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sorte d'intention de fonder un Etat indépendant au profit du grand-duc Michel. » >> Certes, voilà le chef de la sainte alliance bien émancipé; il rendra tout, jusqu'à la conquête de Jean le Terrible; les Polonais, les Suédois et les Turcs auront bon marché de ce qui restera à la nouvelle ou plutôt à l'ancienne Russie.

« Il voulait ensuite se rendre en Volhynie, au quartier général de l'armée, y faire venir les grands-ducs Constantin et Michel, et proclamer: 1° Nicolas comme son successeur direct au trône des Russies; 2° Constantin comme souverain des provinces polonaises, avec un territoire qui aurait embrassé presque toutes les autres dépendances de l'empire russe en Europe, en mettant en même temps ce frère en possession immédiate des provinces polonaises et de quelques pays au delà, tandis que le reste des dépendances ne devait y être définitivement ajouté qu'à la mort de l'empereur Alexandre. » Comment l'empereur Alexandre pouvait-il prévoir que Constantin, dont l'âge différait si peu du sien, devait lui survivre? D'un autre côté, Constantin n'avait point d'héritiers; l'auteur suppose peut-être qu'il aurait désigné pour son successeur un prince polonais... « Les projets de l'empereur étaient sincères et généreux. Son erreur consistait sans doute en ce qu'il ne les expliqua pas franche ment, avant leur mise à exécution, à ceux dont les principes se trouvaient en opposition nécessaire, quoique secrète, avec les siens; car, si ces adversaires les blâmaient, les redoutaient, et nous pouvons dire les détestaient, ils n'auraient cependant pas poussé l'infamie jusqu'à le faire renverser par des moyens aussi affreux que ceux dont ils se servirent. Mais éloignés de toute participation à ses pensées, les enneinis cachés de l'empereur, au sein de sa famille, ne virent ses projets qu'à travers une sorte de nuage épais qui ne leur permettait même pas d'en distinguer les ombres, et qui les leur représentait sous des formes trop subversives de leurs propres projets, pour que leurs

consciences déjà souillées eussent pu s'arrêter encore devant les résolutions hideuses qu'on les a vus exécuter... L'empereur Alexandre mourut de mort violente. L'impératrice devint la victime du même complot un peu plus tard, mais cependant trop tôt pour que les apparences mêmes fussent gardées. Ainsi, dans l'opinion de l'auteur, Alexandre aurait succombé par le crime d'un des membres de sa famille; la désignation est facile, si l'on se contente de ces indications; mais comment se fait-il que ceux qui n'ont pas hésité à sacrifier l'impératrice Élisabeth à leur impatience de régner, aient permis au docteur Wilie, au médecin d'Alexandre, d'emporter en Angleterre son terrible secret? Les ressentiments politiques, même ceux dont la source est pure, ne reculent devant aucuns moyens de se satisfaire.

Un historien polonais, où l'on trouve d'ailleurs autant de partialité nationale que de véritable talent, avance qu'Alexandre a été empoisonné par le sénat. Cette assertion, que dément la précédente, n'a pas plus de fondement (Miéroslawski, Histoire de la révolu tion de Pologne). Enfin Rabbe, dans son Histoire d'Alexandre, s'exprime en ces termes : « Et quelle a été la fin d'Alexandre? serait-il vrai que la puissance qui, depuis 1815, avait exclusivement influé sur ses déterminations, à la veille de voir s'écrouler l'édifice qu'elle avait bâti sur les pieuses illusions du monarque russe, ait voulu à tout prix prévenir le scandale de cette éclatante défection: faut-il croire?... Non, ces sinistres rumeurs ne peuvent pas être accueillies. Il n'est du moins pas permis de donner une sanction historique quelconque au bruit d'un attentat qui passerait les bornes de toute perversité politique. » Il est clair que cette dernière insinuation regarde l'Autriche. Certes, s'il eût fallu payer d'un grand sacrifice la prolongation des jours d'Alexandre, nulle autre puissance n'eût été plus disposée à le faire. Avec Alexandre, tout le système de l'alliance s'est évanoui; son successeur a saisi d'une main ferme les rênes de

l'empire, et sous lui s'est accompli ce que l'Autriche redoutait le plus, l'indépendance de la Grèce sous le protectorat russe, l'abaissement définitif de la Turquie; enfin, après la mort de ce prince, les révolutions de Paris, de Bruxelles, de Varsovie, de Brunswick, en se répercutant dans l'Europe, ont bouleversé toute l'économie du congrès de Vienne, et rouvert la lutte entre les vieilles monarchies et les exigences constitutionnelles.

Čependant, pour qu'un bruit de cette nature s'accrédite, il faut bien admettre qu'il y ait eu dans le cours des événements des indices assez forts pour leur prêter un caractère de vraisemblance or, nous retrouvons ces indices dans un concours frappant de circonstances, les unes politiques, les autres présentant un caractère de violence qui, à l'époque où elles eurent lieu, empêchèrent d'admettre des causes purement accidentelles.

En 1825, on croyait généralement qu'Alexandre allait prendre une résolution énergique au sujet de la Grèce; on apprend qu'il voyage dans les provinces méridionales de l'empire; tandis que tous les esprits sont dans l'attente, on reçoit tout à coup la nouvelle qu'Alexandre vient d'expirer à Taganrok, que des troubles sérieux ont éclaté à Pétersbourg, que Constantin renonce à la couronne, en s'avouant incapable de la porter, et que Nicolas, après avoir triomphé d'une insurrection militaire, est monté sur le trône de toutes les Russies. Les révolutions de palais si fréquentes dans cet empire, cette mort si inattendue, tout, jusqu'à l'éloignement du lieu de la scène, contribuait à répandre sur les derniers moments d'Alexandre ce merveilleux tragique qui a tant de prise sur l'imagination des hommes.

Après avoir établi que ceux qui ont prétendu qu'Alexandre avait péri de mort violente n'appuyaient leur dire que sur des conjectures contradictoires et toutes improbables, nous allons exposer quelques-uns des documents officiels que nous adopterons, non parce qu'ils émanent du gouvernement, inais

parce qu'ils paraissent mériter une entière confiance.

Au commencement de l'automne, Alexandre résolut de faire un voyage dans les provinces méridionales de l'empire; l'objet principal de ce voyage était de passer en revue les armées campées dans la Volhynie, dans la Podolie et dans la Bessarabie. L'empereur se proposait aussi de visiter la Crimée, et spécialement la ville de Taganrok, le second port de la mer Noire. On s'était flatté que quelques semaines de résidence dans cette ville pourraient améliorer la santé de l'impératrice Elisabeth, qui, depuis quelque temps, donnait des inquiétudes.

L'impératrice partit de Saint-Pétersbourg le 15 septembre, accompagnée du prince Volkonski, de son médecin et d'une suite peu nombreuse. Elle n'arriva à Taganrok que le 6 octobre: Alexandre, parti deux jours avant elle, se trouvait dans cette ville depuis le 20 septembre.

L'empereur visita tous les établissements; il manifesta l'intention de faire construire le lazaret en pierres de taille, et exécuter de grands travaux pour faciliter les approches du port. Après un mois de séjour à Taganrok, Alexandre y laissa l'impératrice, et se remit en route pour achever sa tournée dans la nouvelle Russie.

Le 24 octobre, arrivé à deux verstes de la ville de Novo-Tcherkask, il fut reçu par le lieutenant général Novaïski et un grand nombre d'officiers supérieurs. Il descendit d'abord à la maison de campagne du comte Platof, où se trouvait l'adjudant général Tchernichef. Après avoir changé d'habits, il monta un cheval cosaque magnifiquement harnaché, et allà au-devant de l'hetman, qui, s'étant séparé de sa suite, s'avança vers le souverain pour le complimenter, et lui présenter le rapport de la situation générale des corps soumis à ses ordres. Alors l'empereur poussa jusqu'à la suite de l'hetman, la salua de la manière la plus affectueuse, et se dirigea avec elle vers la cathédrale. La route était bordée par une foule nombreuse : l'air reten

tissait d'acclamations; des femmes et de jeunes filles jonchaient de fleurs son passage; et, lorsqu'il arriva à la cathédrale, le haut clergé vint à sa rencontre pour le complimenter et l'introduire. Quand le service divin fut achevé, l'empereur se rendit à la maison de l'hetman, devant laquelle étaient disposées sur deux lignes les marques de distinctions et de faveurs accordées aux Cosaques en récompense de leur dévouement et de leurs services. Sa Majesté y reçut les félicitations des officiers de la chancellerie du Don qui forment le tribunal suprême de cette province; et, lorsque Alexandre arriva devant la porte de la maison, les hetmans des districts et les chefs des anciens lui offrirent, selon l'usage, le pain et le sel... Dans la matinée du 25, l'empereur donna différentes audiences, et visita les établissements publics. Il retourna à Asof par la route de Sraro-Tcherkask, et arriva à Taganrok le 27 octobre.

Le 1er novembre, il partit pour faire un nouveau voyage dans la Crimée, et visita Mariopol, Pérékop, Symphéropol, Bakhtchisarai et Eupatori. Le 31, il adressa au ministre des finances un oukase portant: «Que pour adopter tous les moyens possibles en faveur de Taganrok, point si important pour le commerce intérieur de la Russie, Sa Majesté ordonnait que le dixième de tous les droits de douane perçus dans cette ville, au maximum d'un million par an, serait mis en réserve pour l'amélioration du port et pour la construction des édifices nécessaires, sur une échelle proportionnée à l'étendue de

son commerce. »

En revenant de la Crimée, l'empereur fut si frappé, dans les environs de Sébastopol, de la beauté de la végétation méridionale, qu'il dit au gé néral Diebitch et au comte Vorontzof qui l'accompagnaient : « Si je quittais un jour les soins du gouvernement, je voudrais passer le reste de ma vie dans ce lieu. » Plein de ces idées, il entra dans un monastère du voisinage, où il demeura plus d'une heure dans une pieuse contemplation. Quand il rejoi

gnit son escorte, il se plaignit de malaise et de frisson; la fièvre, qui se déclara avec intermittence, devint tout

coup plus violente, et l'empereur se hâta de revenir à Taganrok, auprès de l'impératrice Élisabeth. Comme il était doué d'une forte constitution, sa maladie n'eût point été dangereuse s'il avait reçu des secours à temps; mais il avait jugé trop légèrement de son mal, et, pendant la première quinzaine, il refusa de prendre aucun médicament. Il était déjà trop tard lorsque enfin il se rendit aux sollicitations de sa famille et aux pieuses remontrances de l'archimandrite. Sa maladie empira rapidement; mais il conserva l'usage de ses sens jusqu'à la dernière heure, où il dicta son testament. L'impératrice Elisabeth lui prodigua les soins les plus tendres; pendant cinq jours et cinq nuits, elle ne quitta pas le chevet de son lit. Les dernières paroles de l'empereur furent : « Ah! le beau jour!» Les rideaux des croisées avaient été tirés, et le soleil d'automne dardait ses rayons dans l'appartement. Lorsque l'empereur eut rendu le dernier soupir dans les bras de l'impératrice Élisabeth, elle rassembla ses forces pour lui fermer les yeux et lui croiser les bras sur la poitrine; après cet effort elle s'évanouit. Les deux lettres suivantes écrites par l'impératrice Élisabeth, la veille et le jour même de la mort d'Alexandre, appartiennent à l'histoire elles honorent également Alexandre et celle qui lui a survécu de si peu.

Taganrok, 18 novembre 1825.
(30 novembre.)

« Chère maman,

« Je n'ai pas été en état de vous écrire par le courrier d'hier. Rendons aujourd'hui mille et mille actions de gråces à l'Etre suprême. Décidément la santé de l'empereur, de cet ange de bonté au milieu de ses souffrances, va beaucoup mieux. A qui donc Dieu réserverait-il sa miséricorde infinie, si ce n'était pour celui-ci? Oh! mon Dieu! quels moments d'affliction j'ai passés! Et vous, chère maman, je puis me figurer votre inquiétude; vous recevez

les bulletins; vous avez donc vu à quelle extrémité nous avons été réduits hier, et surtout dans la soirée; mais Wilie (le médecin anglais) dit luimême aujourd'hui que l'état de notre cher malade est satisfaisant; mais il est très-faible. Chère maman, je vous avoue que je ne suis pas à moi, et je ne puis vous en dire davantage. Priez avec nous, avec cinquante millions d'hommes, pour que le Seigneur rende complète la guérison de notre malade bien-aimé.

a

ÉLISABETH. »

19 novembre.

« Notre ange est au ciel, et moi je languis encore sur la terre!... Qui aurait pu croire que moi infirme je lui aurais survécu?... Ne m'abandonnez pas, chère maman, car je suis absolument seule dans le monde.

« Notre cher défunt a repris son regard de bonté; son sourire me prouve qu'il est heureux, et qu'il a devant les yeux des objets meilleurs que ceux d'ici-bas. Ma seule consolation dans ce malheur irréparable, c'est l'espoir de ne pas lui survivre, j'espère être bientôt réunie à lui.

а

ÉLISABETH. » Les pressentiments de l'impératrice ne l'avaient pas trompée; elle ne tarda pas à rejoindre dans la tomhe l'objet de ses constantes affections.

Cependant Pétersbourg était plongé dans une vive anxiété; les nouvelles que les courriers apportaient de Taganrok répandaient tantôt l'espoir, tantôt la consternation. Le 8 décembre, on reçut des nouvelles plus favorables; elles étaient datées du 29 novembre, et annonçaient, comme nous l'avons vu pius haut, une amélioration sensible. Sir James Wilie, dans le bulletin du même jour, écrivait qu'au moyen de révulsifs on était parvenu à tirer Sa Majesté de l'état lethargique dans le quel elle était restée longtemps, de sorte qu'on était fondé à en espérer les résultats les plus heureux.

Dans la matinée du 9, un courrier apporta la nouvelle que l'empereur était expiré le 1er décembre, entre dix et onze heures du matin. On était à

célébrer un Te Deum d'actions de grâces, lorsque le grand-duc Nicolas, instruit le premier de la perte que l'empire venait de faire, ordonna de suspendre le service divin, et pria l'archimandrite de se transporter chez l'impératrice mère pour la préparer à cette nouvelle douloureuse.

Nous avons cru devoir entrer dans ces détails, qui ne sont pas du domaine de l'histoire, parce qu'il était important de les rapprocher de quelques versions bien différentes, et que le lecteur aurait pu adopter sans examen.

Alexandre fut généralement regretté, quoique sa mort ait été le signal d'une révolte préparée de longue main; c'était moins à l'homme que s'adressait le mécontentement d'une partie de la jeune noblesse qu'aux institutions ellesmêmes. Sa piété vive et sincère lui conciliait le clergé; sa douceur et sa philanthropie, qu'on retrouvait peintes sur ses traits, lui gagnaient l'affection de tous ceux qui l'approchaient; sa constance dans les temps difficiles, la gloire des armes qui se reflète toujours sur le chef, n'eût-il d'ailleurs aucune des qualités qui font le guerrier, tout le rendait cher à un peuple qui obéit même aux mauvais princes, et qui professe un véritable culte pour les bons.

La simplicité d'Alexandre avait heureusement réagi sur les mœurs publiques; le goût des arts et de la littérature prit sous son règne un essor remarquable; il combla d'honneurs et de bienfaits l'historien Karamzin, dont la mort interrompit les travaux en 1826. Joukovski, Pouchkin, Krylof, Dmitrief ont perfectionné la langue poétique, et un grand nombre d'écrivains distingués, quoiqu'en général imitateurs, ont contribué à répandre le goût des sciences et des études littéraires. Sous ce règne, dont les quinze premières années furent si agitées, les connaissances militaires firent de grands progrès, et l'instruction publique reçut un développement dont on a jugé prudent d'amortir l'effet. La peinture, l'architecture, l'art typographique firent aussi des pas rapides. Les embellissements de Saint-Péters

bourg mirent cette ville au premier rang des capitales de l'Europe, et l'empereur, à son retour de l'étranger, put dire sans exagération au corps des marchands assemblé à la Bourse: « J'ai visité les cités les plus célèbres de l'Europe; je suis heureux de vous dire que Pétersbourg est la plus belle ville du monde. »

Par un concours de circonstances très-remarquables, le caractère des princes qui se sont succédé sur le trône de Russie depuis Pierre Ier, a été singulièrement favorable au développement rapide de la puissance et des ressources de cet empire. La vie du réformateur est une longue lutte contre les mœurs et les préjugés nationaux; son génie suffit à peine à cette tâche: la nation, fatiguée par le travail d'une civilisation improvisée, avait besoin de repos pour se reconnaître, pour élaborer et s'assimiler des changements imposés par oukases; les règnes suivants, sous l'administration de femmes voluptueuses, ou plutôt sous celle de leurs favoris, prennent un caractère rétrograde. Catherine apparaît, mélange merveilleux de faiblesse et de grandeur, de dissimulation et de force, de patience et d'orgueil, et portant jusqu'à leurs dernières limites les vices privés et les vertus des souverains. Sous le sceptre de cette fée couronnée, la Russie fait un pas immense : la Turquie est humiliée, mais surtout la Pologne est partagée; désormais la Russie est une puissance européenne de premier ordre. Comme pour montrer de quel poids peut être l'alliance russe, un empereur qui porte la bizarrerie jusqu'à l'extravagance succède à la grande Catherine. Un caprice de cet homme lance une armée en Italie; il est vrai que cette armée est commandée par Souvorof: elle triomphe, cède enfin, et se retire; mais la réputation militaire des Russes est établie. Un autre caprice de l'autocrate le rapproche de cette république française qu'il voulait anéantir; l'Angleterre tremble à son tour, et l'assassinat de Paul la délivre à point nommé de ses craintes. Mais la vicille Europe a changé

de face; toute l'énergie de la république, se résumant dans la conquête, se disciplinant sous l'influence du génie le plus guerrier des siècles modernes, se rue sur les trônes, les renverse, se joue de leurs débris, les relève un instant pour les renverser encore, et menace tout ce qu'elle n'a pas encore eu le temps d'atteindre. A cette époque et devant ce péril, un jeune prince s'est assis sur le trône des tsars: il ne porte point au front la marque puissante du génie; ses vertus sont douces, sa modération est éclairée, mais il n'y a rien en lui de prestigieux comme homme, comme souverain, surtout comme soldat; il s'efface devant les proportions gigantesques de son rival; et cependant c'est ce même prince qui soutient la résistance impuissante de ses alliés; ses revers ne l'abattent point; même vaincu, il obtient des conditions honorables; en changeant de rôle dans la lutte, il n'en conserve pas moins la conscience de sa force; enfin il se déclare seul contre tous, attire l'ennemi dans ses déserts, brûle devant le vainqueur l'antique cité que ses sujets appellent la ville sainte, et, opposant le nombre au nombre, le courage au courage, l'espace et les éléments au génie, il ne dépose l'épée que lorsque son noble adversaire est hors de combat. Est-ce donc dans le génie des autocrates qu'il faut chercher la cause de tant de faits extraordinaires? Non sans doute; la nature n'a pas réservé ses prédilections pour les latitudes septentrionales: la prépondérance de la Russie tient à une multitude de causes, les unes morales, les autres physiques; elle tient à l'étendue de ses frontières, à la politique constante du gouvernement, à l'obéissance passive des masses; elle tient surtout, il faut le dire, à d'anciennes rivalités entre les autres nations de l'Europe, qui, désunies d'intérêts comme opposées de principes, tout en voyant le danger qui les menace, hésitent à se prêter mutuellement une assistance efficace, et se consolent de leur dépendance par le spectacle de la dépendance des gouvernements rivaux.

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