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organisée et conduite par un homme audacieux, qui, avec plus d'habileté, aurait pu mettre en péril et le trône et la constitution même de l'empire. Pougatchef, paysan, né dans un village appartenant au prince Odoïevski, après avoir servi dans les armées russes, déserta en Pologne, et conçut l'idée de se faire passer pour Pierre III. Cette imposture ne pouvait avoir cours que dans les provinces les plus reculées de la domination de Catherine, et où la disposition générale des esprits la fit admettre sans examen. Pougatchef, arrêté près de Kasan, échappa à la surveillance de ses gardes, et se fit quelques partisans parmi les Tatars des steppes qui ne sont soumis à la Russie que depuis la conquête de Kasan par Jean le Terrible; mais la fortune réservait à l'imposteur de plus puissants auxiliaires: les Cosaques qui habitaient le long du fleuve Yaïk avaient inutilement adressé leurs réclamations à l'impératrice sur certaines vexations des autorités locales; leurs envoyés furent maltraités; et le général Traubenberg, ayant fait couper la barbe à leurs recrues, fut massacré ainsi que plusieurs officiers: enfin ces Cosaques, comprimés par la force, mais plus disposés que jamais à la révolte, embrassèrent le parti de Pougatchef, qui se trouva à la tête d'une petite armée. Forcé d'abandonner le siége de la ville d'Yaïk, il se jeta sur le territoire de l'Iletz, enleva quelques forts, battit les troupes envoyées contre lui par le gouverneur d'Orenbourg. Des hordes de Kirguizes, de Bachkirs, de Tatars Boudziaks, réceniment reléguées dans ces solitudes, se joignirent à lui. Orenbourg fut vivement pressé, et déjà la fermentation commençait à se manifester dans Moscou. Le faux Pierre III faisait frapper des roubles à son effigie; il annonçait l'affranchissement des serfs qu'il épargnait dans ses excursions, tandis qu'il faisait massacrer les seigneurs ; ce n'est pas qu'il jugeât nécessaire d'établir l'équilibre des droits politiques entre les Russes, puisqu'il donnait à ses créatures les titres et les insignes de

ceux qu'il sacrifiait, mais il voulait renouveler toutes les sources du pouvoir, et rendre solidaires de sa fortune les brigands dont il improvisait l'élévation. De telles vues rendaient sa tâche plus difficile; c'était se priver des secours de tant de nobles mécontents qui avaient tout à perdre s'il réussissait, et substituer le crime à l'abus. Catherine, à qui cet aventurier causa de cruelles insomnies, l'appelait, dans ses lettres à Voltaire. monsieur le marquis de Pougatchef, faisant ainsi allusion à sa manie de constituer une nouvelle noblesse. On a blâmé le plan militaire de Pougatchef; on a prétendu qu'il devait marcher sur Moscou pour insurger cette population composée en grande partie d'esclaves, au lieu de consumer ses ressources devant les villes d'Yaïk et d'Orenbourg; il eût été bien plus imprudent de pénétrer sans artillerie et avec une armée indisciplinée dans les provinces slaves, et de laisser derrière fui des forces qui pouvaient lui couper toute retraite. Ce ne fut pas non plus sans motif qu'il répandait les récompenses honorifiques sur des hommes avides et que les avantages d'une sage liberté auraient médiocrement touchés; ces titres n'étaient qu'une promesse, et de nouveaux succes devaient leur assurer les biens et les richesses sans lesquels le titre est peu de chose. Il n'est pas jusqu'à ses débauches et à son intempérance qui ne se prêtassent au rôle qu'il avait osé prendre; s'il n'eût montré que des vertus, qui donc aurait pu reconnaître en lui Pierre III? Disons plutôt, comme Frédéric, que la fortune manqua à cet homme extraordinaire, et ajoutons que l'énergie nécessaire pour entreprendre des réformes violentes se trouve presque toujours accompagnée de vices qui les rendent funestes ou périlleuses pour le plus grand nombre.

Les avantages et les défaites de Pougatchef étaient autant de plaies a la prospérité de l'empire; on jugea plus facile de s'emparer de lui par ruse que de le vaincre : l'impératrice promit

d'amnistier tous ceux qui abandonneraient sa cause, et mit sa tête à prix. En même temps, le général Bibikof, dont le corps était en observation sur la frontière de Turquie, marcha contre le rebelle avec des forces imposantes. Souvent défait, mais jamais découragé, le faux Pierre III eût peut-être résisté longtemps encore, si la paix de Kaïnardji n'eût permis de tourner contre lui les forces devenues disponibles. A la suite d'une bataille où ses troupes furent complétement battues, abandonné des siens, Pougatchef avait encore l'espoir de relever sa fortune, lorsqu'il fut arrêté par trois de ses lieutenants; on le conduisit à Moscou dans une cage de fer, et il fut condamné à avoir les mains et les pieds coupés, et à être écartelé après cette mutilation. Des témoignages respectables ajoutent que Catherine écarta de la peine capitale tout ce luxe de tortures ; d'autres écrivains, mais dont la partialité n'est pas douteuse, prétendent que le bourreau prit sur lui de terminer promptement les souffrances de ce héros de l'insurrection populaire: Costéra n'hé site point à avancer que l'exécuteur reçut pour ce fait le supplice du knout, et qu'il fut envoyé en Sibérie. Il se trouve des hommes qui aiment mieux prêter de la générosité à un bourreau que de consigner un acte de clémence dans une vie dont ils prennent à tâche de ternir l'éclat. Catherine eut des faiblesses et même des torts, mais on ne peut lui reprocher de s'être montrée cruelle sans nécessité. Les passages suivants, extraits d'une lettre de Catherine, indiquent suffisamment combien la révolte de Pougatchef lui avait causé d'inquiétude. « Le marquis de Pougatchef m'a • donné du fil à retordre cette année « (1774); j'ai été obligée pendant plus « de six semaines de m'occuper de « cette affaire avec une attention non interrompue.... Il ne sait ni lire ni a écrire, mais c'est un homme extrê<< mement hardi et déterminé. Je crois a qu'après Tamerlan, il n'y en aguère «eu qui ait plus détruit l'espèce hu« maine d'abord il faisait pendre

«

<< sans rémission ni aucune forme de procès toutes les races nobles, hom« mes, femmes, enfants; tous les of« ficiers et soldats qu'il pouvait attra« per... Nul endroit où il a passé n'a « été épargné. Personne n'était de<< vant lui à l'abri du pillage, de la « violence et du meurtre. Il y a un << mois qu'il est pris, ou, pour parler << plus exactement, qu'il a été lié et garrotté par ses propres gens dans << la plaine inhabitée entre le Volga et « le Yaik, et livré au général Panin... « Ce qui montre bien jusqu'où l'hom<< me se flatte, il s'imagina qu'à cause « de son courage je pourrais lui faire « grâce, et qu'il ferait oublier ses cri« mes passés par ses services futurs.

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S'il n'avait offensé que moi, son << raisonnement pourrait être juste, et << je lui pardonnerais; mais cette cause « est celle de l'empire qui a ses lois. » Pougatchef, qui avait tant de fois affronté la mort sur le champ de bataille, montra une grande pusillanimité dès qu'il se vit en présence des formes juridiques de cette civilisation qu'il avait prétendu refaire; il fallut même user de précaution en lui signifiant sa sentence, de peur que l'excès de son désespoir ne vînt à le soustraire à la vindicte des lois. Cette révolte eut des résultats dont les gouvernements voisins se sont longtemps ressentis; le commerce avec l'Asie et l'exploitation des mines avaient été interrompus, et plus de trois cents villes et villages furent entièrement ruinés. Catherine, par un motif de sage politique, et non, comme on l'a dit, pour infliger à une localité une dégradation nominale, changea le nom du fleuve Yaïk en celui d'Oural, et la chaîne des monts Poïas s'appela désormais les monts Ourals.

L'impératrice, après avoir détruit la liberté de la Pologne, humilié et affaibli la Turquie, étouffé, dans ses propres Etats, une insurrection naissante, jouissait de tant de succès, mais sans se laisser éblouir, et en souveraine qui les avait préparés de longue main. Comme toutes ses grandes entreprises avaient un but utile à la Russie,

leur

réussite se trouvait comme partie nécessaire d'un plan, et ses succès devenaient autant de moyens pour arriver a de nouveaux avantages. Elle écrivait a Voltaire : « Depuis que j'ai du « bonheur contre les Turcs, toute « l'Europe me trouve beaucoup d'es«prit. Vous me direz qu'il ne faut « pas beaucoup d'esprit pour prendre « des villes abandonnées; voilà aussi, << peut-être, ce qui m'empêche d'être « d'une fierté insupportable. A pro« pos de fierté, j'ai envie de vous « faire ma confession générale : j'ai << eu de grands succès dans cette guer<< re; je m'en suis réjouie très-natu«rellement; j'ai dit : La Russie sera « bien connue; on verra que cette << nation est infatigable, qu'elle pos a sède des hommes d'un mérite émi«nent; on verra qu'elle ne manque « pas de ressources; qu'elle peut faire « la guerre et se défendre avec viagueur, lorsqu'elle est injustement

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attaquée. Toute pleine de ces idées, je n'ai jamais fait attention à Cathe«rine qui, à quarante-deux ans, ne « saurait croître de corps ou d'esprit, « mais, par l'ordre naturel des choses, a doit rester et restera comme elle est. « Ses affaires vont-elles bien ? elle dit << tant mieux. Si elles allaient moins « bien, elle emploierait toutes ses « facultés à les remettre dans la meil« leure des lisières possible. Voilà << mon ambition; je n'en ai point « d'autre ce que je vous dis est « vrai. » Une ambition si noble est avouable; mais il faut convenir que ce langage pourrait convenir à presque tous les souverains. Ce qui distingue la véritable grandeur des ambitions vulgaires, c'est la poursuite d'une idée féconde, et non la réalisation de certains avantages purement individuels. Au premier de ces titres, Catherine peut être mise au rang des monarques qui ont le plus honoré leur nation.

Nous regrettons que de mesquines intrigues de galanterie viennent se croiser sans cesse au milieu des événements de ce règne si plein; mais quoique l'histoire, tout en s'attachant de préference aux actions mémorables, ne

doive point négliger les mœurs de ceux qui disposent de tant de destinées, nous ferons, dans le cours de notre récit, bien peu de digressions de cette nature, laissant aux biographes le soin d'exploiter tout ce qu'il peut y avoir de piquant dans les anecdotes scandaleuses de la vie intime.

Orlof supportait impatiemment sa disgrâce; il osa reparaître à Pétersbourg, et cette hardiesse, plus heureuse que sa première tentative, lai rendit, sinon toute sa faveur, du moins les priviléges du crédit. Vassiltchikof lui fut sacrifié, mais Catherine conserva Panin dont les talents lui étaient nécessaires.

Cependant le grand-duc Paul, retiré à l'écart, semblait désarmer par son éloignement des affaires la désaffection de l'impératrice. Les traits de ce jeune prince offraient quelque ressemblance avec ceux de l'infortune Pierre III, et ce souvenir, mêlé de haine et de remords, balançait dans son âme le sentiment maternel. A l'exception de Panin, les favoris prenaient à tâche de lui témoigner du mépris, soit pour s'en faire un mérite, soit pour éloigner toute idée de leur connivence avec le parti qui aurait voulu le placer sur le trône. Dès l'année 1773, Catherine s'occupa de trouver au tsaréwitch une épouse dont le caractère répondit à ses vues ; il est probable que n'ayant pas d'autre héritier, elle voulait choisir parmi les fils qui naîtraient de ce mariage un prince qu'elle élèverait à son gre, et qu'elle pourrait même porter au trône au préjudice de son père, pour peu que les circonstances ajoutassent encore à ses préventions. L'éducation de Paul n'avait pas été négligée sous le rapport intellectuel; il eut pour conpagnons d'études un jeune Tiéplof et le prince Alexandre Kourakin, qui depuis fut ambassadeur à Vienne et à Paris. Nous tenons de ce dernier que Paul, né avec de l'esprit naturel et beaucoup d'élévation dans les idées, avait été si mal entouré dès son enfance, qu'il avait déjà contracté des vices qui ne naissent ordinairement que de la

satiété des voluptés vulgaires. Son caractère vif et emporté s'aigrit par les humiliations qu'il dut si longtemps dévorer, et c'est à ce contraste entre sa nature et son éducation qu'il faut attribuer ce mélange de bien et de mal, et ces bizarreries qui ont signalé

son regne.

C'est dans les petites cours d'Alle magne que les princes russes du sang impérial allaient chercher des alliances, non pas, comme on l'a dit, parce que les grandes familles souveraines sè seraient refusées à ce périlleux honneur, mais à cause de l'obligation imposée aux grandes-duchesses d'adopter la religion grecque. A mesure que la Russie a étendu son influence, les grandes cours du Nord se sont montrées plus empressées de briguer cet avantage politique.

L'impératrice fit venir à sa cour le landgrave de Hesse-Darmstadt avec ses trois filles, et fit choix de la princesse Wilhelmine, qui prit le nom de Nathalie Alexéïevna. Ce mariage eut lieu en octobre 1775; mais cette jeune et intéressante princesse survécut peu de temps à son élévation.

C'est vers cette époque que 'on voit paraître sur la scène le plus habile de tous les favoris de Catherine. Elle avait eu l'occasion de le remarquer le jour même de la révolution qui détrôna Pierre III; mais alors d'autres soins et une inclination déjà prononcée Toccupaient exclusivement ; cependant il fut admis quelque temps après dans ce qu'on pourrait appeler l'intimité secondaire de l'imperatrice, espèce de noviciat d'où les plus heureux ou les plus dignes pouvaient s'élever au premier rang de la faveur. Orlof, qui le redoutait, était parvenu à le faire éconduire; on assure, même que les deux rivaux avaient eu une rixe à la suite de laquelle Potemkin avait perdu la lumiere d'un œil, sans que cet accident eût altéré l'expression måle de sa beauté. Après une absence d'un an, il fut rappelé, et put jouir plus tard de la disgrace de celui qui avait essayé de le perdre. Peu scrupuleux sur ses prérogatives d'amant, il eut cependant

l'adresse de paraître assez épris pour déguiser son ambition, et nul ne tira des apparences d'une passion équivoque, des avantages aussi positifs. Son crédit et ses lumières lui eurent bientôt acquis une grande influence dans le conseil; il osait même contredire Catherine; mais en maniant adroitement ce qu'il savait flatter, sa vanité de souveraine et son penchant pour tout ce qui avait un air de grandeur. Il ne fallut rien moins que la volonté expresse de l'impératricé pour décider Orlof et Potemkin à se souffrir mutuellement; mais elle avait alors quarante-buit ans, et ses libéralites pouvaient suffire à ces deux hommes, inoins rivaux d'amour que d'ambition. Si Catherine oublia trop souvent que l'exemple moral des princes agit plus puissamment que les lois sur l'esprit des peuples, du moins mit-elle toute sa sollicitude à récompenser les services et à entourer de garanties les institutions qui honorent son règne. Elle augmenta la paye des officiers, que la baisse des assignats rendait trop modique; elle multiplia les distinctions militaires; elle essara d'aninter, par un sentiment d'honneur, fe courage passif des simples soldats. Des régiments entiers étaient décorés de medailles qui rappelaient une victoire. Ceux qui avaient assisté au combat de Tchesmé portaient une médaille avec cette inscription: bouil (j'y étais). Comme Pierre le Grand, elle entoura d'une pompe triomphale l'entrée de ses troupes victorieuses; elle ajouta, par sa présence, à l'éclat de ces solennités; et tandis qu'elle faisait agir le mobilé puissant de l'amour-propre national, elle s'appliquait à désarmer les dispositions peu favorables du peuple par la pratique assidue des actes extérieurs de la dévotion; c'est ainsi qu'elle liait à un pèlerinage aux environs de Moscou les fêtes que célébra l'ancienne capitale de l'empire, lors de la rentrée de Roumiantzof après sa belle campagne contre les Turcs. Ce général fut magnifiquement récompense; quelques courtisans, moins bien traités, en murmurèrent et offrirent leur dé

mission. Catherine l'accepta; elle envoya à Panin, frère du ministre, à Alexis Orlof et au prince Dolgorouki, quelques toupies, pour amuser, disait-elle, leur désœuvrement.

Comme tout se liait dans l'esprit de Catherine, elle ne s'agrandissait que pour s'affermir, et ne regardait`sa puissance militaire que comme un moyen de travailler avec sécurité à l'amélioration des formes administratives et au développement matériel et intellectuel de ses vastes Etats. L'organisation des tribunaux réclamait une prompte réforme; de toutes les parties de l'empire les affaires et les procès venaient s'encombrer dans les bureaux du sénat, soit à Moscou, soit à Pétersbourg; les circonscriptions administratives et judiciaires avaient une étendue hors de toute proportion; quelques-unes surpassaient en superficie les plus vastes Etats de l'Europe. Pour faciliter l'administration et abréger ces lenteurs toujours si funestes dans l'action de la justice, elle établit de nouvelles divisions territoriales; elle institua des vice-royautés qui ne devaient comprendre que trois à quatre cent mille âmes, et les subdivisa en cercles dont la juridiction s'étendait sur vingt à trente mille individus. Tout cercle dut avoir un tribunal connaissant des affaires civiles et criminelles, et un autre de simple police, ressortissant l'un et l'autre de la cour supérieure des statuts qui, elle-même, ressortissait de la cour suprême de justice, et, comme cette dernière, était établie dans le chef-lieu de la viceroyauté. Un grand nombre de cours particulières se liaient à ce système, et embrassaient dans leur ensemble toutes les spécialités des cas prévus. En présence de cette foule de questions soulevées par l'intérêt et la mauvaise foi, qui font de la justice une science à part, l'attention s'arrête comme involontairement sur un tribunal dont la seule dénomination semble attester la nécessité des autres: nous voulons parler de la cour de conscience, dont les fonctions étaient toutes paternelles. Elle veillait à ce que nul

ne fût détenu sans jugement, aux intérêts des mineurs, des orphelins et des aliénés, et à la conciliation des parties avant les débats. Les odnodvortsi ou possesseurs libres d'une maison, et les paysans de la couronne, eurent aussi des cours particulières. On conçoit combien la multiplicité des classes, jouissant toutes de certains priviléges, devait entraîner d'exceptions législatives; la nature même des gouvernements absolus ne leur permettant pas d'admettre ce principe si fécond et si simple: l'égalité de tous devant la la loi.

Quant aux juges, ils durent être élus de trois ans en trois ans parmi les nobles, c'est-à-dire dans la seule partie éclairée de la nation, et par leurs pairs, à l'exception d'un certain nombre de ceux des hautes cours directement nommés par le gouvernement. Dans quelques tribunaux de cercle, les juges purent être choisis par les paysans libres et dans leur sein. On a poussé la partialité de la critique jusqu'à blâmer Catherine d'avoir exclu les serfs de ces fonctions, comme si la première condition dans une magistrature quelconque n'était point la liberté, sinon pleine et entière, du moins relative. On essaya d'extirper les abus qui auraient neutralisé l'effet de ces institutions. La justice dut être administrée sans rétribution de la part des ayants cause. Toute taxation d'office, tout casuel furent sévèrement interdits. Des gardiens des lois, des inspecteurs des tribunaux furent institués, de telle sorte que l'enchainement de tant de juridictions rendit la complicité presque impossible. L'humanité de l'impératrice adoucit la rigueur des châtiments; les causes criminelles, où tout retard dans la décision est une peine extra-légale, durent être jugées avant les causes civiles; pour la plupart des cas, la torture et la confiscation furent abolies, et ce ne fut qu'à la suite de la fraude, c'est-à-dire au péril des juges eux-mêmes, que l'arbitraire put se substituer aux règlements.

Quelques écrivains, égarés par un principe louable, ont reproché à l'im

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