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tion de redemander le corps de Napoléon à l'Angleterre et de l'ensevelir sous la colonne.

Au reste, ce qu'il était facile de prévoir après une pareille communication faite à la Chambre en de pareils termes, arriva.

Le prince Louis-Napoléon, transporté en Amérique par les ordres de Louis-Philippe, était revenu en Angleterre, et d'Angleterre il avait entendu la proposition de M. de Rémusat et les applaudissements de la Chambre.

Alors, il s'était demandé comment on pourrait faire au neveu un crime de rentrer en France, lorsqu'on y ramenait triomphalement le cadavre de l'oncle.

CHAPITRE XIX.

Nous avons déjà dit que, vers 1832 ou 33, le prince Louis avait eu une entrevue avec le général La Fayette. Cette entrevue n'avait eu aucun résultat que de constater la différence d'opinion qui existait entre le prince Louis et les radicaux.

Ces négociations interrompues, le prince Louis, sept ans écoulés, la tentative de Strasbourg échouée, ces négociations, le prince Louis résolut de les reprendre avec les démocrates de 1839.

Le parti avait longtemps repoussé ses ouvertures; mais il voulut voir enfin s'il n'y avait pas quelque chose à en tirer.

On dépêcha au prince Louis M. Degeorges, rédacteur en chef du Progrès du Pas-de-Calais.

M. Degeorges partit pour Londres, vit le prince dans une maison tierce, et le trouva disposé à recommencer une tentative.

La conférence dura plusieurs heures.

Au lieu de trouver dans le prince Louis les idées de progrès que le temps et les événements avaient dû, selon lui, faire germer dans une jeune tête, M. Degeorges ne trouva que les traditions napoléoniennes, et il refusa, au nom du parti républicain, tout pacte avec lui.

Bien plus, la conférence aboutit à une rupture complète.

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Nous vous recevrons à coups de fusil, dit M. Degeorges au prince en le quittant, et au moment où celui-ci lui tendait la main.

Au reste, aucune des espérances du prince, aucune de ses démarches à Londres, aucune de ses entrevues avec les représentants des différents partis et même des différentes puissances n'était ignoréc du gouvernement français.

Vers la fin de l'année 1839, je parlais du prince Louis au duc d'Orléans.

- Ah! c'est vrai, me dit-il, vous le connaissez personnellement. Pas lui, Monseigneur, mais sa mère.

Eh bien, dans ce cas, faites-leur donc dire que nous savons non-seulement tout ce qu'ils font, mais encore tout ce qu'ils disent; non-seulement tout ce qu'ils disent, mais tout ce qu'ils pensent.

Je n'avais pas l'honneur d'être en relation assez directe avec cette branche de la famille Napoléon pour me permettre de lui donner aucun conseil. Seulement, ayant eu occasion d'aller à Londres quelques jours après, je rencontrai, sur le bateau à vapeur, un de mes amis, M. d'Aneberg, que je savais attaché à la fortune du prince : il savait que, lors de la prise du prince à Strasbourg, la duchesse de Saint-Leu, croyant m'avoir quelque obligation, m'avait envoyé une pierre gravée, trouvée par Napoléon en Égypte et rapportée par lui, avec une petite lettre d'envoi conçue en ces termes :

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« A celui qui avait donné un si bon conseil qui n'a pas été suivi. »

D'Aneberg m'invita donc à profiter de mon séjour à Londres pour

aller voir le prince.

Je secouai la tête.

Pourquoi refusez-vous? me demanda-t-il, le prince vous recevra admirablement.

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- Lesquelles?

-Les voilà: La première? la première c'est que je n'ai aucune raison d'être bonapartiste, et que je ne le suis pas.

--

Mais le prince ne reçoit pas que des bonapartistes.

Je le sais bien.

Alors cette première raison ne saurait vous arrêter.
Aussi vous ai-je dit que j'en avais deux.

-La seconde, alors?

La seconde, la voici: c'est qu'avant qu'il soit trois mois, le prince aura essayé de quelque nouvelle tentative, qui réussira aussi mal que la première; c'est que, comme la police a les yeux sur lui et sur ceux qui le vont voir, à l'époque où il fera cette tentative, ceux qui l'iront voir seront inquiétés, et que je ne me soucie pas de subir un martyre, si léger qu'il soit, pour une religion qui n'est pas la mienne.

D'Aneberg insista, mais inutilement.

Il vit; il se rappelle cet incident, et peut dire si je change un seul mot à la conversation que nous eûmes à cet égard.

Le prince Louis me donna raison; le 7 août 1840, on put lire dans les journaux que la veille, à six heures du matin, le prince Louis Bonaparte avait débarqué à Boulogne-sur-Mer, avec une soixantaine de compagnons, avait fait inutilement un appel à la population, et trois heures après était entre les mains des autorités francaises.

Cinquante-deux personnes étaient arrêtées avec lui.

Cette fois, plus de tentative de disjonction, le gouvernement aunonça que le prince et ses complices seraient jugés par une instruction commune.

La chambre des pairs fut convoquée.

Le prince Louis, transporté au château de Ham, y resta jusqu'au 12 août, le 12 août il fut ramené à Paris, et logé au Palais-de-Justice, conciergerie des femmes, dans la même chambre qu'avaient occupée Fieschi et Alibaud.

L'ex-roi de Hollande habitait depuis longtemps Florence, dans un palais situé Longo-Larno; il avait constamment refusé de voir son

fils; mais en cette circonstance, il n'hésita point cependant à lui donner une preuve d'intérêt paternel.

Les journaux publièrent une lettre de lui, dans laquelle se trouvait le paragraphe suivant:

« Je déclare surtout avec une sainte horreur, que l'injure que l'on a faite à mon fils, en l'enfermant dans la chambre d'un infàme assassin, est une cruauté monstrueuse, anti-française, un outrage aussi vil qu'insidieux. >>

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Les journaux du gouvernement répondirent à ce paragraphe par la note suivante :

« Des journaux contiennent dans leur numéro de ce jour une lettre du comte de Saint-Leu, l'ex-roi de Hollande, père de Louis Bonaparte, qui déclare regarder comme une injure d'avoir donné à son fils pour prison la chambre qui a été occupée par Fieschi.

« La pièce où est détenu à la maison de justice Louis Bonaparte, a en effet servi à Fieschi; mais on doit faire remarquer que c'est à tort que l'on cherche dans ce rapprochement un reproche à adresser à l'autorité; la chambre dont il s'agit a subi depuis quelques mois une transformation complète, ayant été donnée comme logement particulier à l'inspectrice du quartier des femmes, qui a été obligée de le quitter à l'arrivée de Louis Bonaparte. »

Le prince Louis prit pour défenseurs Berryer et M° Marie.

Et le 6 octobre il fut condamné à un emprisonnement perpétuel. Combien de temps dure la perpétuité en France? demanda le prince Louis à la lecture de cet arrêt.

Le prisonnier fut reconduit au château de Ham où il devait subir sa peine.

Les ministres de Charles X, mis en liberté depuis trois ans, lui laissaient la place libre.

Le 8 octobre, c'est-à-dire deux jours après la condamnation du prince Louis à une prison perpétuelle, la Belle-Poule, qui venait triomphalement chercher les restes de l'Empereur, abordait à JamesTown.

Sept jours après, c'est-à-dire le 15, tombait le vingt-cinquième anniversaire de l'arrivée de Napoléon au lieu de son exil.

Ce jour fut choisi pour la cérémonie de la translation.

MM. Bertrand, Las Cases, Gourgaud et Montholon assistaient à l'exhumation.

Le fils du général Bertrand, Arthur, né à Sainte-Hélène, et que sa mère présenta à l'Empereur comme le premier français entré à Longwood sans la permission du gouverneur, a écrit une simple mais excellente relation de ce voyage.

On y trouvera tous les détails de cette cérémonie, à laquelle les mesquins intérêts dont elle était entourée ne purent enlever, ni sa grandeur, ni sa solennité.

Le dimanche 18 octobre, à huit heures du matin, la Belle-Poule remettait à la voile, chargée de son illustre fardeau.

- Au milieu de l'Atlantique, le prince de Joinville fut avisé par un vaisseau marchand qu'il rencontra, que la guerre était, à l'heure présente, probablement déclarée entre la France et l'Angleterre...

A l'instant même, le jeune prince réunit l'équipage et fit jurer à tous, officiers et matelots, dans le cas où l'on rencontrerait soit un bâtiment de haut bord anglais, soit une escadre anglaise, de se faire couler plutôt que de laisser retomber aux mains de l'ennemi le glorieux cadavre que l'on rapportait.

Je dirai tout à l'heure au prix de quels sacrifices cette guerre n'avait pas eu lieu.

Le 8 décembre, le cercueil fut transbordé de la frégate la BellePoule sur le bateau à vapeur la Normandie.

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Le 14 il arriva à Courbevoie.

Le 15, il fit son entrée à Paris.

Le roi l'attendait sous le dôme des Invalides.
Le cercueil s'arrêta à l'entrée de la nef.

Le roi s'avança vers lui.

« Sire, dit le prince de Joinville en s'inclinant et en touchant la terre de la pointe de son épée ; je vous présente le corps de l'empereur Napoléon. »>

- « Je le reçois au nom de la France, répondit le roi. »

Quel malheur que M. de Talleyrand fût mort! sans doute, il eût sollicité et obtenu l'honneur de dire la messe.

A son défaut, ce fut l'archevêque de Paris.

Pour suivre le prince Louis Bonaparte de Boulogne à la chambre

des pairs et de la chambre des pairs au château de Ham, nous avons

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