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EXTRAIT DU RÈGLEMENT

ART. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier et

choisit les personnes auxquelles il en confiera le soin.

Il nomme pour chaque ouvrage un commissaire responsable, chargé de surveiller la publication.

Le nom de l'éditeur sera placé en tête de chaque volume. Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l'autorisation du Conseil, et s'il n'est accompagné d'une déclaration du commissaire responsable, portant que le travail lui a paru digne d'être publié par la Société.

Le commissaire responsable soussigné déclare que l'ouvrage CORRESPONdance du duc d'Enghien lui a paru digne d'être publié par la Société d'Histoire contempoRAINE. Fait à Paris, le 10 mars 1904.

Signé ALPH. DE COURCEL.

Certifié :

Le secrétaire de la Société d'histoire contemporaine,

Albert MALet.

M. le docteur Obser, le savant éditeur de la Politische Correspondenz Karl Friedrichs von Baden, nous a donné une aide toute particulière pour certaines parties du tome Ier, et surtout du tome II. Nous remplissons un agréable devoir en faisant connaître ce concours, qui serait devenu une collaboration si d'autres travaux en avaient laissé le loisir.

INTRODUCTION

La conspiration de Georges a été la cause de la mort du duc d'Enghien. Si le dernier des Condés a été saisi en territoire neutre, jugé de nuit et fusillé sur l'heure dans les fossés de Vincennes, c'est parce qu'il a été regardé comme l'auxiliaire de Georges, comme le prince qui devait l'autoriser et l'assister de sa présence. Un court exposé montrera, cependant, qu'il est demeuré étranger au complot; qu'il n'aurait même pu y trouver place sans manquer à son caractère, à l'opinion qu'on avait de lui, et sans sortir des cadres et de l'organisation du parti royaliste.

Après la paix d'Amiens, ce parti n'avait plus rencontré partout que des raisons de plainte et de découragement. Elles lui apparaissaient en Europe, où les Puissances avaient renoncé à la lutte; elles semblaient manifestes surtout en France, où le consulat à vie faisait présager bientôt pour un soldat parvenu un pouvoir peut-être héréditaire, du moins plus élevé, et déjà fortifié de deux institutions considérables, le concordat avec le Saint-Siège et un ordre. appliqué à tous les mérites, qui lui assuraient le ressort de la religion et celui de l'honneur. Mais la rivalité profonde qui depuis plus d'un siècle avait mis constamment aux prises l'Angleterre et la France n'avait pas tardé à se réveiller; et, dès le printemps de 1803, l'annonce de la guerre rendait aux royalistes leurs espérances et faisait revivre leurs projets.

Ce n'était toutefois pas sur Louis XVIII que le retentis

sement d'un événement si grave se faisait le plus vivement sentir. Il y avait chez le roi un sentiment constant qui primait tout, celui de sa race, de sa légitimité, de son droit, absolu et supérieur aux circonstances. Cette conviction, restée solitaire, ne réussissait pourtant pas à exciter un tempérament nonchalant, et un scepticisme mêlé toujours de bel esprit et parfois de bon sens. Les leçons du passé l'avaient encore refroidi. Dans le renouvellement de la guerre, il se tenait maintenant en garde contre une illusion à laquelle il avait cédé pendant la dernière coalition des Puissances. Comment se flatter encore que son trône serait rétabli par elles, quand il les voyait subir l'ascendant du Consulat, et éprouvait chaque jour de leur part des humiliations mal déguisées? Ainsi son séjour, interdit à Mitau par la Russie, n'était que toléré par la Prusse à Varsovie. Ses subventions, réparties entre plusieurs souverains, étaient mal payées et suffisaient à peine à l'entretien d'un entourage restreint, qui lui donnait le simulacre d'une petite cour. On n'accordait ni le rang ni la considération de diplomates aux représentants qu'il entretenait dans les divers États; son titre royal était passé sous silence, et de tous ses efforts pour le faire reconnaître, au moins par l'Angleterre et la Russie, il ne restait désormais aucun effet durable.

Désabusé sur une solidarité monarchique que, selon lui, l'Europe s'aveuglait à ne pas comprendre, le roi avait aussi perdu confiance dans plusieurs des moyens qu'il avait essayés en France pour soutenir sa cause par luimême. En 1800, les insurrections projetées dans l'Est et le Midi l'avaient été sous son nom et par son agence. Avait-il pu regarder ces velléités comme efficaces, lui qui, alors, ne croyait même pas au succès de la reprise d'armes des Vendéens et des Chouans? En tout cas, il avait renoncé depuis à agiter ces provinces, qui lui restaient dévolues comme les plus proches, à entretenir une agence en Souabe, à accréditer un conseil royal à Paris. Au risque de mécontenter les ardents, de voir quelques-uns rêver de substituer à une royauté fainéante l'activité présumée du jeune duc d'Angoulême, il répugnait aux vio

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lences, et la crise nouvelle ne lui semblait justifier ni insurrections ni complots. Le travail à continuer en France ne devait être, selon lui, qu'une préparation de l'opinion. Il fallait d'abord entretenir chez les Français, ses sujets, la conviction qu'il demeurait leur souverain légitime. Le rappel de cette vérité, méconnue pendant dix ans de révolution, devenait encore plus nécessaire depuis que le Premier Consul, en qui il s'était trop longtemps flatté de rencontrer un Monk, lui avait fait insinuer d'acheter une existence tranquille et bien dotée, au prix d'une entière abdication de sa couronne. Atteint, ce jour-là, dans sa dignité par le côté le plus sensible, il venait d'associer toute sa maison à un refus péremptoire, décisif, auquel il s'apprêtait à donner une éclatante publicité. Ce roi permanent, immuable comme est le droit en face du fait, voulait aussi faire connaître à son royaume dans quelles conditions il devrait y faire retour, et annoncer sous quels changements il entendait restaurer l'ancien régime, soit en confirmant les grades de la nouvelle armée, soit en pardonnant aux révolutionnaires les moins compromis, soit en combinant la politique avec la justice dans la possession des biens nationaux. Déjà les questions diverses, suscitées par le bouleversement de l'état social, étaient résolues dans ses programmes de 1795 et de 1799, et non sans une déviation progressive vers l'indulgence. Pour exposer sous leur forme nouvelle ses maximes de gouvernement, inspirées, disait-il, par le testament de Louis XVI, le roi avait fait choix de Cléry, le serviteur et le confident de la famille royale dans la prison du Temple. Cléry allait partir pour Paris, pourvu d'une simple lettre d'éloges qui l'accréditait sans le compromettre; mais le peu d'effet de cette mission, qui parvint cependant à se dérober à la police, devait décider l'année suivante Louis XVIII à s'expliquer lui-même, à faire un appel direct aux Français dans la déclaration de Calmar.

Tout en se réservant le soin de sa légitimité et la direction des principes, qui à ses yeux l'emportait sur celle des hommes, le roi avait confié une partie de son autorité à son frère le comte d'Artois. Le séjour du comte en

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