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l'ordre donné par l'officiant. Puis il leur offre du pain et du vin, mange et boit avec eux, et annonce que la cérémonie est accomplie.

Le voyageur Chardin, qui écrivait à la fin du XVIIe siècle, a donné, sur son séjour en Mingrélie, des détails curieux, mais qui offrent bien peu d'intérêt aujourd'hui, parce qu'ils se rattachent à des mœurs que le temps et le contact de la nation russe ont modifiées. La princesse de Mingrélie qui reçut Chardin était une espèce de courtisane effrontée qui rançonna notre voyageur, dont les malles furent encore pillées par les princes ou nobles du pays. Ceux-ci l'auraient peut-être même fait périr, s'ils ne l'avaient pris pour un capucin.

Les Orientaux donnent à la Mingrélie le nom d'Odichi; les Arméniens appellent les habitants de ce pays Egératsik, ou descendants d'Egros, que la tradition fait regarder comme le fondateur de la nation (*).

Quant au mot Mingrélie, le voyageur Reineggs l'a dérivé de Mingraoul, mille ruisseaux, parce que cette contrée est arrosée par des courants d'eau sans nombre. Suivant une autre opinion, il viendrait de Mégrelni, qui correspond à Egératsik, suivant les procédés spéciaux des langues arménienne et géorgienne.

L'extrême humidité de la terre, échauffée en été par l'ardeur du soleil, fait de la Mingrélie un séjour des plus malsains. Les étrangers y contractent de graves maladies, et les naturels atteignent rarement à une grande vieillesse. L'hydropisie est très commune chez eux; mais généralemert toutes leurs infirmités ne doivent pas être attribuées au climat seul, les mœurs du pays y contribuent beaucoup aussi. Les Mingréliens ne mangent, pendant la plus grande partie de l'année, que leurs énormes choux, auxquels ils ajoutent quelques poissons salés ou de la chair de porc; ils boivent une sorte de vinaigre fait

() Voy. Chronique géorgienne, traduite par M. Brosset. Paris, 1830,

avec le bouillon de ces mêmes choux. Des racines qu'ils couvrent de sel et quelques fruits sauvages complètent leur nourriture habituelle. Ils passent leur vie à cheval, ne s'arrêtent que pour dormir sur un terrain mouillé, et sont constamment, enfin, dévorés par la vermine. Ce peuple fait une grande consommation de gomi ( panicum italicum ), espèce de millet. Nous allons d'ailleurs retrouver, en parlant de l'Ibérie et de la Circassie, les autres traits caractéristiques des habitants de l'ancienne Colchide.

L'IBÉRIE, dont l'étymologie est incertaine, a formé la Géorgie proprement dite, ou le Karthli, borné au nord par la chaîne des montagnes neigeuses du Caucase, à l'ouest par la Colchide, à l'est par l'Albanie, au sud par l'Arménie, dans une limite variable et long-temps indéterminée. Tout ce pays, lors de la colonisation riveraine des Grecs, était occupés par les Mosques, dont faisaient partie les tribus des Tibarrhéniens, des Macroses, des Amardes et auires. Quelques auteurs supposent que les Grecs appelèrent ces peuples Géorgiens, du mot Georgos, laboureur; mais cette étymologie est peu soutenable, quand on considère que l'agriculture de cette contrée ne pouvait certainement pas être un objet d'admiration pour la Grèce. Il n'est pas plus raisonnable de penser que ce nom leur fut donné, après l'introduction du christianisme, en l'honneur de saint George, dont la mémoire est tellement vénérée parmi eux, que la majeure partie de leurs églises lui sont dédiées, et qu'ils n'ont pas eu moins de treize souverains du nom de George. L'étymologie la plus vraisemblable est celle qui tire le mot Géorgie de Djorzan, le plus anciennement donné à cette contrée par les auteurs arabes, ou de Gourdjistan, sous lequel elle fut connue au XIIe siècle, après l'occupation du pays par les Gourdjes.

La Géorgie fut, depuis le XIIIe siècle, subdivisée en plusieurs provinces, dont les noms, pour la plupart imposés par les conquérants venus de la Perse,

ont traversé les siècles et se retrouvent dans certaines localités auxquelles il serait impossible d'assigner des limites. Parmi ces démembrements, le Kakhéthi, le Kharthli et le Somkhéthi ont formé, à diverses époques, des royaumes indépendants. Âujourd'hui le Cara-bag, entre le Kour et l'Aras, et le Talidj, qui borde la mer Caspienne, sont les provinces les plus méridionales de l'empire russe, sur les frontières de la Perse.

Les Géorgiens appellent leur pays Karthli, et toutes leurs tribus Thargamossiani, noms qu'ils ont adoptés depuis l'introduction du christianisme pour se donner une origine biblique. Thargamos, patriarche de l'Arménie et de toute cette partie de l'Asie septentrionale, était le petit-fils de Japhet. Il eut huit fils, dont le second, nommé Kharthlos, vint s'établir sur le versant méridional du Caucase, et fut le fondateur de la nation géorgienne. Etienne Orpélian, archevêque de Siounie, qui vivait dans le XIIIe siècle, rapporte que ce fils du patriarche bâtit, au pied du mont Armaz, une forteresse à laquelle il donna le nom d'Orpeth. Cette circonstance est digne d'être notée, car elle nous servira de point de départ pour l'histoire de la race des Orpélians, véritables maires du palais des rois géorgiens.

Miskethos, l'aîné des fils de Karthlos, fonda auprès du confluent de l'Aragwi et du Kour une ville à laquelle il donna son nom, et qui servit de capitale à ses successeurs jusqu'en 470. Plusieurs d'entre eux y furent inhumés. Il faut rejeter parmi les contes persans la tradition géorgienne selon laquelle un roi des Khazars, qui avait fait une irruption en Géorgie et en Arménie, l'an du monde 2300, aurait donné à son fils Ouobos tous les prisonniers ramassés dans la contrée comprise entre le Kour et l'Araxe, et l'aurait établi roi du pays situé à l'est du Térek.

Des fragments de la chronologie des rois géorgiens se trouvent disséminés dans les historiens persans et

byzantins; Constantin Porphyrogénète dit que tous ces rois se prétendaient issus de la femme d'Urie, enlevée par David. Deguignes, Guldenstædt et Klaproth en ont donné des listes incomplètes, et qui, cependant, ne comprennent pas moins de 120 monarques; mais nous ne tenterons pas de tirer leurs noms obscurs de l'oubli qui les menace. Il importe peu de savoir que des Artak, des Datchi, des Bakour, des Mirwan, dès Louarsab, des Vaktang ont administré sans gloire un peuple incivilisé, sous la tutelle des empereurs d'Occident ou des rois de la Perse; l'attention ne doit se porter que sur quelques rares sommités qui apparaissent de loin en loin, dans le domaine de l'histoire, comme des oasis dans un désert de sable.

Les chroniques géorgiennes citent Pharnavaz où Pharnabace comme le premier qui ait pris le titre de roi de Géorgie. Il vivait environ 300 ans avant l'ere chrétienne. Mais il n'est pas question de lui, sous ce nom du moins, dans la chronologie de Deguignes. Un de ses successeurs, du nom d'Aderki, divisa ses états en deux royaumes, celui d'Armazel et celui de Misket, qu'il laissa en mourant à ses deux fils; mais à la sixième génération, le souverain d'Armazel les réunit de nouveau. Un roi, nommé Mirvan, fit bâtir la forteresse de Dariel, et élever un rempart pour servir de boulevard à la Géorgie, contre les invasions des Alains et des Khazares (*); cela n'empêcha pas les Alains

(*) Les Alains. L'antiquité confondait sous ce nom générique plusieurs nations voisines du Caucase et de la mer Caspienne. Selon Eustathe, ce mot, dans la langue des Sarmates, signifie montagnards. Ceux dont il est ici question ont été la souche des Ossètes, dont il sera parlé plus bas.

Les Khazares. D'après M. Lesur, et généralement d'après les écrivains modernes, les Khazares seraient d'origine turque. M. Klaproth a démontré victorieusement, selon nous, que c'est là une erreur, et que ce peuple est plutot d'origine finno-ouralienne. Il en est question dans Hérodote et Strabon sous le nom de Katiars; dans Procope, sous

dans le siècle suivant (100 ans avant J.-C. de traverser deux fois le Caucase du nord au sud pour se porter vers l'Arménie et la Médie.

A la fin du III° siècle de l'ère chrétienne, nous voyons un roi, Aspagour, abolir la coutume d'immoler des enfants aux idoles. Cet événement fut le présage d'un grand changement qui allait s'opérer parmi les peuples caucasiens, par l'introduction du christianisme. Dioclétien tenait les rênes de l'empire, Tiridate régnait en Arménie, et Mirian en Géorgie ( 265 à 318), lorsqu'une esclave que les chroniques arméniennes appellent Nina, mais que les martyrologes ne désignent que par les mots de sainte servante chrétienne, vint en Géorgie et y porta, avec l'exemple de toutes les vertus, la foi de Jésus-Christ. Le roi Mirian fit construire à Mtsketha une chapelle en bois où furent déposées de précieuses reliques. Mirdat, son petitfils, remplaça par une église en pierre la baraque due à la piété parcimonieuse de son aïeul. En 469, le roi Waktang-Gourgaslan abandonna sa capitale de Mtsketha pour une nouvelle ville qu'il avait fait bâtir sur l'emplacement d'un ancien village, nommé Tphilissi ou Tphiliskalaki, la ville chaude, à cause de ses sources d'eau thermale. Cette ville n'a pas cessé d'être la capitale du royaume; elle se nomme aujourd'hui Tiflis.

Le VII siècle de notre ère vit naître l'islamisme. Cette nouvelle religion ne fut pas étrangère aux maux qui vinrent assaillir pendant plusieurs siecles les nations caucasiennes. En 684, le kalife Valid envoie dans le Caucase une armée de 3000 hommes, sous le commandement de son frère Muslimeh. Celui-ci s'empare de Derbent après une bataille mémorable, où fut tué un héros, dont la mémoire est chère aux musulmans son nom est Kriklar. On voit encore son mausolée aux environs de Derbent; les Lesghis y viennent en pèlerinage. celui de Khazires; dans Moïse de Khorène, et les écrivains postérieurs à l'ère chrétienne, sous celui de Khazars ou Kozars.

De cette époque jusqu'à la fin du IXe siècle, les Arabes continuent leurs incursions dans la Géorgie, le Chirvan et le Daghestan, dont ils forcent ceux des habitants qui tombent en leur pouvoir à embrasser la religion de Mahomet. En 861, ils s'emparent de Tiflis, mais après cet exploit, leur domination commence sa période de décadence. Ils avaient cependant envoyé plusieurs colonies dans le Caucase, et, de nos jours encore, on trouve, au nord de Derbent, une peuplade arabe, dont l'origine remonte jusqu'à cette colonisation. Nous arrivons enfin, en laissant de côté une longue série de petits souverains sur les noms et l'ordre desquels les chroniqueurs et les historiens ne sont pas même d'accord, à quelques événements qui concernent la race si intéressante des Orpélians.

Les Géorgiens gémissaient depuis long-temps sous le joug des infidèles. Leurs souverains, forcés de suivre les inspirations d'un commissaire étranger, n'avaient plus qu'une ombre d'autorité, et n'osaient même prendre le titre de rois; ils se faisaient appeler patricks (patriciens), ou mamasakhlisi (pères de maison). La mauvaise administration, qui était la conséquence inévitable de cet état de choses, donnait naissance à une foule d'abus, et, par suite, à la corruption et aux désordres de toute nature. Sur ces entrefaites, une grande révolution s'opéra dans un pays de l'Orient, voisin des Tatares, et qui s'étend, dit l'archevêque de Siounie, Étienne Orpélian (*), jusqu'aux monts Imaùs. A la suite de cette révolution, une partie de la famille régnante se voua à l'émigration, et, de contrée en contrée, elle arriva au pied du Caucase. Le chef de ces nobles voyageurs était un prince de bonne mine, brave et courageux. Apprenant la triste position des Géorgiens, de plus en plus opprimés par les Persans, il leur fit offrir ses services, et se mit incon tinent en devoir de les délivrer de leurs tyrans. La fortune secondant

(*) Voyez le livre curieux et savant de M. Saint-Martin, Mémoires sur l'Arménie.

son courage, il put tenir tout ce qu'il avait promis aux peuples de la Géorgie. Ceux-ci, reconnaissants d'un pareil bienfait, décernèrent de grands honneurs à ces étrangers, et surtout à leur brave chef. Le roi lui donna, entre autres domaines, la forteresse d'Orpeth, d'où lui fut acquis, pour lui et ses descendants, le surnom d'Orpélian. Cette famille ne cessa de rendre à la Géorgie des services signalés; elle fut en possession de fournir à la couronne ses plus fermes soutiens, et au peuple ses plus braves défenseurs. Convertis à la foi chrétienne, les Orpélians la servirent toujours avec zele contre les entreprises des infidèles, et acquirent tant de gloire, qu'il n'eût tenu qu'à eux de remplacer sur le trône les fantômes de rois qui s'y succédaient obscurément sous leur protection. Le chef des Orpélians était de droit sbalasar, ou généralissime des armées géorgiennes; il avait en propre, outre la forteresse d'Orpeth et autres apanages, douze étendards, sous chacun desquels se rangeaient mille combattants. Dans les solennités publiques, il marchait devant le roi, portant une baguette surmontée d'une tête de lion. Son drapeau était rouge, pour le distinguer de celui du souverain, qui était blanc. A la table royale, il avait seul le privilége de manger couché sur un lit, et d'être servi avec des plats d'argent; enfin, c'était lui qui couronnait le roi. On conçoit que tant d'honneurs aient pu exciter l'envie de la noblesse géorgienne et du souverain lui-même : il n'y aura plus lieu d'en douter après les événements que nous allons raconter.

En l'année 1049 de notre ère, sous le règne d'un roi nommé David, les Turcs Seldjoukides firent une irruption dans l'Asie-Mineure et les provinces caucasiennes. Le roi David eut peur et se sauva dans les montagnes; mais le sbalasar, Libarid Orpélian, s'avança bravement à la rencontre des infidèles, suivi seulement d'une poignée de guerriers auxquels se joignirent quelques corps arméniens et grecs.

Il présenta la bataille à un ennemi dont l'armée était vingt fois plus nombreuse que la sienne, se comporta vaillamment et fixa la victoire sous ses drapeaux. Cet événement lui acquit tant de gloire, que les nobles géorgiens en concurent une violente jalousie. Ces ingrats ne rougirent pas de se liguer contre leur chef, qu'ils assassinerent traîtreusement. Ce forfait n'attendit pas long-temps son châtiment : l'armée des Turcs s'était débandée, mais elle n'était pas détruite, et quand elle revint à la charge, les chrétiens, privés d'Orpélian, n'oserent lui tenir tête; ils furent, pour la plupart, taillés en pièces, et la Géorgie tomba au pouvoir des Seldjoukides. Tiflis ne fut pas plus épargnée que les autres villes, et les vainqueurs y mirent une garnison, pendant que les débris de l'armée vaincue allaient chercher un refuge dans les hautes montagnes.

Cependant Libarid avait laissé un fils, Ivané Ir. Cet héritier de la gioire paternelle fut rappelé par le roi Davidle-Fort, deuxième du nom, et rentra non-seulement en possession de son patrimoine, mais reçut encore le don de la forteresse de Lorhi. L'an 1160, David III, qui avait régné avec sagesse et modération, mourut et laissa un fils en bas âge nommé Temna. La veille de sa mort, il avait appelé auprès de lui le connétable Ivané Orpélian III, petit-fils du précédent, et, en présence de toute sa cour, lui avait tenu le langage suivant : « Quand je « ne serai plus, mon frère George a gouvernera l'état au nom de son « neveu, comme un bon et loyal ré« gent ayant la crainte du Seigneur. Quant à vous, Orpélian, je vous « laisse la tutelle de mon fils; veillez « sur ses jours et son éducation, je « le confie à votre loyauté: quand il «< aura atteint l'âge de majorité, vous « le ferez reconnaître pour mon légi<< time successeur. » Cela dit, il avait mis l'enfant entre les bras du sbalasar; et celui-ci avait juré, sur son épée, de remplir fidèlement les intentions du monarque expirant. Il tint parole; et le jeune Temna apprit, sous

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ses ordres, comment il anait gouverner un peuple guerrier dans un temps de troubles et de discordes. A l'époque de la majorité du prince, les grands du royaume, mécontents de l'administration de George, vinrent trouver Orpélian, le pressant de faire reconnaître le véritable roi. Ivané se rendit à leurs désirs; mais comme il arriva que le régent ne voulut pas rendre la couronne, il fallut recourir aux armes. George se retira à Tiflis, où Ivané vint l'assiéger; malheureusement ce général, espérant que la réflexion ramènerait l'usurpateur à de meilleures dispositions, laissa traîner le siége en longueur. Son adversaire profita si bien de ce délai, qu'en peu de temps Ivané se vit abandonné par la majeure partie des seigneurs, que les promesses fallacieuses du premier attiraient auprès de lui.Obligé alors de fuir à son tour, il se retira, avec son pupille, dans la forteresse de Lorhi, et envoya son frère Libarid et ses deux fils demander du secours aux Atabeks de Perse et d'Arménie. Le régent ne tarda pas à venir mettre le siége devant Lorhi, qu'il réduisit à la dernière extrémité. La présence seule du jeune roi donnait encore quelque force au parti de ses défenseurs, lorsque ce prince, saisi d'une terreur panique déserta lui-même sa propre cause; et s'étant laissé couler au pied des remparts, vint se jeter aux genoux de son oncle, implorant sa pitié, et ne demandant que la vie. Le vainqueur, que nous pouvons appeler maintenant George III, la lui accorda, dans l'effusion de sa surprise et de sa joie; mais mieux eût valu mille fois la lui ôter! Le monstre fit crever les yeux à ce faible enfant, et le réduisit à cet état abject où l'homme ne peut plus espérer les douceurs de la paternité. La guerre désormais devenait sans objet. Orpélian consentit donc à se rendre, sous la condition qu'il ne lui serait fait aucun mal. George en avait donné sa parole; et cependant, quand il eut en son pouvoir celui qui avait voulu l'empêcher de régner, il ne craignit plus de se parjurer: il traita

en tout son prisonnier comme il avait traité son neveu, lui laissant la vie par dérision. Non content de cela, il attira auprès de lui les parents d'Ivané et les fit tous massacrer, sans égard pour les enfants, les vieillards ni les femmes. Enfin, voulant anéantir, s'il était possible, jusqu'au souvenir de la race des Orpélians, il fit effacer leurs noms de toutes les inscriptions des églises, ainsi que des livres historiques.

Sur ces entrefaites, Libarid, frère du malheureux Ivané, ignorant cette catastrophe, arrivait avec une armée de 60,000 hommes. Mais quand il eut appris ce qui s'était passé : « Les chré

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tiens, dit-il, n'ont pas fait cela, « pourquoi irais-je les punir d'un crime qu'ils n'ont pas commis?» Il se retira donc, et congédia son armée. Ses deux neveux le suivirent dans l'exil, et se réfugièrent, l'un chez l'Atabek Ildigouz, l'autre auprès de l'émir de Kondsag. Ce ne fut que long-temps après, sous le règne de Thamar, fille et héritière de George III, que l'un d'eux, du nom de Libarid, consentit à rentrer en Géorgie, où on lui restitua la forteresse d'Orpeth. Il fut la source des nouveaux Orpélians.

Le règne de Thamar forme la période la plus glorieuse de l'histoire géorgienne. Cette princesse, que ses peuples reconnaissants appelèrent Mep'hé, nom qui ne convient qu'aux souverains de l'autre sexe, eût acquis une célébrité historique sur un champ plus vaste; elle eût été Sémiramis à Babylone, Élisabeth à Londres, Catherine à St-Pétersbourg. Elle rappela à son service, ainsi que nous venons de le dire, les illustres rejetons de la race des Orpélians, chassa les Persans qui avaient envahi ses états, conquit tout le pays situé entre le Kour et l'Araxe, rendit tributaires plusieurs princes voisins, et étendit sa domination de la mer Caspienne à la mer Noire. Son fils, George IV, surnommé le Lippu (Lascha), secondé par Ivané Orpélian, entreprit plusieurs guerres heureuses contre les tribus situées hors de la limite méridionale de la

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