Page images
PDF
EPUB

mettre que M. Lemoine fût indiqué à M. Hammond 1, pour recevoir cette correspondance et la transmettre au ministère britannique. M. Dutheil, en proposant cette mesure à S. A. R., trouvait deux avantages: le premier, de ménager les fonds de l'Angleterre, M. Lemoine jouissant d'un traitement considérable qui avait été demandé pour lui 2. Le second avantage était de ne pas être obligé de mettre une nouvelle personne dans le cas de connaître la correspondance et les agents qui y étaient employés ; ce que M. Lemoine connaissait déjà, ayant lui-même été attaché à la correspondance, d'abord sous les ordres de M. le baron de Coigny et de MM. Crenolle et Hyde pendant quatre mois en l'année 1800 3, et ensuite sous les ordres de M. Dutheil pendant huit ou dix mois de l'année suivante. M. Lemoine, que M. Dutheil n'avait connu qu'à la fin du mois de novembre 1799 et qui avait été employé de la manière et pendant le temps qui viennent d'être rappelés, se trouvait alors en Angleterre depuis dix-huit mois, et il était venu se réfugier pour se soustraire aux poursuites dont il avait été l'objet en France. M. Dutheil ignorait, à cette époque, que M. Lemoine ne devait qu'aux indiscrétions multipliées qu'il avait commises les persé cutions auxquelles il avait été en butte, et qui depuis ont été une des causes de la perte de la correspondance, de la

1. Hammond (Georges) avait été « under secretary at the Foreign office dans plusieurs cabinets. Il était de ceux qui, pour les affaires de France, perpétuaient la tradition du ministère Pitt.

2. L'abbé Ratel dit Lemoine, étant revenu à Londres à la fin de mai 1802, on sollicita pour lui un traitement, fondé sur les services que la correspondance rendait aux Anglais, et sur la part que l'abbé avait prise autrefois à l'évasion de sir Sidney Smith. Le traitement ne fut accordé qu'au commencement de 1803.

3. Ces trois royalistes, sous les noms supposés de Dubois, Paul, Ferrand, avaient reçu de Monsieur la mission de former à Paris le comité, dont la correspondance saisie a été publiée sous le titre de « Conspiration anglaise (voir p. 174 et 346, notes).

condamnation à mort de quelques-uns des agents qui y étaient employés, de l'exécution de quelques autres, et de la persécution que tous ont essuyée.

Le nouvel arrangement dont on vient de parler avait eu lieu lors du séjour du soussigné à Londres, dans le voyage dont il a déjà été fait mention. Il fut particulièrement chargé d'en apprendre tous les détails à M. Leclerc, outre que les lettres qu'il lui remit, à son retour, l'en informèrent pleinement....

(Arch. nationales.)

181.

RATEL A HAMMOND

Londres, ce 19 octobre 1803.

M. Lemoine a l'honneur de joindre à la présente note la copie des signaux convenus entre M. de Saint-Remi1 et lui pour renouer la correspondance, interrompue par la capture des bâtiments pêcheurs, et qui ne peut être maintenant rétablie que par la coopération des vaisseaux de Sa Majesté Britannique en station dans les parages de Calais et de Boulogne. Ces signaux ont été concertés avec le capitaine Wright, qui les a portés lui-même à Deal 2, pour en faire donner communication à l'amiral qui y commande, par le colonel Smith. M. Lemoine joint ici la réponse de l'amiral au colonel, par laquelle le premier exige de recevoir une communication officielle desdits signaux, avec l'ordre de l'amirauté de les faire exécuter. Comme M. de Saint-Remi, porteur des mêmes signaux à la côte opposée, est arrivé sans aucun accident à Hellevoet Sluis 3 le 9 de ce mois, et qu'il mande de là qu'il croit être

1. M. Lelièvre dit Saint-Remi était un des principaux affidés de l'abbé Ratel dit Lemoine.

a. Port à peu de distance et au nord de Douvres.

3. Port sur la terre de Voorne, en Hollande.

dans les environs de Boulogne vers le 20 suivant, M. Hammond est instamment prié d'obtenir de l'amirauté les ordres nécessaires pour faire exécuter les signaux ci-joints, le plus promptement possible, à l'effet de recevoir de M. de Saint-Remi tous les renseignements accumulés à la côte depuis si longtemps, et de renouer la correspondance d'une manière invariable pour l'avenir.

M. Lemoine a aussi reçu des nouvelles de l'exprès qu'il a envoyé en France, le 16 septembre, avec tous les Français qui ont été renvoyés d'Angleterre à cette époque. Après une traversée de quinze jours, il a débarqué à Morlaix le 1er octobre, d'où il s'est rendu de suite à Paris et à Boulogne. M. Lemoine ne fait plus aucun doute que la correspondance ne soit à présent renouée imperturbablement, si l'amirauté veut expédier les ordres nécessaires pour faire usage des signaux convenus, tant à Boulogne qu'à Waldam près Calais. - Il prie M. Hammond de recevoir l'assurance de son dévouement et de son respect. (Record Office.)

182. JACOBI AU ROI DE PRUSSE

Londres, 12 août 1803.

....Le gouvernement britannique vient d'inviter le général Dumouriez, qui demeure à Altona, de se rendre en Angleterre. C'est pour s'entendre sur les plans formés de son temps en France pour des descentes dans ce paysci. Il est certain, avec cela, que, les moyens de défense in

1. « Ayant été appelé en 1803 en Angleterre par le gouvernement pour un travail sur la défensive des trois royaumes, pendant que j'en étais occupé et depuis que je l'ai achevé, j'ai cru de mon devoir de présenter en toute occasion aux ministres du roi mes opinions sur ce que je croyais intéressant pour assurer nos succès et la ruine de Bonaparte .... (Dumouriez à Wellington, 17 août 1812; Supplem. despatches of Wellington, VII, 384. Cf. Castlereagh, VIII, 68, 75, 128, 252, 260.

térieure étant une fois réglés, on ne tardera pas à se porter à l'entreprise offensive contre la France....

(Arch. de Berlin.)

....

Article du Courrier de Londres.

Londres, mardi 23 août 1803.

Le général Dumouriez est ici depuis quelques jours 1. On a sur-le-champ dit que le gouvernement l'avait fait venir pour lui confier le commandement d'une expédition contre la France. Quelques éditeurs de papiersnouvelles se sont crus obligés de rassurer le public à cet égard; d'autres ont dit des injures au général Dumouriez. Il était parfaitement inutile de justifier le gouvernement d'avoir songé à donner à un étranger le commandement d'une armée anglaise : il n'était pas nécessaire de dire des

1. Le général Dumouriez vient d'arriver ici avec le dernier paquebot anglais de Tönning » (dép. de Jacobi, Londres, 19 août).

Depuis sa course inutile en Russie, en 1800, Dumouriez vivait à Altona, près de Hambourg. Il avait, à plusieurs reprises, tâté le terrain pour une rentrée en France (lettres au Premier Consul du 3 novembre 1800; à Hédouville du 10 mai 1802); et en même temps il continuait à inventer des plans, avec une fécondité dont il fatiguait les chancelleries. « Vous saurez sûrement déjà, écrivait M. Bignon, que Dumouriez, toujours tourmenté du besoin de conseiller les rois, et occupant contre son pays cette activité qu'il employa jadis pour son service, entretient avec l'archiduc Charles, des ministres autrichiens et d'autres personnages marquants, une correspondance, dont l'objet est de présenter sous un point de vue inquiétant pour l'Europe, les actes du gouvernement français et les grands événements qui chaque jour consolident la puissance de la République » (dép. de Berlin, du 17 avril 1802).

[ocr errors]

Dans une dépêche envoyée à Czartoryski, de Londres le (17) 29 juin 1804, le comte Vorontsov dit : « C'est [le duc d'Orléans] qui, par adresse (car il en a beaucoup), s'empara du duc d'York et l'engagea à faire venir ici l'intrigant Dumouriez, avec lequel il a toujours conservé une liaison íntime» (Archiv. de Vorontsov, XV, 224). — Le comte Vorontsov était de ceux, assez nombreux, qui n'avaient aucune estíme pour Dumouriez. Dans l'été 1803, s'adressant confidentiellement à lord Hawkesbury : « Permettez-moi, lui écrivait-il, de vous demander en ami s'il est vrai, ce que je viens d'apprendre, que Dumouriez est venu ici. Serait-il possible que vous puissiez vous fier à un coquin comme lui ? »

injures au général Dumouriez. Dans le nombre des conjectures auxquelles son arrivée a donné lieu, il n'y en a qu'une de raisonnable, c'est que ce général, ayant eu part à des plans de descente en Angleterre, le gouvernement n'a pas cru devoir négliger de s'informer de tous les moyens qu'on a pu imaginer pour rendre cette entreprise praticable....

(Le Courrier de Londres, no 16; du 23 août 1803.)

[blocks in formation]

Hammond, whom I saw yesterday.... thinks that Bonaparte is bad with most of his generals, and that his opponents increase upon him. But as you know incredulity on some subjects is not the greatest defect of certain men, you may judge what weight to give to such accounts: they doubtless have their emissaries in all parts of France, and some who are very obnoxious to Bonaparte, even in Paris, and they believe that his efforts to prepare for the invasion are much slackened....

Dumouriez and Pichegru are here 3; and there is some

[ocr errors]

1. Ces plans sont antérieurs au moment où Dumouriez a été ministre de la guerre (1792); ils remontent aux années qui ont précédé la Révolu. tion. Etant alors gouverneur de Cherbourg, Dumouriez présenta un long mémoire sur les moyens de s'emparer de Jersey, Guernsey et Wight (Moniteur du 21 octobre 1803). - Dans son « Nouveau tableau spéculatif de l'Europe, publié à l'étranger en 1798, Dumouriez, examinant un projet d'invasion de l'Angleterre, annoncé par le Directoire, disait : « Il faut ici arracher le bandeau de l'illusion et prouver que cette descente est possible » (ch. x); et il donnai à cette thèse un développement qui n'est pas sans intérêt. On remarquera même quelque analogie entre ses idées à cet égard et celles du duc d'Enghien.

2. M. Gore, consul des États-Unis à Londres, y faisait les affaires depuis le départ de l'envoyé, M. Rufus King, qui avait quitté Londres le 18 mai 1803. 3. L'abbé Ledieu, qui a vécu dans l'intimité de Dumouriez, dit que « Dumouriez vit Pichegru et discuta avec lui tous ses plans, qui tous ne pouvaient obtenir son approbation, et ses moyens, qui n'étaient pas à la hau

« PreviousContinue »