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pératrice de n'avoir pas tourné ses efforts vers l'émancipation des esclaves; s'ils eussent mieux connu l'état des masses en Russie, ils auraient pu se convaincre qu'elle a fait à cet égard à peu près tout ce qu'il était possible de faire; nous répéterons encore, parce que c'est notre conviction intime, que l'esclavage est incompatible avec certains droits, et qu'émanciper brusquement un peuple qui a tous les vices de la servitude, ce serait conférer à un enfant les droits de l'âge mûr. Ce qu'il fallait avant tout, et ce qu'elle a tenté, c'était de familiariser l'ignorance des serfs avec les résultats en tout genre des civilisations avancées, c'était surtout, comme nous l'avons dit, de rendre leurs maîtres plus instruits et meilleurs. Une des mesures qui honorent le plus son humanité, c'est d'avoir ouvert une issue aux paysans de la couronne pour arriver à quelques-uns des emplois réservés à la noblesse; de cette manière, et par la seule force des choses, les seigneurs finiront par ne pouvoir faire exploiter leurs terres que par des hommes qui auront fait le premier pas vers la liberté. La diminution progressive de la fortune des grands propriétaires tend constamment à ce résultat; et, s'il nous était permis d'émettre un avis, nous proposerions de frapper toutes les successions d'un impôt ou plutôt d'une redevance proportionnelle au nombre des serfs, par laquelle le nouveau propriétaire serait tenu de céder à la couronne quelques familles désignées par les paysans euxmêmes pour jouir de cet avantage. La perte qu'en éprouveraient les seigneurs serait compensée par l'émulation qu'entretiendrait cet espoir dans les familles restantes, et tous les jours la classe des paysans de la couronne, milieu nécessaire où s'élaborent les éléments de la liberté, se recruterait parmi les serfs les plus laborieux, c'est-à-dire les moins dangereux de tout l'empire.

Catherine fut donc forcée de régulariser la sujétion des serfs; il était impossible de toucher à tout le reste sans fixer d'une main ferme les limites de la servitude; il fallait bien qu'un

seigneur sût jusqu'à quel point il pouvait légalement disposer de son esclave, et la dénomination d'esclave implique nécessairement les droits du maître. La seule garantie qu'elle pouvait offrir à cette portion si considérable de la population, c'était de ne rien négliger pour adoucir les mœurs des seigneurs, et certes, à cet égard, les soins de la grande Catherine n'ont pas été perdus.

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Quelquefois cependant des vues d'intérêt général ont prévalu sur des sentiments de bienveillance, ou même de simple équité; Catherine soumit les habitants libres de la petite Russie à la vassalité et à la capitation: « Ils ne « peuvent plus, dit Tooke, changer « de résidence à volonté; ils sont obli«gés de rester dans les lieux où ils << sont enregistrés sur le rôle de la capi<< tation, ou de s'arranger, à cet égard, avec le seigneur du manoir. » Ici la politique admet une excuse; mais Catherine fut blâmable réellement, en distribuant à ses favoris des milliers de serfs, quelquefois, il est vrai, pour des services réels qu'elle n'eût pu rémunérer autrement, mais trop souvent pour des services d'une autre nature, que le silence même de l'historien grave note d'une marque sévère. Pour nous, ainsi que nous l'avons déjà dit, nous considérons Catherine, non sous le rapport de ses faiblesses, mais comme souveraine, et continuant par son génie l'œuvre de Pierre 1er.

Toute ville qui possédait en dehors de son enceinte une demi-lieue circulaire de pâturages, eut le droit d'élire ses administrateurs. Cette élection municipale dut se faire tous les trois ans, par tous les bourgeois, dans les petites villes, et dans les grandes, par certaines classes que designaient les statuts, et qui jouissaient de priviléges civils ou somptuaires plus ou moins étendus. Toutes ces réformes furent appliquées, dès l'année 1775, aux deux gouvernements de Tver et de Smolensk, dont les habitants étaient regardés comme la partie la plus intelligente et la plus éclairée de la population russe; quelques années plus tard, on

les étendit à tout l'empire, à l'exception des provinces quí, en passant à la Russie, avaient conservé les formes administratives dont elles jouissaient avant la conquête. Catherine compléta ce système général par un grand nombre d'institutions utiles. Dans tous les lieux où le besoin s'en faisait sentir, on vit s'élever des hôpitaux et des greniers de réserve; pour dissiper l'ignorance, elle créa des écoles; c'était promettre indirectement la liberté à ceux que son règne dotait des lumières; nous verrons plus tard que ses petitsfils ont marché dans cette voie avec une louable persévérance.

L'impératrice comprit de quelle importance devait être pour la Russie le développement commercial qui seul donne du prix aux richesses naturelles et aux produits de l'industrie. Elle créa une banque à Tobolsk, pour imprimer plus d'activité aux relations avec l'Asie, et encouragea plusieurs entreprises manufacturières et d'exploitation. Moyennant un impôt d'un pour cent sur leur actif déclaré, les marchands russes furent affranchis du droit de capitation et du recrutement. Les négociants ou marchands se virent ainsi distribués en classes ou guildes, selon l'importance de leur commerce. Malgré l'état peu satisfaisant des routes, le sol de l'empire, généralement plat, et arrosé par un grand nombre de fleuves, semble favoriser la circulation des produits; quand l'hiver a durci les voies navigables, le trainage offre un moyen facile et peu dispendieux pour les communications, et assure l'approvisionnement des grandes villes. Catherine, qui prévoyait à quel degré de prospérité commerciale la Russie doit parvenir un jour, équilibrait avec sagesse toutes les forces de l'industrie, de telle sorte que la prospérité des provinces centrales trouvât un débouché facile, soit dans les ports de la Baltique, soit dans ceux de l'Euxin, et sur les points les plus favorables de ses frontières méditerranées; elle multiplia les marchés et les foires; quant au commerce extérieur, elle laissait les Anglais en exploiter le monopole, certaine que

l'avenir dédommagerait amplement ses peuples de quelques concessions nécessaires. Elle apprit avee non moins de satisfaction que s'il se fût agi d'une victoire, la nouvelle qu'un convoi de dix vaisseaux marchands avait passé de l'Archipel dans la mer Noire.

Les colonies, composées d'étrangers qu'attiraient en Russie les promesses des résidents de l'impératrice, ou celles de quelques spéculateurs qui entreprenaient le recrutement, ne réussirent point d'abord, soit par la faute des émigrants qui comptaient plus sur leurs priviléges que sur leur travail, soit, comme dans la nouvelle Servie, parce que la guerre vint ruiner leurs établissements. Quelques écrivains ont voulu rendre Catherine responsable de ces malheurs qui atteignaient les populations en masse; c'est faire du rigorisme à contre-sens; on aurait pu, avec plus de justice, lui reprocher d'avoir trop fait pour les arts et le luxe, qui sont l'expression d'une civilisation avancée, à une époque où l'immense majorité de ses sujets ne pouvait encore profiter des établissements dont la dotait sa sollicitude. Ce raffinement de mœurs, cette élégance européenne, substitués aux anciennes habitudes moscovites, creusaient encore la ligne de démarcation qui sépare le seigneur de l'esclave; au reste, si l'on veut considérer cette question avec impartialité, on sera forcé de reconnaître qu'en fait d'améliorations empruntées, il était difficile de ne pas se mettre de suite au niveau des autres nations. Catherine pouvait-elle dire à Falconnet ou à Visconti, faites-moi un monument médiocre? Sans doute il eût été à souhaiter que le reste de l'empire eût gagné en lumières et en droits dans la même proportion que les nobles purent le faire; mais quand on passe à l'examen des moyens applicables, il faut bien avouer que le temps seul donnera la solution de ce grand problème, dont la politique éclairée du dernier règne et celle de l'empereur actuel se rapprochent tous les jours.

La délimitation des provinces enlevées à la Pologne avait donné lieu à

des difficultés que l'échange des notes diplomatiques ne faisait qu'embrouiller. Catherine était toujours dans les mêmes dispositions à l'égard de ce malheureux pays; elle exigeait une obéissance passive, et, en cas de résistance à ses volontés, elle menaçait, certaine que, d'une manière ou d'une autre, comme protectrice ou comme ennemie, elle tenait en main les destinées de la république. Les Polonais les plus sages sentaient la nécessité de s'accommoder au temps, et d'attendre que quelque circonstance, en désunissant les cours copartageantes, leur fournit l'occasion de réparer les malheurs récents. Mokranovski lui-même, mûri par l'âge et par l'expérience, était revenu à cette opinion. On savait que, dès 1775, Catherine avait écrit à son ambassadeur à Varsovie : « Vous rap« pellerez au roi que j'ai proposé les « moyens d'éviter le partage de la Po« logne. Il s'agit maintenant de l'ave« nir. Dites au roi que l'on ne discon« tinue pas de me solliciter pour un « partage ultérieur; que je m'y oppose, « et m'y opposerai aussi longtemps que a je ne verrai ni le roi ni la nation << agir contre moi; mais, si le contraire << arrive, il dépend uniquement de moi « que le nom de Pologne soit rayé de « la carte géographique. » Les difficultés sur le partage duraient encore en 1776; à cette époque, le prince Henri se rendit à Pétersbourg, et l'on a prétendu qu'il proposa à l'impératrice le projet d'un second démembrement. Le grand-duc Paul venait de perdre sa jeune épouse; il accompagna le prince à Berlin pour y voir une nièce de Frédéric, la princesse Sophie Dorothée de Wurtemberg, déjà promise au prince de Hesse-Darmstadt, et qui, bientôt après, se rendit à Pétersbourg, où elle s'unit à l'héritier de l'empire. Paul, depuis cette époque, put jouir d'un peu plus de liberté; mais son influence dans le gouvernement resta nulle; nommé grand amiral de la Baltique, il lui était interdit de visiter les flottes placées sous son commandement nominal; dans la dernière guerre, il avait sollicité inutilement la permis

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sion d'aller combattre contre les Turcs: que dira l'Europe de l'inaction qui m'est imposée? écrivait-il à l'impéra trice; l'Europe dira, lui réponditelle, que le grand-duc de Russie est un fils respectueux. Peut-être avaiteffe peu de confiance dans les talents militaires de Paul qui ne pouvait paraître à l'armée qu'au premier rang peut-être aussi craignait-elle de lui laisser de l'autorité sur les troupes dont le dévouement, à diverses reprises, s'était manifesté par des émeutes menaçantes. Toutes les démarches du grand-duc à l'étranger étaient également soumises à une surveillance ombrageuse; dans le voyage que fit ce prince (1780) en Allemagne, en Italie et en France, il n'eut la liberté de correspondre qu'avec sa mère.

Catherine, après avoir dicté les conditions du traité de Kaïnardji, semblait se relâcher sur l'exécution des articles qu'il stipulait; toute sa conduite, dans les négociations qui suivirent, est un chef-d'œuvre d'adroite politique; d'abord, son envoyé Péterson parla hautement, comme pour mieux signaler au divan toute l'étendue des obligations dont la paix était le prix; tout à coup ce ministre fut remplacé par Repnin, qui se montra aussi conciliant avec les Turcs qu'il avait été hautain et exigeant avec les Polonais; il abandonna les navigateurs envoyés par le gouvernement russe pour explorer les côtes de la mer Noire, aux exactions et aux vexations de toute espèce des fonctionnaires ottomans; il finit par ne plus permettre aux capitaines anglais et vénitiens de naviguer sous le pavillon russe; c'était une renonciation apparente aux avantages qu'on s'était promis du commerce de l'Euxin; l'ambassadeur faisait également bon marché des intérêts des Grecs; on assuré même que, pendant sa légation, quatre-vingts sous-officiers, soldats ou domestiques de sa maison, se firent mahométans, et que, dans deux audiences publiques qu'il eut du grand vizir, plusieurs d'entre eux prirent le turban en sa présence. Toute cette

conduite n'avait pour but que d'endormir les Turcs à l'instant où l'on méditait de réunir définitivement la Crimée à l'empire.

Pendant cette période de tâtonnements diplomatiques, le cabinet de Pétersbourg manoeuvra avec une habileté remarquable. Catherine paraissait être favorable au projet de renverser l'empire du croissant, et d'affermir son pouvoir dans le Levant, en s'appuyant de l'influence de toutes les populations grecques; Panin, au contraire, affectait de ne parler de la conquête de la Turquie que comme d'une idée extravagante, comme il avait précédemment combattu le partage de la Pologne. De cette manière, si les circonstances étaient favorables, la Russie les mettait à profit; dans le cas contraire, les prévisions du ministre recevaient leur accomplissement. Mais, dans cette double marche, tout s'acheminait vers le même résultat: il n'y avait là qu'une question d'époque ou plutôt d'opportunité; et ce résultat, comme la série des faits le prouve, était la destruction de la Pologne et l'anéantissement de la puissance ottomane.

Cependant l'électeur de Bavière, Maximilien, venait de mourir, et Joseph revendiquait cette succession que Frédéric était décidé à faire demeurer dans la branche palatine. La guerre qui devait en résulter opposait l'une à l'autre deux des puissances copartageantes; le roi de Prusse écrivait alors a d'Alembert: « Quelque pesant que << ce fardeau de la guerre soit pour ma « vieillesse, je le porterai gaiement, « pourvu que, par mes travaux, je «< consolide la paix de l'Allemagne « pour l'avenir. Il faut opposer une digue aux principes tyranniques d'un << gouvernement arbitraire, et refréner << une ambition démesurée qui ne «< connaît de bornes que celles d'une « force assez puissante pour l'arrêter: « il faut donc nous battre. » Cette guerre, qui ne dura qu'un an, et qui finit, au traité de Teschen, par la médiation de Catherine, prouve que la Prusse ne pouvait lutter contre l'am

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bition de l'Autriche qu'en se ménageant l'appui de la Russie, c'est-à-dire en épousant la politique de cet empire, et en l'introduisant au sein même de tous les conflits européens.

Les démêlés qui devaient séparer définitivement les États-Unis d'Amérique du royaume d'Angleterre commençaient à attirer l'attention de l'Europe. L'accroissement rapide de ces colonies avait alarmé le parlement, qui crut pouvoir prévenir leur émancipation, d'abord en restreignant les príviléges qui avaient fait leur prospérité, et ensuite en comprimant toute résistance par un grand déploiement de forces. Catherine voyait avec une satisfaction secrète la première puissance maritime du monde entraînée dans une guerre dont le succès même ne pouvait que lui être onéreux: mais, considérée sous le rapport des principes, cette résistance des Anglo-Américains devait lui causer de l'inquiétude. Les réclamations soutenues avec énergie par des populations entières étaient un précédent dont les gouvernements conquérants par système, ou, si l'on veut, par nécessité, devaient redouter l'influence. Bien que la position géographique de la Russie, et la nature même de ce conflit, semblassent n'intéresser qu'indirectement l'impératrice, elle ne laissa pas que de trouver le moyen d'y prendre part en quelque sorte, en proposant et en faisant adopter le système de la neutralité armée. Deux vaisseaux russes avaient été confisqués par les Espagnols et conduits à Cadix. Ces mesures étaient ordinaires entre les belligérants maritimes, les Etats neutres favorisant tel ou tel parti par des secours non avoués, et les particuliers saisissant des circonstances qui pouvaient leur procurer de gros bénéfices. Catherine, irritée de cet affront, fut sur le point de céder aux conseils de Harris, ambassadeur d'Angleterre, qui désirait l'attacher plus fortement à sa cour, en l'excitant à faire la guerre à l'Espagne. Panin, qui avait d'autres vues, détourna le coup; il proposa a sa souveraine de prendre sous sa pro

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tection le droit des neutres. La même idée avait été conçue, deux ans auparavant, par le ministre français Vergennes; il l'avait communiquée aux cabinets de Stockholm et de Copenhague, qui la proposèrent inutilement à celui de Pétersbourg. Panin s'en empara en la complétant, et la présenta Catherine «< comme un système qu'elle « aurait la gloire d'avoir créé, qui ral«lierait tous les peuples autour d'elle, « la rendrait législatrice des mers, « la conduirait à faire la paix mari« time, comme elle avait fait, à Teschen, la paix continentale (*). » L'impératrice accueillit ce projet qui flattait son penchant pour tout ce qui avait un caractère de grandeur. L'acte de neutralité, fondé sur le principe que le pavillon couvre la marchandise, fut proposé à toutes les cours de l'Europe, et il est devenu l'une des bases du droit public. (1780) Il est curieux de remarquer que la puissance dont la garantie venait de stipuler les droits du commerce, n'avait peut-être pas, à cette époque, dix bâtiments marchands dans les grands ports des nations commerçantes; mais il est juste de dire que Catherine ne négligeait rien pour hâter le moment où les richesses du sol russe iraient s'échanger dans les deux mers contre l'or ou les objets de luxe de l'étranger. Une factorerie française s'établit à Arkhangel; le transport des grains, à l'inté rieur, fut affranchi de droits onéreux, et la ville récente de Kherson prenait une importance maritime qu'Odessa lui a depuis enlevée. Dans cet état de choses, les établissements sur la mer Noire révélaient tout ce qu'il y a de ressources dans les provinces du sud de l'empire, et il était facile de prévoir que la marine militaire et marchande des Russes prendrait un développement considérable dans la Méditerranée.

A l'est de ses frontières, Catherine ouvrait ou continuait des relations avantageuses avec ses voisins, s'effor

(*) Mémoires sur la conduite de la France et de l'Angleterre à l'égard des neutres.

cant d'attirer dans le centre de son empire les produits de l'Asie et même de l'Amérique, pour en déverser le superflu dans les ports de l'Euxin et de la Baltique. Dès 1770, selon Castéra, le commerce avec la Chine n'était pas sans activité; il s'y faisait annuellement pour plus d'un million six cent mille roubles d'échanges, sur lesquels la couronne prélevait un droit de vingtcinq pour cent. Le marché de Kiakhta était l'entrepôt de ce commerce. L'émigration des Toungouses sur le territoire chinois interrompit momentanément les relations entre les deux empires; mais bientôt elles furent reprises, malgré les nombreuses difficultés suscitées par la cour de Péking.

Toutes ces améliorations n'étaient que précaires sans l'acquisition définitive de la Crimée. Quelques écrivains, qui se sont appliqués à mettre en saillie les faiblesses de Catherine, et qui n'ont pas su voir dans son règne la suite rigoureusement logique des plans de Pierre le Grand, ont attribué à l'ambition de Potemkin la campagne de 1783. C'est fermer les yeux à l'évidence. Ce plan de conquête était depuis longtemps dans la pensée de l'impératrice; il se liait nécessairement à l'envahissement de la Pologne ; il préparait celui de l'empire ottoman, et ouvrait définitivement les mers du Levant au pavillon moscovite. La marche du cabinet de Pétersbourg fut habile et patiente; il commença par obtenir une espèce d'indépendance pour la Crimée; et, sur ce terrain neutre, il n'eut pas de peine à organiser des résistances qui luí ménageaient la faculté d'intervenir d'abord comme protecteur, pour se déclarer bientôt possesseur et maître.

L'Autriche pouvait voir cet agrandissement avec inquiétude; Joseph II fut attiré à Pétersbourg, où on l'amusa par de belles espérances; il fut question dans ces conférences de rendre la liberté à la Grèce; et, pour prix de la coopération du crédule monarque, on lui promit d'appuyer ses prétentions sur la Bavière et sur la navigation de l'Escaut. Les arrangements prélimi

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