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>> peuples procède de leur mauvais gouverne>> ment, mais de ce qu'ils ne les ont pas tenus >> d'assez court (1). »

Ainsi, tous les intérêts se réunissent pour repousser les envahissemens et les changemens de domination, et il faut espérer que nous n'en verrons plus.

(1) Histoire de France, tome III, page 1142; édition de 1651.

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DE L'ESPRIT D'ASSOCIATION

DANS TOUS LES INTÉRÊTS DE LA COMMUNAUTÉ,

OU

Essai sur le complément du bien-être, et de la richesse en France par le complément des institutions;

Par M. Alexandre DE LABORDE,

MEMBRE DE L'INSTITUT, etc.

[ Volume in-8°. de 584 pages.]

TAYLOR

FUTION

UNIVERSITY

-63211961

OF OXICRO

LIBRARY

En général, ce n'est pas pour être entendu que l'on parle ou que l'on écrit; c'est pour briller, pour discourir, pour occuper les autres de soi. Ce n'est pas non plus pour entendre ou pour s'instruire qu'on lit ou qu'on écoute; c'est pour employer son temps à quelque chose, et pour avoir l'air d'être au courant de ce qui se dit ou de ce qui se fait. Ceux qui parlent ou qui écrivent emploient donc souvent des termes pris au hasard, et qui n'expriment qu'à peu près ce qu'ils veulent dire. Ceux qui lisent ou qui écoutent ne s'en plaignent pas; car, lorsqu'ils entendent à peu près ce qu'on veut leur

dire, ils n'en demandent pas davantage. L'essentiel, de part et d'autre, est de paraître avoir été compris, ou de sembler avoir entendu.

C'est surtout en politique ou en morale qu'on se contente des à peu près. Quel est l'écrivain qui, en parlant de ces troupeaux d'hommes qu'on appelle des Russes, des Prussiens, des Anglais, des Français ou des Turcs, n'emploie à l'égard des uns et des autres les mots de société, de corps social, d'administration, de gouvernement? Quel est celui qui ne parle pas à tous les instans des membres de la société ou des associés, des gouvernans et des gouvernés, des administrateurs et des administrés ? Cependant, s'il fallait expliquer ces termes, il ne s'en trouverait peut-être pas un seul qui fût propre aux choses ou aux personnes auxquelles on en fait l'application.

Dans un essaim d'abeilles, ou dans une troupe de castors, on conçoit une espèce de société, car on y aperçoit des animaux ayant une volonté commune, travaillant ensemble et dans un intérêt commun. Mais peut-on apercevoir une apparence de société dans des animaux qu'un maître réunit ou sépare à volonté pour les exploiter dans le sens le plus favorable à ses intérêts? Peut-on dire qu'entre des animaux

ainsi réunis il y a une volonté, un travail, un intérêt communs? Ce que nous disons des bêtes, nous pouvons le dire des hommes: partout où ils sont réunis et où ils mettent volontairement quelque chose en commun pour en retirer un avantage qui le soit également, il y a société ; partout où ils se trouvent réunis et contraints de rester ensemble indépendamment de leur volonté, et où ils sont tenus de payer des impôts ou des tributs sans avoir été consultés, ou même malgré eux, et souvent pour des choses contraires à leurs intérêts, il n'y a pas plus de société que dans un troupeau de moutons qu'un propriétaire fait paître et tondre selon son bon plaisir.

Pour que des hommes puissent se dire en société, il ne suffit pas qu'ils végètent sur le même sol, ou qu'ils servent le même maître. La communauté de soumission ne forme point la société : jamais on n'a prétendu que les esclaves d'un même maître fussent des associés, et l'on trouverait ridicule de donner cette qualité à des soldats, par la seule raison qu'ils seraient soumis au même général. Pour qu'ils fussent en société, il faudrait qu'ils se fussent réunis pour faire la guerre en commun, et pour partager entre eux les produits du pil

lage. Les conditions essentielles à l'existence de toute société sont une mise commune pour en retirer un avantage commun; cette mise et cet avantage doivent être volontaires sans quoi il n'y aurait pas de société.

Mais quelle est, dans la société politique, la mise de chacun des associés? Quel est l'avantage commun qu'ils se proposent? Suivant Rousseau, chacun met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale, et tous reçoivent chaque membre comme partie indivisible du tout. Pour être conséquent dans ce système, il faudrait admettre que les richesses produites par les efforts de tout individu qui a mis sa personne et sa puissance en commun, doivent être apportées dans une masse commune et partagées entre tous les associés. Mais ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Dans tous les pays, chacun veut rester, autant qu'il peut, maître de sa personne et de toute sa puissance; et, si les individus qui manquent de pain ou d'habits, prétendaient que ceux de leurs associés qui en ont, doivent les partager avec eux, puisqu'ils ont tous mis leurs personnes et leur puissance en commun, ils seraient fort mal reçus.

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