, avait été envoyé près du général Hiller, le 8 ou le 9 janvier.

3. Il se répand un bruit que nous devons aller à Naples. Je prie M. Wickham d'être bien sûr que je n'ai fait et que je ne ferai aucune demande à cet égard, n'ayant d'autre désir que celui, qu'il me connaît, de me conformer en tout aux volontés de Sa Majesté Britannique » (Condé à Wickham, 17 janvier).

4. Averti des dispositions fâcheuses de M. de Melas, Condé avait fait partir aussitôt pour Vienne un de ses aides de camp, qui venait de rapporter, le 12, une réponse conciliante de l'archiduc.

depuis hier, mais qui n'en apportent aucun au gros de notre destination dans le cercle de Cilli. J'en ai fait un qui vous conviendra pour votre régiment; je l'ai délivré de la corvée de laisser les cinquante hommes à Bruck. Les nobles à cheval, qui passent les derniers, y laisseront un détachement.

On assure, ce matin, que les patriotes ne laissent pas passer nos voyageurs pour la France, en leur disant qu'il y a trop de bruit à Paris pour qu'ils puissent rentrer, et qu'ils reviennent. Vous avez entendu parler de la mine dirigée contre Buonaparte 1.

(Arch. de Chantilly.)

14. CONDÉ A L'ÉVÊQUE D'ARRAS

Wildon, près Graz, 21 janvier 1801.

Mon cher évêque, le prince de Broglie 2 ne me laisse pas le temps de vous écrire comme je voudrais. Je vous renvoie donc à ma lettre à Monsieur, et à ce que le porteur de ma lettre pourra vous dire. Le moment de crise est fort pour tout le monde, et surtout pour nous, qui, en voyant réformer tous nos chevaux de cavalerie et d'équipage 3, et

1. La machine infernale, ou attentat du 3 nivôse (24 décembre 1800). 2. Aide de camp du duc d'Angoulême, envoyé par lui à Londres. Le prince de Broglie (Victor-Amédée-Marie), né à Broglie en 1772, était fils du maréchal. Il servit en 1794 comme aide-major dans le régiment de son père, à la solde anglaise, fut nommé colonel de ce régiment en 1795, et, en décembre de cette année, passa dans l'armée de Condé comme aide-maréchal général des logis.

3. Une lettre de Wickham, du 15 janvier, prescrivait de démonter toute la cavalerie de Condé, et de vendre, avant le 30 janvier, tous les chevaux, sauf ceux de l'état-major, qui devaient subir une simple réduction. Le prix devait être remis aux mains de M. Wood. Wickham, après avoir annoncé comme très probable un embarquement, mettait en demeure les gentilshommes appartenant soit aux deux régiments nobles, soit au corps des officiers, de choisir entre l'embarquement, et un congé définitif avec la gratification, une fois payée, de six ou huit mois d'appointements. Condé venait de rendre publique cette lettre dans un ordre du jour daté de Graz,

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