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<< moyens de publicité en Angleterre et en Amérique. »> (Id., p. 422.)

XVIII. Portalis répond au tribun Andrieux, et au fond de son discours un peu embarrassé peut-être dans certains endroits, je retrouve toujours le même principe, le même fondement de tout le système : « On sait que, dans notre <«< droit public national, les lois sont discutées publiquement <«<et avec solennité; on sait qu'après que le Corps légis<«< latif les a décrétées, on reste dix jours sans les promul<< guer; en attendant, elles circulent partout, on continue << de les envoyer à toutes les autorités constituées, comme << on l'a toujours fait. On ne peut donc craindre qu'une loi << soit exécutée avant d'être connue. Mais, dans le mode << actuel, l'exécution de la loi dépendait trop du fait arbi<< traire de l'homme. » (Id., p. 473, no 13.)

XIX. Puis vient le tribun Thiessé qui pousse les choses à l'extrême pour profiter, contre le projet du Gouvernement, de l'exagération de son principe. « On a dit qu'il était vrai «< que le système proposé était une fiction: que quelque << parti qu'on prît, la publication en serait toujours une; qu'elle serait une fiction, quand même on imprimerait <<< trente millions d'exemplaires de la loi pour trente << millions d'habitants, et qu'au lieu d'organiser la fiction «<projetée, mieux eût valu peut-être établir en prin<«< cipe que par cela seul qu'il y a un dixième jour «< après l'émission de la loi, la loi pouvait déclarer que ce << jour-là elle serait censée promulguée; fiction pour << fiction, ajoute-t-on, celle-là aurait valu toutes les autres. » (Id., p. 488). C'était aller trop loin dans l'at

taque. Mais cela montre combien les rédacteurs du Code étaient pénétrés de l'idée que la loi était assez connue du public avant la promulgation, et qu'il n'y avait nul besoin de formalités spéciales pour engendrer la force obligatoire.

XX. M. Boulay, orateur du Gouvernement, restitue à cette pensée son véritable caractère et la développe en termes excellents, quand il dit, après M. Thiessé : « Que << reproche-t-on à ce système ? On prétend qu'il ne donnera << pas aux citoyens une connaissance suffisante des lois; «< mais s'agit-il ici de leur donner cette connaissance? Non, << ce n'est pas là le but du projet ; il ne s'agit que de fixer << le moment où la loi doit être exécutée par eux. Il suffit << que ceux qui ont le plus d'intérêt à connaître les lois, et <«< surtout que la portion instruite de la nation, celle qui << propage successivement cette connaissance et la répand << sur la masse à mesure du besoin qu'elle en a, il suffit << que cette portion ait le temps et les moyens convenables << de s'assurer de l'existence et de la promulgation des lois. <«< Or, est-il un système plus propre à lui procurer cette << certitude que celui qui est proposé ? D'abord, quel est le << citoyen prenant un peu de part à la chose publique, qui << ignore la proposition, la discussion et l'adoption d'un << projet de loi; qui ne sache que le décret doit être pro«< mulgué le dixième jour après son émission, et partant << de ce point fixe, ne puisse déterminer avec certitude le «< moment où la loi devient obligatoire pour lui et pour << tous les individus de la France? » (Id., p. 515.)

Et, après avoir fait longuement ressortir tous les vices du système qui attache la force obligatoire de la loi à certains actes et à certaines formalités que les hommes peuvent mettre de la

négligence ou de la mauvaise volonté à accomplir, M. Boulay s'écrie avec une légitime satisfaction: « Rien de semblable << se rencontre-t-il dans le système proposé? Non : dans ce << système, ce n'est pas l'homme, c'est la loi seule qui règle <«<le moment de l'exécution. » (Id., p. 519.)

Je vais exposer dans un instant le système vanté par M. Boulay, et qui n'est autre que celui du Code Napoléon. Mais je termine d'abord les citations que j'ai commencées. Celles qui suivent se rapportent à la seconde présentation du projet de loi. C'est d'abord M. Berlier qui parle :

XXI. « Une observation préliminaire qu'il me semble << convenable de placer ici, et qui porte sur un point d'ex« périence, c'est que dans un vaste État comme la France, << il est impossible que la publication et l'affiche en chaque «< commune déterminent le moment où chaque loi y devient « obligatoire. Une loi trop fameuse, celle du 14 frimaire <«< an II, avait introduit cette règle, dont le moindre incon<< vénient, sans doute, résidait dans les frais énormes qu'elle <«< entraînait : il en était un beaucoup plus grave dans l'ex« trême diversité d'effets qui en était le résultat. Cinquante << mille agents pouvaient-ils être tellement exacts que la con<«<dition de leurs administrés fût la même, et ne vit-on pas << souvent la loi publiée dans un village y recevoir son ap<«<plication, tandis qu'elle était sans force dans le village << voisin, faute de publication?.... Je ne connais que trois << modes de déterminer l'époque où la loi deviendra obliga«toire celui de la transcription sur les registres d'une au<< torité locale; et c'est le dernier état-(1); celui d'un

(1) La transcription servait à certifier l'arrivée et la distribution du Bulletin au chef-lieu du département.

« délai général et uniforme à partir d'un point déterminé, de << la promulgation, par exemple, et c'est ce qu'avait pro

posé la section de législation au conseil d'État ; enfin le << délai successif en raison des distances.

<< Le premier de ces modes offre des inconvénients bien << attestés par l'expérience : il dépend d'autorités négligentes << ou malveillantes que la loi soit publiée plus tôt ou plus tard, «< ce qui établit des inégalités frappantes; et comme le mo« ment de l'arrivée et celui de la transcription ne sont pas <«< aussitôt connus, il en résulte, dans le passage d'une législation à une autre, beaucoup d'incertitude dans les pre<< miers temps, ou beaucoup d'embarras, s'il faut aller véri« fier les registres.

« J'observe au surplus que le moindre inconvénient de ce << mode, quoique cet inconvénient soit déjà très-grave, con<«<< siste dans la part qu'il donne aux agents d'exécution, <«< agents dont l'activité pourrait jusqu'à un certain point «< être stimulée, ou la malveillance punie. »>

XXII. Voici les paroles de Portalis sur le même sujet : « J'observe, dit-il, que, dans ce qui s'est pratiqué depuis la « révolution, on avait trop subordonné l'exécution de la loi << au fait de l'homme. Partout on exigeait des lectures, des << transcriptions de la loi, et la loi n'était point exécutoire << avant ces transcriptions et ces lectures. A chaque instant, <«< la négligence ou la mauvaise foi d'un officier public pou<< vaient paralyser la législation au grand préjudice de l'Etat << et des citoyens.

<< Les transcriptions et les lectures peuvent figurer comme << moyens secondaires, comme précautions de secours. Mais <«< il ne faut pas que la loi soit abandonnée au caprice des

« hommes. Sa marche doit être assurée et imperturbable. << Image de l'ordre éternel, elle doit, pour ainsi dire, se suf<< fire à elle-même. Nous lui rendons toute son indépendance << en ne subordonnant son exécution qu'à des délais, à des pré<< cautions recommandées par la nature même. » (Deuxième << exposé des motifs, no 7.)

« Aujourd'hui, poursuit le même orateur, toutes les dis<< cussions et toutes les délibérations se font avec solennité, << et en présence du public. Le législateur ne se cache jamais « derrière un voile; on connaît ses pensées même avant << qu'elles soient réduites en commandement. Il prononce la <«<loi au moment où elle vient d'être formée, et il la pro<< nonce publiquement. Un délai de dix jours précède la << promulgation, et pendant ce délai, la loi circule dans << toutes les parties de la France. Elle est donc déjà pu<< blique avant d'être promulguée. » (Id., p. 574 et 575.)

XXIII. M. Grenier, dans son rapport au Tribunat, est tout aussi explicite. Il y déclare « que les anciennes forma<< lités ne conviennent plus à un peuple libre qui prend part << aux lois ou par lui-même ou par ses représentants, où la publicité des délibérations, les relations journalières et la <«< circulation des journaux transmettent aussi rapidement <«<< la connaissance des lois.

<< L'envoi des lois doit sans doute être fait aux tribunaux, << et il est toujours à désirer qu'il soit prompt et sûr.

<«< Mais ce qui tient à la lecture et à l'application du texte <«< authentique de la loi, à sa conservation, est étranger aux «< effets qu'on doit attribuer à la notoriété sous le rapport du «< caractère obligatoire respectivement aux citoyens. Dans « le mode proposé par le projet de loi, c'est toujours la loi

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