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Pour les autres, ils ne se doutent même pas qu'elle

existe. Où trouver un bourgeois qui ne se vante d'être un citoyen intelligent, même un fin politique?... Combien peu, cependant, savent au juste à quel instant la loi les frappe!

Quand le législateur se trouve en face de pareilles présomptions et de pareilles ignorances, quand il voit des hommes qui ne parlent que de « vie politique, de vie publique, de droits et de légalité, » et qui, depuis quarante-deux ans, ont les yeux fermés sur les vices frappants d'une disposition fondamentale de leur droit public, — c'est de sa part un acte de générosité de venir à leur aide et de leur dire « Vous ne voyez donc pas que le point de départ de la force exécutoire de vos lois est profondément secret, et que l'obligation d'exécuter une loi peut vous surprendre avant que vous soyez instruits de l'existence même de cette obligation? Il faut changer cela; je ne veux plus, moi, que vous restiez exposés désormais à un danger si grave. »

Montrer tout ce que la législation de 1816 a d'illogique et de vicieux; indiquer les réformes ou les expédients qui paraissent les plus propres à mettre la matière de la publication des lois en harmonie avec la

constitution actuelle; enfin (pour emprunter au style officiel une de ses plus heureuses expressions (1) « stimuler la diligence » du législateur; tel est le but qu'on s'est proposé en publiant cet écrit.

L'auteur y a joint quelques aperçus critiques sur le système des délais successifs, à raison des distances, consacré par l'article 1er du Code Napoléon (2).

(1) Voyez hic la circulaire ministérielle citée à la page 45.

(2) Ce travail fait partie d'un ouvrage étendu que l'auteur va publier prochainement, et où il propose diverses améliorations soit au Code Napoléon, soit aux lois qui s'y rattachent.

OBSERVATIONS CRITIQUES

TOUCHANT

LA FORCE OBLIGATOIRE DES LOIS.

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I. Nul n'est censé ignorer la loi. Bonne maxime d'ordre public car, s'il n'y avait d'applicables que les lois effectivement connues des citoyens, nous ne verrions presque pas de lois obligatoires.

Cependant si tout le monde ne connaît pas la loi, il faut que tout le monde ait pu la connaître, sans quoi le législateur serait le plus insupportable de tous les tyrans. De là vient la nécessité de publier la loi.

Ce n'est pas tout: il reste à déterminer le jour précis où l'on sera tenu de l'exécuter, et c'est à ce dernier résultat que tout doit aboutir. En effet, le législateur ne serait guère avancé si les citoyens pouvaient lui dire : « Il est vrai que vous avez publié la loi, mais vous n'avez pas fixé de terme pour son exécution. »

II. Chez nous, la publication ou promulgation des lois est ordinairement dans le domaine du droit constitutionnel;

tandis que nous abandonnons à la loi courante la fixation d'un terme pour la force obligatoire.

Cette fixation de terme était précisément l'objet unique de l'article 1er du Code Napoléon auquel a succédé l'incroyable ordonnance de 1816. Avant le Code, ce point délicat était réglé par différentes lois curieuses à connaître.

Afin de procéder avec ordre, je suivrai, je n'ose pas dire le progrès, mais la marche inégale du droit en cette matière. Cette méthode aura l'avantage de mieux faire ressortir les vices du système actuel en les mettant en relief sur le fond de l'histoire.

III. I importe, avant tout, de poser nettement la question.

A quelle époque une loi, promulguée suivant le mode constitutionnel, devient-elle obligatoire pour les citoyens? Par exemple, quel jour l'habitant de ce petit village des Vosges ou des Basses-Pyrénées est-il obligé d'exécuter la loi votée à Paris?

Voici comment nos divers législateurs ont répondu à cette question intéressante.

IV. Avant 1789, le seul législateur, c'était le roi. La loi se faisait dans le cabinet de Sa Majesté. On l'adressait aux Parlements, avec ordre de la faire lire, publier et enregistrer. Or, la lecture avait lieu à l'audience et constituait la publication; l'enregistrement venait ensuite. C'en était fait la loi était obligatoire dans le ressort du Parle

ment!

Voilà le système, sauf les modifications introduites par

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