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vendémiaire. Cet article était ainsi conçu : <<< Dans les << cas et les lieux où nous jugerons convenable de hâter « l'exécution, les lois et ordonnances seront censées pu« bliées et seront exécutoires du jour qu'elles seront par<< venues au préfet qui en constatera la réception sur un << registre. » Ne voilà-t-il pas bien la fameuse distri

bution dans les chefs-lieux?

On mit plus de six semaines à comprendre que c'était se moquer des pauvres citoyens : l'ordonnance des 18-25 janvier 1817 vint corriger ce qu'il y avait en apparence de plus choquant dans cette disposition : « Il « nous a été représenté que, dans les cas prévus par l'ar<< ticle 4 de notre ordonnance du 27 novembre dernier, où <<< il serait nécessaire de hâter l'exécution des lois et de nos << ordonnances..... il serait à craindre que l'envoi aux « préfets de départements ne donnât pas une connaissance « suffisante de ce qui serait à exécuter, s'ils se contentaient « d'en constater la réception sur un registre. A quoi vou<< lant pourvoir, nous avons ordonné... Article 1er. Dans <«<les cas prévus par l'article 4 de notre ordonnance du << 27 novembre 1816, où nous jugerons convenable de hâter l'exécution des lois et de nos ordonnances, en les << faisant parvenir extraordinairement sur les lieux, les << préfets prendront incontinent un arrêté par lequel ils << ordonneront que lesdites lois et ordonnances seront im<< primées et affichées partout où besoin sera. Article 2. Les« dites lois et ordonnances seront exécutées à compter du jour de la publication faite dans la forme prescrite par «<l'article ci-dessus. >>

XXXIV. Les choses sont demeurées en cet état jusqu'en

1848. A cette époque de réforme et d'essais de tout genre, on parut disposé à revenir aux vrais principes de la matière; mais on s'arrêta à moitié chemin. Le but fut atteint pour la promulgation, il ne le fut pas pour la force obligatoire. Voici comment :

Les projets de Constitution imposaient au Président de la République un délai fatal pour la promulgation; seulement le point de départ de ce délai était un acte sans publicité c'était la transmission de la loi par le président de l'Assemblée au Président de la République. La Constitution de 1848 y substitua le jour où la loi était adoptée par l'Assemblée nationale, et elle donna au pouvoir exécutif un mois, à partir de ce jour, pour promulguer la loi. (Constitution de 1848, art. 57.)

Mais l'ordonnance de 1816 restait debout; la promulgation consistait donc toujours dans la réception du Bulletin officiel au ministère de la justice. Par conséquent, le délai pour la force obligatoire continuait à avoir un point de départ incertain, variable, inconnu..

On perdait ainsi tout le bénéfice du point fixe et du délai fatal que la Constitution avait établi pour la promulgation elle-même. Qu'importe en effet de savoir qu'une loi votée le 1er mai sera nécessairement promulguée le 1er juin, si l'on ignore le jour de la réception du Bulletin à la chan-` cellerie? C'est précisément cette réception occulte et variable qui produit la force obligatoire; la date de la force obligatoire est donc occulte et variable comme elle. Je sais d'une manière certaine que la loi est promulguée aujourd'hui 1er juin, la Constitution me l'a dit une fois pour toutes; mais comment puis-je savoir quel jour le numéro du Bulletin qui la contient sera transporté au ministère de

la justice et reçu dans les bureaux? Il peut l'être tout de suite si les compositeurs, metteurs en page, correcteurs, protes, plieurs, hommes de peine, cochers, garçons de service de l'imprimerie nationale sont actifs et diligents; mais un oubli, une négligence, un acte de mauvaise volonté de la part d'un employé subalterne peuvent retarder d'un jour ou plus la réception qui, seule, a l'énorme pouvoir d'obliger les citoyens à l'exécution de la loi.

Ainsi l'article 57 de la Constitution de 1848 n'offrait que des apparences trompeuses; il avait l'air de donner ce qu'en réalité l'ordonnance de 1816 refusait toujours; il faisait entrevoir un bien qu'il ne permettait pas d'atteindre.

XXXV. Aujourd'hui, le croirait - on? nous sommes, quant à la publication et à la force exécutoire des lois, en plein 1816.

Eh! mon Dieu, j'ai peut-être tort de m'en étonner. On ne s'amuse pas à faire des réparations locatives à une maison qui brûle. Dans un grand péril, on va au plus pressé. En courant au salut de la France, la Constitution de 1852 a oublié de pousser du pied l'ordonnance de 1816. Voilà tout.

Mais maintenant que nous avons refait nos assises et relevé nos ruines, nous devenons exigeants, difficiles; nous raffinons sur les détails, et nous sommes choqués des défauts d'harmonie qui se font voir çà et là dans l'édifice de nos lois.

Toutefois, il n'y a pas besoin d'être bien délicat pour trouver que l'ordonnance de 1816 fait tache dans le Code Napoléon. Voyez plutôt.

On sait que la Constitution de 1852 n'établit ni point fixe, ni délai de promulgation: « Article 10. Il (l'Empereur) << sanctionne et promulgue les lois et les sénatus - con<< sultes. >>>

Voici d'ailleurs la formule de sanction et de promulgation actuellement en usage:

«N. (prénom de l'Empereur) par la grâce de Dieu, etc... << Avons sanctionné et sanctionnons, promulgué et pro<«<mulguons ce qui suit: (le texte de la loi). Mandons et << ordonnons que les présentes, revêtues du sceau de l'Etat «et insérées au Bulletin des lois, soient adressées aux « cours, tribunaux et aux autorités administratives, pour << qu'ils les inscrivent sur leurs registres, les observent et «<les fassent observer, et notre ministre secrétaire d'Etat au « département de la justice est chargé d'en surveiller la << publication. » (Décr. des 2-9 déc. 1852.)

Tout cela signifie que la sanction et la promulgation sont confondues dans le même acte; que cet acte est essentiellement secret, que la promulgation continue de consister uniquement dans l'insertion de la loi au Bulletin officiel; que l'envoi de ce Bulletin aux tribunaux et aux autorités administratives, seul mode de publication spécifié par le décret, n'est soumis à aucun délai fatal; enfin que le soin de cet envoi est confié à un fonctionnaire irresponsable envers le pays.

Il est clair qu'un pouvoir qui ne serait pas, comme le pouvoir actuel, ami de l'équité et de la franchise, pourrait très-légalement, avec l'ordonnance de 1816 et la Constitution de 1852, ne pas se donner la peine de publier les lois. Tout ce que le Gouvernement fait à cet égard, il le fait spontanément, bénévolement, c'est de sa part un don gratuit,

une pure libéralité. Et je veux dire tout de suite, à sa louange, qu'il est aussi généreux, aussi large que possible, en fait de publicité matérielle. Il envoie, il imprime, il placarde, il affiche, il abonne, il fait tout ce qu'il peut : témoins le décret du 12 février 1852 et la circulaire du ministre de l'intérieur du 13 décembre 1856. Voici cette circulaire.Elle donne une idée exacte de la bonne volonté du Gouvernement et de l'extrême négligence des agents inférieurs immédiatement chargés de procurer aux citoyens la connaissance de la loi.

<< Monsieur le préfet, je reçois directement et de plusieurs << points à la fois des plaintes sur l'irrégularité avec laquelle << a lieu l'affichage du Moniteur des communes.

<< Dans beaucoup de localités, on ne tient compte, ni du « décret du 12 février 1852 qui institue le système de <«< publicité du Moniteur des communes, ni des circulaires << qui recommandent aux préfets de veiller à son affi<< chage.

<«< I importe, Monsieur le préfet, de ne pas oublier les «< motifs qui ont présidé à la création de cette feuille.

<< L'Empereur a voulu que les actes de son Gouverne<«<ment fussent connus dans toutes les parties de l'Empire; << que le pays entier assistât, en quelque sorte, à tout ce « que sa sollicitude entreprend et exécute, tant à l'intérieur << qu'à l'extérieur, pour son bien-être et pour sa gloire.

<«< La haute pensée de Sa Majesté serait méconnue, si << votre zèle n'obviait promptement à la négligence sur la<< quelle je me vois contraint d'appeler votre attention.

<< Je vous invite donc, Monsieur le préfet, à exercer une << scrupuleuse surveillance à cet égard, et à stimuler la dili"gence des maires par toutes les dispositions que vous

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