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DE LA VIE POLITIQUE ET PRIVÉE

DE

LOUIS-PHILIPPE

PAR

M. A. DUMAS

TOME DEUXIEME

D. SM.

PARIS

DUFOUR ET MULAT, LIBRAIRES-EDITEURS

QUAI MALAQUAIS, 21

1852

Fr 1640.105

HARVARD COLLEGE LIBRARY DEPOSITED BY THE LIBRARY OF THE GRADUATE SCHOOL OF BUSINESS ADMINISTRATION

JUN 21 1940

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Sous la Restauration, on devait payer trois cents francs de contributions directes pour être électeur, et mille francs pour être éligible.

Le ministère proposa à la Chambre d'abaisser le cens d'éligibilité de mille à cinq cents francs, et le cens de l'électorat à deux cents francs. Cette loi fut adoptée, seulement elle alla plus loin que le ministère, en frappant d'exclusion un certain nombre de citoyens que le ministère proposait d'adjoindre aux censitaires comme capacités.

Cette loi portait en elle la révolution de 1848.

Aussi, cette œuvre de tempête accomplie, la Chambre, née au milieu d'une tempête, prorogée le 20 avril, fut-elle dissoute le 31 mai. Le roi profita de cette espèce de vacance pour faire un voyage en

province; c'était un congé qu'il se donnait. Cette tyrannie de Casimir Pèrier lui était insupportable, et cependant la nécessité la lui faisait subir.

Il partit, visita d'abord la Normandie, puis revint à Paris qu'il quitta de nouveau, le 6 juin 1831, pour visiter les départements de l'Est.

Le champ de bataille de Valmy était tout naturellement porté sur l'itinéraire royal, Louis-Philippe visita cet emplacement où chaque arbre, chaque ravin, chaque monticule, avait une voix pour lui raconter, au bout de quarante ans, cette glorieuse épopée de sa jeunesse républicaine; au pied de la pyramide élevée sur le champ de bataille même à la mémoire de Kellermann, il trouva un vieux soldat qui avait eu, à Valmy même, le bras emporté par un boulet de canon.

Il détacha sa croix et la lui donna.

A Metz, une scène assez grave se passa.

C'est à Metz qu'avait été rédigé le premier plan d'association nationale. Le maire, M. Rouchotte; le président de la cour royale, M. Charpentier; l'avocat général, M, Voirhaye, et M. Dornes, en avaient été les rédacteurs. Aux yeux de M. Casimir Périer, cette association était un crime, et il avait destitué, à la grande irritation des patriotes, MM. Rouchotte et Voirhaye.

Le discours du conseil municipal au roi se ressentait de cette mauvaise disposition:

«Sire, disait ce discours, monuments impérissables de la volonté nationale et de votre dévouement à la patrie, les événements de Juillet ont consacré les droits du premier roi citoyen à la fidélité et à l'amour des Français. Voilà ce qu'ont proclamé tous les conseils municipaux de France, mais la Charte a laissé dans notre gouvernement intérieur un point important à régler ; celui de l'hérédité de la pairie. Espérons qu'à la prochaine session le pouvoir législatif fera disparaitre de nos lois un privilége désormais incompatible avec nos mœurs nationales. Notre sympathie est acquise aux Polonais, dont l'héroïque courage lutte pour la liberté. Puisse l'influence de Votre Majesté assurer à cette généreuse nation un sort digne de la belle cause qu'elle défend!»

Il était difficile de heurter plus complétement les idées arrélées

dans l'esprit du roi et de son ministère; aussi Louis-Philippe répliqua-t-il :

« Vous me parlez de tout ce que les conseils municipaux de France ont proclamé; ils n'ont rien proclamé. Il n'est pas dans leurs attributions de le faire ni de prendre des délibérations sur des sujets de haute politique; ce droit est réservé aux Chambres; aussi je n'ai point à répondre à cette partie de votre discours; ceci s'applique également à ce que vous me dites des relations diplomatiques de la France avec les puissances étrangères, sur lesquelles les conseils municipaux n'ont pas davantage le droit de délibérer. »

C'était un mauvais précédent pour la garde nationale, qui venait immédiatement après le conseil municipal.

M. Voirhaye était justement capitaine; il s'avança vers le roi tenant à la main un discours écrit.

-Êtes-vous le commandant de la garde nationale? demanda LouisPhilippe.

Non, sire, répondit M. Voirhaye, mais je suis délégué par ce commandant.

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Le capitaine déplia son papier et commença de lire :

« Sire, déjà plus d'une fois depuis la révolution de Juillet, la garde nationale de Metz a adressé à Votre Majesté l'expression de son dévouement au tròne du roi citoyen et ses vœux pour les institutions qui doivent le soutenir. Bientôt vous allez recueillir dans nos rangs une manifestation nouvelle de notre affection. Oui, nous portons sur notre drapeau la devise liberté, ordre public. A nos yeux, ces deux idées sont inséparables; si l'ordre est une condition indispensable de la liberté, l'expérience n'a-t-elle point prouvé que le plus sùr moyen d'assurer l'ordre, est de satisfaire aux besoins progressifs de la civilisation par des lois libérales et populaires. Parmi ces lois, la plus décisive pour l'avenir de la France, est celle qui doit organiser la seconde branche du pouvoir législatif... »

C'était trop de conseils pour un jour : le roi, à bout de patience, arracha le discours des mains de l'orateur, et lui dit sèchement :

-La garde nationale ne doit point s'occuper de questions politiques: cela ne la regarde pas.

-Sire, répondit M. Voirhaye, ce n'est pas un avis qu'elle donne, c'est un vou qu'elle exprime.

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La garde nationale, répondit vivement le roi, n'a pas de vœu

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