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de leur supposer cette croyance, si elle eût été fausse?

IV. J'ai dit que l'opinion où étaient les Juifs, que les prophéties alléguées en preuve par Jésus-Christ et ses apôtres avaient rapport au Messie, n'est point indifférente à notre question. D'abord, nous l'opposons avec bien de l'avantage aux Juifs modernes, qui, pour se soustraire aux conséquences évidentes résultantes d'un grand nombre de ces textes, les détournent à d'autres objets. En montrant la contradiction entre leur doctrine et celle de leurs pères beaucoup mieux instruits qu'eux du vrai sens des prophéties, nous faisons voir que c'est l'intérêt de parti qui leur a fait abandonner l'ancienne tradition. Ensuite vis-à-vis des incrédules mêmes, nous. nous servons utilement de cette opinion générale établie au temps de Jésus-Christ, qu'un grand nombre de prophéties judaïques étaient relatives au Messie. En effet, comme nous l'avons observé, le premier point à établir contre les incrédules, est qu'antérieurement à Jésus-Christ, les prédictions que nous lui appliquons étaient existantes et connues (74). Or nous démontrons évidemment cette vérité, en disant ces prédictions étaient citées par un parti, avouées par l'auelles existaient donc. Cette confiance

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d'un côté, cette reconnaissance de l'autre, seraient deux absurdités grossières, si les prophéties n'avaient pas été bien constantes et bien publiques.

Nous pourrions nous arrêter à cette première preuve de l'antériorité des prophéties judaïques à Jésus-Christ. Mais comme c'est ici un article important de la discussion actuelle, il n'est pas inutile d'en multiplier les démonstrations, afin de ne laisser aucun doute sur ce sujet, et de n'avoir plus à y revenir.

Les targum ou paraphrases des livres saints, que les Juifs actuels révèrent à l'égard du texte même, appliquent au Messie un grand nombre des prophéties dont nous autorisons. De ces paraphrases, il y en a deux sur lesquelles on doute si elles sont antérieures ou postérieures de quelque temps à Jésus-Christ. Mais il n'y a pas de difficulté sur le targum de Jérusalem: tout le monde convient qu'il était écrit avant la venue du Sauveur; les prophéties sur le Messie étaient donc connues avant lui.

Ou ces prédictions que nous alléguons existaient, ainsi que nous le soutenons, avant le temps de Jésus-Christ, ou elles ont été fabriquées, soit par lui, soit par les chrétiens. Mais elles sont consignées dans les livres ap

partenants primitivement aux Juifs, ennemis acharnés de Jésus-Christ et du christianisme, écrits dans leur langue, conservés et transmis par eux : c'est des Juifs les teque nous nons. Le témoin le plus certain, le moins suspect, le moins récusable d'un fait quelconque, est celui qui aurait intérêt à le contester. Nous opposons donc avec une force irrésistible le témoignage des Juifs nos adversaires sur l'antiquité des prophéties, à tous ceux de nos autres adversaires qui entreprendraient de la révoquer en doute. Prétendrait-on que la fraude a été faite de concert avec les Juifs, qui se sont accordés avec nous, pour nous donner contre eux-mêmes ces armes victorieuses? Soutiendrait-on que la falsification a été faite à l'insu des Juifs, ou malgré eux, et qu'ils se sont rendus aveugles pour ne pas la voir, ou muets pour ne pas la révéler? Il est nécessaire de choisir entre ces suppositions; et difficile de décider laquelle est la plus ridicule. Ils raisonnaient de même que nous nos pères dans la foi, les premiers défenseurs de la religion; spécialement S. Justin (74), S. Jean Chrisostôme (75), Théodoret (76), et surtout S. Augustin dans un grand nombre d'endroits (77). Ils opposaient, sur la réalité des prophéties, avec une force victorieuse, aux païens, qui

étaient les incrédules de leur temps, le témoignage des Juifs également incrédules au christianisme. Par l'autorité des prophéties, ils confondaient les uns et les autres : les Juifs, parce qu'ils y croyaient; les païens, parce qu'ils ne pouvaient pas les contester.

Mais il y a plus encore. Ce ne sont pas seulement les Juifs, ce sont aussi les païens qui nous sont garants de l'antériorité des prophéties au temps de Jésus-Christ. Tous les livres où elles sont consignées avaient été traduits en grec plusieurs siècles auparavant (78). Et lorsque Jésus-Christ parut, ils étaient répandus, non-seulement parmi les Juifs, mais parmi les nations, non-seulement dans leur langue originale, mais dans la langue la plus connue, la plus usitée, la plus cultivée par tous les hommes instruits de tous les pays. Les livres prophétiques étaient traduits; ils existaient donc ? Pour les supposer, ou pour les altérer et y insérer les prophéties que nous invoquons, il aurait fallu fabriquer ou corrompre à la fois et le texte hébreu et la version des Septante; il aurait fallu avoir pour complices et tous les Juifs dispersés, et tous les gentils possédants des exemplaires; il aurait fallu que cette multitude immense d'hommes si éloignés les uns des autres, eussent part au complot et gar

dassent le secret avec une fidélité si exacte, qu'il n'en fût pas resté le moindre soupçon.

De tout cela, il reste démontré aussi complètement, ce me semble, qu'aucun point d'histoire puisse l'être, que les prophéties sur lesquelles nous fondons la preuve de la mission et de la religion de Jésus-Christ, existaient long-temps avant lui. Ce premier point établi, il nous reste à prouver les deux autres; savoir, d'abord que ces prophéties se sont exactement accomplies en lui; et ensuite que cet accomplissement n'a pu être ni prévu par les lumières naturelles, ni effectué par hasard: c'est ce que nous ferons voir sur chacune de ces prophéties, lorsque nous les discuterons en détail.

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V. " Quand un seul homme, dit Pascal, « aurait fait un livre des prédictions de Jésus-Christ, pour le temps et pour la manière, et que Jésus-Christ serait venu con« formément à ces prophéties, ce serait une « force infinie; mais il y a bien plus ici. C'est «< une suite d'hommes durant quatre mille

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qui, constamment et sans variation, << viennent l'un ensuite de l'autre prédire ce « même avénement. C'est un peuple tout en« tier qui l'annonce et qui subsiste pendant quatre mille années, pour rendre en corps << un témoignage des assurances qu'ils en ont,

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T. I.

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