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portèrent sur eux de grands avantages.

LE GRAND PRINCE GEORGES VSÉVOLO

DOVITCH.

1224-1238. La faute des grands princes qui avaient morcelé la Russie en apanages, portait ses fruits, et devait en produire de plus amers encore. Des souverains de provinces s'arrogeaient le titre de grands princes, par opposition aux princes apanagés, mais cette dénomination ne représentait plus l'unité monarchique. Le droit de succession, qui passa du frère ou du plus proche parent du prince défunt à son fils, fut la cause de tant de querelles `sanglantes, où la Russie s'épuisait, et dont profitèrent les étrangers : c'est sans doute à l'étendue de ses provinces que

la Russie dut son salut. Toutefois, comparée avec les États voisins, son commerce, ses alliances, la valeur de ses habitants, et surtout l'unité de langage dans le cœur des provinces slaves, lui assignaient un rang honorable parmi les nations. Le gouvernement offrait un mélange bizarre de despotisme et de liberté, qui, en favorisant les entreprises ambitieuses de l'aristocratie, déconsidérait la source du pouvoir.

Dès le treizième siècle, les Russes avaient une traduction du droit canon grec, pour les cas qui sortaient de la coutume. Le prince avait droit de paix et de guerre, celui de punir, et de fixer les impôts; mais les citoyens de la capitale, profitant de la liberté qui régnait dans les assemblées publiques, arrêtaient souvent le prince dans les actes les plus importants du gouvernement. La voix délibérative n'était accordée qu'aux plus anciens citoyens, aux hommes de condition libre, aux boyars, aux militaires et aux marchands. Le haut clergé était ordinairement chargé d'entamer les négociations de paix, et participait à l'administration des affaires; il jugeait des délits en matière ecclésiastique, sans avoir recours à la justice séculière; et pour ces actes, il ne reconnaissait que

la censure du métropolitain. Nous avons vu que, déjà à cette époque, le commerce était dans un état prospère. Le Dniepr était appelé le chemin de la Grèce, et Novgorod entretenait des relations avec les villes libres d'Allemagne qui, dans le treizième siècle, se coalisèrent au nombre de soixante et dix, et formèrent la ligue anséatique. A dater de cette époque, Novgorod eut pendant longtemps une grande importance dans le système commercial du nord de l'Europe. Smolensk faisait aussi un commerce étendu avec Riga, la Gothlandie et les villes allemandes. C'est ainsi que le numéraire affluait en Russie, malgré les dispositions prohibitives des étrangers. Quant aux arts et aux sciences, leurs progrès furent peu rapides. A en juger par le poëme d'Igor, écrit au douzième siècle, la littérature nationale était pleine d'images brillantes et énergiques. Depuis l'introduction du christianisme, les mœurs s'étaient adoucies; la piété, dépourvue des lumières nécessaires, se traduisait souvent en pratiques superstitieuses. Les Russes étaient passionnés pour les jeux de hasard, la musique, la danse et les liqueurs enivrantes, et ils ont conservé les mêmes traits caractéristiques. Belliqueux, et cruels dans la victoire, ils passaient rapidement d'une résolution à une autre, et il ne fallut rien moins que le joug pesant des Tatars, et le sceptre de Jean le Terrible, pour les façonner au despotisme.

Dans la Tatarie chinoise, et au sud du gouvernement d'Irkoutsk, erraient des hordes de Mongols, de même origine que les Turcs d'Orient. Vers la moitié du douzième siècle, ce peuple devint puissant par ses conquêtes. Le khan Bagadour laissa son jeune fils Témoutchin à la tête de quarante mille familles. Après s'être signalé par des victoires et d'atroces cruautés, il se déclare indépendant des Tatars, et, de gré ou de force, il soumet les chefs des autres hordes. Il campait à la tête de son armée sur les bords du fleuve Amour, lorsqu'un ermite vint lui promettre l'empire du monde, au nom de

Dieu, et lui donner le nom de Genghis-Khan, c'est-à-dire grand khan. Les peuples voisins et le prince du Thibet le reconnurent pour leur souverain, et s'associèrent à ses entreprises. Pékin trembla devant ses armes victorieuses, et Genghis-Khan lança ses hordes sur l'Occident; il entra à cheval dans la capitale de la Bukharie, et contraignit Mahomet II, son rival, à une fuite honteuse. Pendant trois ans, ce ne furent que ravages, incendies et massacres; enfin, vers l'an 1223, deux généraux du khan couvrent de leurs guerriers les côtes occidentales de la Caspienne; mais, trompés par leurs guides, ils se trouvent entourés par les Alains, les Yasses et les Polovtsi. Ces derniers reçurent de riches présents, et les Alains, demeurés seuls, succombèrent. Bientôt les Mongols poursuivirent les Polovtsi jusqu'à la mer d'Azof, où tout dut plier sous leur nombre et leur valeur. Un grand nombre de Polovtsi se réfugièrent à Kief et répandirent la nouvelle de l'arrivée des Mongols. Les princes russes résolurent de s'opposer au torrent; déjà leur armée était à Zaroub et à l'ile de Variegue sur le Dniepr, lorsque arrivèrent dix ambassadeurs tatars pour déclarer qu'ils n'en voulaient qu'aux seuls Polovtsi. Ces envoyés sont massacrés, et les Tatars se préparent à la guerre. L'armée russe remporta d'abord quelques avantages, mais, dans une action générale, les Polovtsi plièrent et mirent le désordre dans les rangs des Russes. A peine la dixième partie de leurs troupes put-elle échapper à ce désastre. Mstislaf se retira à Galitch; et Vladimir, prince de Smolensk, partit pour Kief. Mstislaf Romanovitch paya de sa vie sa longue résistance. Les princes de la Russie méridionale avaient demandé du secours au grand prince Georges; mais son neveu Vassilko eut le bonheur d'arriver trop tard. Tout le sud de la Russie, dévasté par les barbares, était dans la consternation, lorsque les Tatars, las de tuer, et ne trouvant plus de résistance, se portèrent tout à coup vers l'Orient, et retournèrent auprès de

Genghis Khan. Genghis Khan vint au-devant de ses généraux victorieux, et marcha contre le roi de Tangut. Ainsi passa sur la Russie ce fléau terrible.

Bientôt les guerres civiles recommencèrent. Après un démêlé avec Georges, les Novgorodiens appelèrent Michel de Tchernigof, son beau-frère, qui bientôt les quitta pour retourner dans son ancienne capitale, et Yaroslaf Féodor le remplaça. Peu de temps après, ce prince repoussa les Lithuaniens qui avaient commis de grands ravages dans les provinces du Nord; l'année suivante, il pénétra dans les parties les plus_septentrionales de la Finlande. Les Russes ne se montrèrent pas moins cruels envers les habitants, que les Tatars ne l'avaient été à leur égard; ils avaient fait tant de prisonniers, que, ne pouvant les emmener, ils en égorgèrent un grand nombre. La même année, Yaroslaf envoya des prêtres en Carélie pour convertir les habitants au christianisme.

Cependant Yaroslaf n'était pas aimé du peuple; irrité contre les habitants de Pskof, qui avaient refusé de le recevoir, il s'en plaignit inutilement, et fit venir une armée de PéréiaslavleZalesky, donnant pour but ostensible de cet armement une campagne contre les chevaliers livoniens: alors il voulut exiger des Pskoviens qu'ils lui livrassent ceux d'entre eux dont il avait à se plaindre; mais ils s'y refusèrent, et les Novgorodiens prirent leur parti, déclarant qu'ils ne combattraient ni contre eux, ni sans leur secours, contre les chevaliers livoniens. Yaroslaf, outré de dépit, abandonna Novgorod, qui, durant plusieurs années, fut en proie à des fléaux de toute espèce. Cette ville s'était de nouveau adressée à Michel, mais les députés avaient été arrêtés par le prince de Smolensk, attaché aux intérêts d'Yaroslaf.

Cependant Mstislaf, prince de Galitch, après avoir battu les Hongrois, leur accorda la paix, donna sa fille au fils du roi, et lui abandonna le trône de Galitch, au détriment de Daniel.

Bientôt après il mourut à Tortchesk, revêtu de l'habit monastique.

Michel, informé du désir des Novgorodiens, se rendit dans leur ville, y rétablit le calme, et retourna à Tchernigof, laissant à sa place son jeune fils Rostislaf. La guerre civile fut sur le point d'éclater entre Michel et Yaroslaf, mais la sagesse de Georges les réconcilia. Vers cette époque, des dissensions sanglantes, la famine et la peste désolèrent Novgorod; à l'exception de Kief, toute la Russie était en proie aux plus cruels fléaux. C'en était fait de la superbe Novgorod, lorsque les marchands étrangers la sauvèrent d'une ruine certaine, en faisant cesser la famine.

Le pinceau de l'histoire se fatigue à retracer toutes ces querelles, réduites pour la plupart aux mesquines proportions de l'intérêt privé.

Smolensk obéissait à Sviatoslaf, qui s'en était emparé de vive force. Daniel, après avoir pénétré dans la Pologne, conquit la principauté de Galitch sur André, fils du roi de Hongrie, qui la reprit bientôt après. La mort de ce prince ouvrit encore une fois à Daniel les portes de sa capitale; mais, vaincu par Ysiaslaf et Michel, il reprit la route de l'exil. Quelquefois vaincu, mais jamais découragé, il s'adressa inutilement à Béla IV, roi de Hongrie, et tira l'épée contre les chevaliers de l'ordre teutonique. Ysiaslaf s'était emparé de Kief, et Michel, de Galitch. Vladimir prit Kief, et fut bientôt contraint de céder la couronne à Yaroslaf.

Cependant la grande principauté de Souzdal et de Vladimir jouissait d'un repos qui n'était interrompu que par quelques excursions contre les Mordviens mais la scène du carnage va s'agrandir, les Tatars, pour la seconde fois, s'apprêtent à fouler le sol russe. Genghis Khan était mort en 1227, laissant pour héritier Oktai, son fils aîné. Ce prince, après avoir conquis les provinces septentrionales de la Chine, et détruit l'empire des Niu-Tché, envoya son neveu Bâti pour soumettre les provinces au nord

de la Caspienne. A la nouvelle de cette invasion, les Bulgares avaient abandonné le pays. Trois ans après, le chef tatar paraît sur les bords du Volga; et, en 1237, il livre aux flammes la grande ville, capitale des Bulgares : ensuite, se frayant un chemin à travers d'épaisses forêts, il pénêtre dans la principauté de Riazan, et fait sommer les Russes de lui livrer la dixième partie de leurs biens. «Quand nous aurons tous mordu la poussière, répondirent les princes, vous pourrez les prendre en entier. » Georges rejeta les mêmes propositions; et, confiant dans ses forces, il résolut de punir à lui seul ces audacieux étrangers. Bâti marche contre Riazan, ruinant sur son chemin des villes florissantes dont il massacre la population. Après six jours de siége, la ville est emportée, et Youry est égorgé avec sa famille et tous les habitants. Bâti rencontre à Kolomna Vsevolod, fils de Georges, qui, réuni à Roman, neveu d'Youry, livre et perd une bataille décisive. Après ce nouveau succès, il brûle Moscou, et fait prisonnier Vladimir, second fils de Georges. Le grand prince sort enfin de sa capitale, qu'il ̄laisse sous la défense de ses deux fils Vsévolod et Mstislaf, et se retire avec sa petite armée, pour attendre l'arrivée de ses frères. Le chef tatar parut bientôt sous les murs de Vladimir, envoyant une partie de ses troupes à Souzdal, qui se rendit sans résistance, et dont la population fut exterminée. Les Vladimiriens, voyant les prépara tifs du siége, reconnurent que leur perte était inévitable. Vsevolod, les princes, les seigneurs et les principaux citoyens reçurent solennellement la tonsure monacale, pour consacrer à Dieu les derniers jours de leur vie Enfin l'assaut commence, et tout est livré à la mort ou au pillage. Vsévo lod et Rostislaf périssent au milieu des rangs ennemis. Pendant l'espace dé trois semaines, les Tatars, sans compter les bourgs et les villages, prirent quatorze villes de la grande principauté, dont les habitants furent égor gés ou traînés en esclavage. Georges,

qui campait sur les bords de la Site, marche à la rencontre de l'ennemi; mais il succombe, et Vassilko reste entre les mains du vainqueur, qui, blessé de la fierté de ses réponses, le fait tomber sous les coups de ses soldats.

Les nombreuses bandes tatares se portèrent précipitamment sur Novgorod; et après avoir pris Tver, elles mirent le siége devant Torjek. Cette ville ruinée, Bâti rétrograde, arrêté dans sa marche par des marécages, et se porte sur Kozelsk dans le gouvernement de Kalouga; cette place résista un mois, et eut le sort des autres villes.

Rassasié de carnage, Bâti se retira sur le Don, dans le pays des Polovtsi; Yaroslaf, frère de Georges, se hâta de quitter Kief et de se rendre à Vladimir.

LE GRAND PRINCE YAROSLAF II VSÉVO.

LODOVITCH.

1238-1247. Yaroslaf donna tous ses soins pour réparer les désastres de la Russie; bientôt après il défait l'armée des Lithuaniens qui s'étaient emparés d'une grande partie de la province de Smolensk, et place sur le trône Vsévolod Mstislavitch, petit-fils de Roman mais à peine le grand prince se fut-il éloigné de Kief que Michel de Tchernigof se rendit maître de cette capitale. Il avait laissé à Galitch son fils Rostislaf, qui, au mépris de la paix, s'empara d'une ville où commandait Daniel. Celui-ci profite de l'absence de Rostislaf, surprend Galitch, dont les habitants le reçoivent avec joie, et Rostislaf s'enfuit en Hongrie. Cependant Bâti, vainqueur des Polovtsi, reparaît avec ses hordes, et se rend maître du pays des Mordviens, de Mourom et de Gorokhovetz. De là il se dirige vers la Russie méridionale. Péréiaslavle est ruinée, Tchernigof, après une vigoureuse résistance, est livrée aux flammes. Mstislaf, échappé à sa fureur, se réfugie en Hongrie.

L'avide Bâti convoitait les richesses de Kief. Mangon, petit-fils de

Genghis-Khan, fut envoyé pour examiner cette ville, dont l'aspect le frappa d'admiration. Il essaya d'engager les habitants à se rendre, mais les Kiéviens massacrèrent ses envoyés. Le prince Michel venait de s'enfuir en Hongrie; Rostislaf veut s'emparer du trône, mais Daniel le prévient, et le fait arrêter.

Ce prince partit pour la Hongrie, dans l'espoir d'engager le roi à se joindre à lui pour repousser les Tatars: il avait confié au boyar Dmitri le dangereux honneur de défendre la capitale. Bientôt l'assaut commença. Les portes tombent, et la ville n'a plus d'autre rempart que le corps de ses guerriers; la lutte fut sanglante; mais vers le soir, les habitants battent en retraite jusqu'à l'église de la Dîme. Le jour suivant éclaira la victoire des Mongols; Bâti, qui savait apprécier le courage, accorda la vie à Dmitri. Pen dant plusieurs jours les débris de Kief nagèrent dans le sang, et la splendeur de l'ancienne capitale d'Oleg fut à jamais éclipsée. Temples, monuments tombeaux, tout fut détruit. Informé que les princes de la Russie méridionale forment une ligue defensive, Bâti s'avance contre les provinces de Ga→ licie et de Vladimir: il prend Ladigine, Kaménetz: Kréménetz retarde sa marche, il l'abandonne pour aller s'emparer de Vladimir, de Galitch et d'un grand nombre d'autres villes. Dmitri, qui l'accompagnait, eut l'adresse de lui persuader qu'il était de son intéret de porter ses armes en Hongrie, dont le roi levait une armée nombreuse.

Béla avait accueilli Daniel avec hauteur, pensant que les Tatars n'oseraient franchir les monts Krapaks; mais apprenant que l'ennemi touchait ses frontières, Daniel se retirá dans la Mazovie, où il resta avec Vassilko jusqu'au moment où les Tatars quitterent le sud-ouest de la Russie. A cette heureuse nouvelle, ces princes s'établirent à Kholm qui avait échappé à la dévastation générale. Ce ne fut pas sans peine que Daniel parvint à dompter les sédi tieux, car les malheurs de l'invasion

n'avaient pas rendu les princes plus sages, et ils se disputaient avec avidité les tristes restes des villes encore fumantes.

Novgorod était alors gouvernée par Alexandre Yaroslavitch, jeune prince doué de tous les avantages du corps et de l'esprit. Les habitants de cette ville qui avait vu passer, sans en être atteinte, les hordes des Mongols, avaient alors pour ennemis les Tchoudes, les chevaliers livoniens qui s'étaient réunis à l'ordre teutonique, les Finois et les Suédois. Ces derniers armèrent une flotte qui pénétra dans la Néva : mais les guerriers qu'elle portait furent défaits par Alexandre à qui cette victoire valut le nom célèbre de Newsky. Plus tard les Allemands, excités par un traître nommé Tverdilo, s'emparèrent d'Izborsk, et battirent les Pskoviens. Bientôt ils entrèrent sur le territoire de Novgorod, en l'absence d'Alexandre que les citoyens avaient mécontenté. Ce prince se rendit à leurs prières, et à son arrivée tout changea de face. Les Allemands sont repoussés, les Tchoudes punis, et Pskof lui doit sa délivrance. Les Livoniens sont défaits dans leur province, et Alexandre leur accorde la paix. Il remporte en outre de grands avantages sur les Lithuaniens; mais sa cruauté envers les vaincus ternit sa gloire.

Ces succès dans le Nord n'empêchaient point la Russie d'être tributaire des Tatars. Maître de la Hongrie, de la Moldavie et de la Valachie, Bâti retourna tout à coup sur les bords du Volga; et là, ayant pris le titre de Khan, il s'occupa du soin d'affermir ses nombreuses conquêtes. Tout pliait sous cette volonté puissante; le grand prince reçut l'ordre d'aller le trouver, et il fit partir son fils Constantin pour aller rendre hommage au grand khan Octaï, alors en Tatarie. Deux ans après, Yaroslaf dut se rendre en personne sur les bords du fleuve Amour, pour s'humilier devant son orgueilleux maître; il parvint à désarmer son ressentiment, mais il mourut en revenant dans sa patrie. Presque en même temps, Michel, qui avait inutilement

imploré le secours de Béla, revint à Tchernigof, où les lieutenants de Bâti lui ordonnèrent de se rendre à la horde. Il obéit, et partit avec son fils Boris et le boyar Féodor. Il allait entrer dans la tente de Bâti, lorsqu'on exigea de lui qu'il fléchît le genou devant les idoles: il refusa généreusement, et fut massacré. Féodor moutra la même foi et eut le même sort : quant à Boris il dut sans doute à moins de fermeté la faveur de retourner plus tard dans son apanage. Ses autres fils rentrèrent également dans leurs possessions.

Daniel lui-même se prosterna devant Bâti qui le reçut avec distinction, et il se retira avec les titres honteux de serviteur et de tributaire du khan: mais, en compensation, la protection du Tatar lui valut des égards de la part des princes ses rivaux; et Béla contracta avec lui une alliance à la suite de laquelle Léon, fils de Daniel, épousa une fille du roi.

C'est vers ce temps que Plan Carpin, moine franciscain, traversa la Russie, en qualité d'envoyé du pape Innocent IV, qui désirait entamer des négociations avec le khan des Tatars, en essayant en même temps de ramener les Russes à l'unité de l'Eglise romaine. Le voyage de Plan Carpin donne des renseignements curieux sur la Russie à cette époque, sur les mœurs et la puissance des Tatars, et sur l'élévation de Gaïuk, successeur d'Octaï, à la dignité du grand khanat. Cette ambassade n'eut pas de suite en ce qui concernait les Mongols; mais Daniel, cherchant un point d'appui contre la puissance des barbares, fit un acte de saine politique, en mettant la cour pontificale dans ses intérêts. Le pape flatta Daniel, et lui offrit la couronne royale; mais le grand prince préférait un secours effectif à un vain titre. Il vit bientôt que l'Europe, occupée de ses propres dissensions, était hors d'état de rien entreprendre contre les Mongols; il consentit à reconnaître le saint-père comme vicaire de saint Pierre, et se laissa couronner par le légat en présence des boyars et du peuple: mais là se borna sa complai

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