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que du mépris pour les Turcs, de la haine pour les Russes, de la pitié pour ses compatriotes, trop éclairé pour ne pas voir sa véritable position, assez sage pour en connaître les remèdes, mais inhabile à les appliquer, se résigna aux décrets de la Providence. Trois fois il prosterna son front dans la poussière, trois fois il se meurtrit le sein; puis ayant ainsi payé à l'humanité le tribut qu'elle réclamait, il prit noblement son parti et abdiqua franchement et sans restriction pour lui et sa postérité.

LA CRIMÉE DEPUIS SA RÉUNION A L'EMPIRE russe. La population de la presqu'île se compose, ainsi que nous l'avons dit, d'éléments hétérogènes; mais la nation des prétendus Tatares prend seule ici une physionomie locale.

La religion des Tatares est un mahométisme mêlé de pratiques superstitieuses et souvent même d'idolatrie. Il y a parmi eux des nobles et des serfs. Ces derniers n'ont à donner à leur maître que deux jours de la semaine; les montagnards sont traités, pour la plupart, comme les paysans de la couronne. Ils placent de préf rence leurs cabanes dans la partie 'a plus sombre et la plus touffue des bois; c'est là qu'ils aiment à accueillir un étranger et à lui prodiguer les soins de l'hospitalité, avec une franchise et une cordialité que l'on chercherait vainement chez les Grecs du même pays. Dans les maisons des riches on présente au nouveau venu une longue pipe à tube de cerisier, terminée par un morceau d'ambre ou d'ivoire; puis, on lui offre le miel, si exquis dans toute la Crimée, les fruits de la saison et le lait caillé.

Les Tatares mangent avec leurs doigts; mais ils n'omettent jamais de se laver les mains avant et après le repas. Les murs de leurs sailes à manger sont garnis de serviettes d'une grande propreté, ornées même de dentelles. Les femmes ont un appartement, et quelquefois une maison à part. L'ameublement de ces demeures est d'une grande simplicité : un sopha

pour les dieux pénates, un tapis ou des nattes pour les maîtres de la maison, une petite table à peine élevée d'un pied et quelques vases en bois. L'habillement de ce peuple offre un mélange du costume des Arméniens et de celui des Turcs (voy. pl. 8).

C'est assez généralement auprès de Baghtchi-Séraï qu'on rencontre des troupes de Bohémiens, malheureux cosmopolites qui, aux extrémités de l'Asie, comme à celles de l'Europe, ne vivent que du tribut précaire que leur paie la crédulité du peuple.

Les Grecs et les Tatares avaient bâti ou agrandi plusieurs villes, mais les Russes recommencèrent l'œuvre de destruction des Huns et des Mongols. Ils achevèrent de renverser les ruines de Cherson pour y chercher les matériaux nécessaires à la construction de Sébastopol, qu'ils élevèrent auprès d'un ancien village tatare, nomme Aktiar, dans la péninsule héracléotique.

Sébastopol est une petite ville bâtie en amphithéâtre, sur la déclivité d'une colline. Ses murs de pierres et de briques, entremêlés de tronçons de colonnes, de chapiteaux et d'inscriptions lapidaires, nobles débris de l'antique Cherson, se réfléchissent dans les eaux d'une baie que l'on considère à juste titre comme l'une des plus belles du monde; c'est la station ordinaire de la flotte impériale de la mer Noire. Douze ou quinze vaisseaux de ligne et un nombre proportionné de bâtiments légers assurent à la Russie la domination du Pont-Euxin (voy. pl. 2).

Il existe à Sébastopol des chantiers de radoub, mais il n'y en a aucun pour la construction; l'entrée du port est interdite aux navires du commerce. La population étrangère à la marine n'excède pas 2000 habitants; ce sont pour la plupart des Grecs marchands. Leurs femmes sont d'une beauté remarquable.

La baie de Sébastopol est infestée par des myriades de vers de mer phosphorescents (teredo navalis ou calamitas navium de Linné), qui s'at~

En traversant la steppe depuis AkMetched jusqu'à Pérécop, on ne voit que quelques relais de poste tatares, et un bazar, situé à trois verstes seulement de cette dernière place, fréquenté par des Grecs, des Arméniens, des Juifs et des Russes. Pérécop, la clef de la presqu'île, n'est pour ainsi dire qu'une grande route bordée de maisons; mais à une certaine époque de l'année, c'est un lieu plein de vie et d'intérêt par le passage continuel des caravanes de chameaux, des troupeaux de moutons, des chevaux, des chariots de poste et des patrouilles de la douane (voy. pl. 7).

Il nous reste à mentionner quelques villes de l'ancien Bospore cimmérien. Caffa, bâtie par les Génois sur l'emplacement, ou du moins dans le voisinage de l'ancienne Théodosie, possède un musée, une bibliothèque publique et un jardin botanique. Son port jouit de la franchise comme celui de Koslow.

Kertch, l'ancienne Panticapée (pl. 5), n'est remarquable que par son musée, riche dépôt des antiquités grecques trouvées dans la Tauride. C'est aux environs de cette ville qu'on voit l'Altyn-abo, grande élévation que le

vulgaire croit être le tombe Mithra-dates. Jenikalé est une resse qui commande le détroit donne son nom.

Les Tumuli, les ruines de cium et celles de Nymphæum venir de vingt villes grecques tiques disparues à jamais, le ment de Satyrus, les vases an les bijoux et les médailles trouve disséminés sur le sol, tout un grand intérêt historique partie de la Crimée. La supers populaire ne pouvait manquer de parer d'un sujet si fertile en fantastiques. Chaque soir, légende locale, une vierge ép une blanche sylphide, vient s'as sur l'Altyn-abo, et là elle pouss longs gémissements que le vent nuit emporte à travers la bruyen

Cette heureuse crédulité, qui pe les déserts, qui anime les runes couvre la froide vérité du manteau la poésie, est préférable peut-être science qui ne trouve ici que des venirs confus, ailleurs que des oss? ments blanchis ou des pierres brisée plus loin qu'une vaine poussière partout qu'un silence de mort qui presse le cœur et glace l'imagination

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Pjanthe Freegudama

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En traversant la steppe depuis AkMetched jusqu'à Pérécop, on ne voit que quelques relais de poste tatares, et un bazar, situé à trois verstes seulement de cette dernière place, fréquenté par des Grecs, des Arméniens, des Juifs et des Russes. Pérécop, la clef de la presqu'île, n'est pour ainsi dire qu'une grande route bordée de maisons; mais à une certaine époque de l'année, c'est un lieu plein de vie et d'intérêt par le passage continuel des caravanes de chameaux, des troupeaux de moutons, des chevaux, des chariots de poste et des patrouilles de la douane (voy. pl. 7).

Il nous reste à mentionner quelques villes de l'ancien Bospore cimmérien. Caffa, bâtie par les Génois sur l'emplacement, ou du moins dans le voisinage de l'ancienne Théodosie, possède un musée, une bibliothèque publique et un jardin botanique. Son port jouit de la franchise comme celui de Koslow.

Kertch, l'ancienne Panticapée (pl. 5), n'est remarquable que par son musée, riche dépôt des antiquités grecques trouvées dans la Tauride. C'est aux environs de cette ville qu'on voit l'Altyn-abo, grande élévation que le

vulgaire croit être le tombeau de Mithra-dates. Jenikalé est une forteresse qui commande le détroit et lui donne son nom.

Les Tumuli, les ruines de Myrmæcium et celles de Nymphæum, le souvenir de vingt villes grecques ou pontiques disparues à jamais, le monument de Satyrus, les vases antiques, les bijoux et les médailles que l'on trouve disséminés sur le sol, tout donne un grand intérêt historique à cette partie de la Crimée. La superstition populaire ne pouvait manquer de s'emparer d'un sujet si fertile en contes fantastiques. Chaque soir, dit une légende locale, une vierge éplorée, une blanche sylphide, vient s'asseoir sur l'Altyn-abo, et là elle pousse de longs gémissements que le vent de la nuit emporte à travers la bruyère.

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Cette heureuse crédulité, qui peuple les déserts, qui anime les ruines et couvre la froide vérité du manteau de la poésie, est préférable peut-être à la science qui ne trouve ici que des souvenirs confus, ailleurs que des ossements blanchis ou des pierres brisées, plus loin qu'une vaine poussière, et partout qu'un silence de mort qui oppresse le cœur et glace l'imagination.

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