Page images
PDF
EPUB

qui était la plus ancienne de la ville; mais là, tous les efforts du plus grand courage et les mesures les plus habiles vinrent échouer; la tour vacilla, et les cloches de cette tour se mirent en branle comme pour annoncer le moment de sa destruction. Le feu s'ouvrit une issue par une nouvelle brèche. Heureusement les fenêtres d'un grand batiment neuf et voisin, consacré au collége, à l'école et à la bibliothèque de la ville, ayant été bouchées, la flamme n'y pénétra pas; il a été sauvé, et avec lui une grande partie de la ville habitée par une pauvre population. La direction du vent, qui soufflait de plus en plus fort, a donné des inquiétudes pour le faubourg Saint-Georges, où se trouve l'hôpital contenant deux mille malades, parmi lesquels étaient un grand nombre de victimes de l'incendie. Le corps de garde sur le Wal! était déjà en flammes; cependant, à l'aide de pompes qui ont été amenées des villes environnantes et qui jouaient avec une grande puissance, et grâce à la Providence, le feu était arrivé à

son terme.

« Nous devons particulièrement la conservation du reste de notre ville, après l'assistance divine et le dévouement infatigable de nos citoyens, aux secours volontaires et généreux de la ville voisine d'Attona, des villes des frontières du Hanovre et du Holstein, et de la ville de Lubeck. Nous sommes pénétrés de la plus vive reconnaissance pour nos voisins qui ont offert du secours et un abri aux réfugiés de notre ville populeuse; l'inauguration de notre chemin de fer a été annoncée pour le 7 mai. Ce chemin met en rapport Hambourg avec Berlin, Magdebourg, Hanovre, et par conséquent avec toute, l'Allemagne. En attendant, il a servi pour faciliter l'émigration à Bergedorff, l'ingénieur en chef de cette entreprise dirigeait la destruction de plusieurs maisons voisines du foyer de l'incendie. Puissent les efforts de nos voisins dans l'accomplissement de ce chemin de fer, rival de celui de l'Elbe, ouvrir bientôt de nouvelles sources de bien-être pour tous les pays de la patrie commune.

« Je laisse aux journaux les détails concernant la destruction des bâtiments publics et des maisons particulières. Je dois seulement vous dire que la nouvelle Bourse reste debout comme un heureux augure au milieu des ruines. Il est à regretter que les ordres donnés par les autorités pour la destruction des maisons dans les endroits que le feu n'avait pas encore gagné, aient donné lieu à de fàcheuses mésintelligences. Ces mesures sages, dictées par le plus noble dévouement, furent considérées par le peuple aveuglé comme des actes de barbarie prémédités. Une commission extraordinaire de surveillance, composée de membres du sénat, vient d'ètre dissoute. Le prince Frédéric de Schleswig-Holstein vient de mettre aujourd'hui à la disposition du sénat, non-seulement sá personne, mais toutes les ressources des deux principautés dont il est le gouverneur. Il a obvié aux besoins les plus urgents par la formation de commissions de secours; les classes ouvrières ne manqueront pas de travail, et nous nous confions dans un heureux avenir. L'économie succédera aux habitudes de luxe, et l'énergie éveillée par le malheur survivra probablement aux pertes cruelles qu'on s'efforce de réparer par tous les moyens. »

Pendant que Hambourg brûlait, une effroyable nouvelle venait, comme un tonnerre, éclater sur Paris.

Plus de deux cents personnes venaient d'être écrasées, brûlées, broyées sur le chemin de fer de Versailles à Paris.

Le 8 mai, un convoi direct, composé de quinze wagons et diligences, se dirigeant sur Paris, et ayant à sa tête deux remorqueurs, le Mathieu-Murray et l'Éclair, traversait, à cinq heures et demie du soir,

que

la station de Bellevue. A peine l'avait-il dépassée depuis deux minutes, l'essieu du Mathieu-Murray se brisant tout à coup, le second remorqueur, qui venait à toute vitesse, s'est précipité sur le premier et a entraîné avec lui trois ou quatre wagons qui, en s'agglomérant les uns sur les autres, se sont élevés à la hauteur du premier étage d'une maison.

L'accident par lui-même était déjà grave, mais une circonstance le rendit effroyable.

Les portières étaient fermées à clé, et il était impossible aux malheureux voyageurs enfermés dans les caisses de les ouvrir.

Un des conducteurs avait disparu et n'a pas été retrouvé; le second était renversé presque sans connaissance; il n'y avait donc de secours à attendre ni de l'un ni de l'autre.

Aux cris poussés par les voyageurs et par quelques personnes qui se trouvaient sur la route, les gardiens de la station sont arrivés précédés par leur chef, M. Martel. Celui-ci s'empressa d'ouvrir les portières du premier wagon; mais il était déjà trop tard; avec une incroyable rapidité, le feu des deux machines avait déjà gagné la matière combustible des wagons, et il était à peu près impossible de porter secours à ceux qui y étaient enfermés.

Qu'on se figure un auto-da-fé de cent cinquante personnes, avec ses hurlements, ses gestes désespérés, ses épisodes de rage insensée; des mères essayant de tendre leurs enfants hors des flammes jusqu'à ce que leurs bras brûlés les laissassent tomber dans les flammes; un fils se rejetant par trois fois avec des rugissements de colère dans le feu pour sauver son père, et trois fois repoussé par une invincible douleur; puis, bientôt les détails disparaissant, les six wagons, entassés les uns sur les autres, ne formant plus qu'un immense brasier, au milieu duquel des bras, des tètes, des corps s'agitaient, se penchaient, se dressaient, retombaient en tous sens pour échapper à cet inévitable incendie.

Pendant que cent personnes semblaient fondre comme du plomb

dans une fournaise, du milieu de l'immense brasier, dévorant comme le cratère d'un volcan, les autres wagons qui n'avaient pas été brûlés, mais qui avaient été broyés, brisés, disloqués par la secousse, ren

[graphic][subsumed][subsumed][merged small][subsumed][subsumed]
« PreviousContinue »