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TITRE IV.

DES CONSEILS DE GUERRE DANS UNE VILLE, OU PLACE assiégée ou investie (').

ART. 282. Dès qu'une ville ou une place est effec

(1) L'état de siége est réglé par l'arrêté du 11 janvier 1815, contenant instruction pour les commandants et majors de place, et dans lequel on remarque les dispositions suivantes :

ART. 50. La déclaration de la mise en état de siége d'une place appartient au Roi: néanmoins, dans des cas particuliers où un danger imminent défendrait toute perte de temps, ou que les communications seraient interceptées, le général en chef, les généraux commandant les grands commandements militaires, les commandants provinciaux et les commandants de place pourront déclarer les places fortes en état de siége, sous leur responsabilité personnelle.

» ART. 52. Lorsque l'ordre de mise en état de siége d'une place forte aura une fois été expédié, les mesures nécessaires devront être employées, exécutées et poursuivies avec vigueur, et ne devront pas être suspendues, avant que l'investissement n'ait totalement cessé; et si la place est assiégée, ces mesures ne cesseront qu'après que les ouvrages de l'ennemi auront été détruits, et que les brèches ouvertes auront été fermées, ou rétablies en bon état de défense.

» ART. 53. Le gouverneur ou le commandant sera alors revêtu du commandement en chef sur les autorités civiles et militaires.

» Il réglera tout, sans avoir égard à autre chose qu'à ses instructions secrètes et aux opérations de l'ennemi. »

La haute cour militaire, par un arrêt que nous rappor

tivement assiégée ou investie, ou qu'elle est mise en état de siége, le général ou l'officier-commandant nommera immédiatement un conseil de guerre temporaire, formé de sept membres de la garnison, et présidé, autant qu'il se pourra, par un officier supérieur.

ART. 283. Il nommera en même temps quelqu'un pour y fonctionner comme auditeur militaire; et autant qu'il se pourra, il emploiera à cet effet un jurisconsulte, ou un avocat, ou si cela ne se peut, telle autre personne qui y sera le plus propre.

ART. 284. Le commandant donnera, s'il est possible, incessamment connaissance de cette nomination au Souverain et à la haute cour militaire.

ART. 285. Le susdit conseil se comportera en tout, autant qu'il est possible, d'après ce qui a été déterminé par la présente loi au sujet des conseils de guerre ordinaires, dans les arrondissements ou les districts, pour autant qu'il n'a pas été stipulé autrement à cet égard par le présent titre.

ART. 286. Les membres de ce conseil de guerre, et l'auditeur militaire, au cas qu'il soit militaire luimême, ne seront aucunement dispensés du service militaire durant leur nomination.

ART 287. Les officiers-commissaires, qui tien

tons à la fin de la note suivante, page 356, a décidé que ces dispositions sont encore aujourd'hui en vigueur.

dront les interrogatoires des accusés, et par-devant lesquels les autres informations seront prises, seront nommés de nouveau par le président du conseil, pour chaque nouvelle cause qui pourra survenir.

ART. 288. Ils observeront, comme tels, dans les informations tout ce qui est prescrit, pour les officierscommissaires, au second chapitre du second titre.

ART 289. Tout ce qui se fait par les officiers-commissaires mentionnés dans le susdit titre, de concert avec l'officier-commandant, se fera ici immédiatement dans l'assemblée même, par les commissaires, de concert avec les autres membres du conseil de guerre, du moins pour autant que la chose sera nécessaire.

ART. 290. Les conseils de guerre mentionnés dans le présent titre exercent la justice criminelle sur tous les militaires, ou autres personnes attachées au service militaire, soumises par la loi à leur tribunal, ou à y soumettre par une loi spéciale, à l'exception de ceux qui ressortissent en première instance à la juridiction de la haute cour militaire (').

(') La disposition de cet article doit être rapprochée de celles du titre 1er du code pénal militaire, particulièrement de l'art. 7 dudit code, ainsi que des dispositions suivantes du décret du 24 décembre 1811:

« ART. 101. Dans les places en état de siége, l'autorité dont les magistrats étaient revêtus, pour le maintien de l'ordre et de la police, passe tout entière au commandant

ART. 291. Les conseils de guerre susmentionnés ne pourront prononcer de jugement définitif, qu'en présence de cinq membres au moins.

d'armes, qui l'exerce ou en délégue telle partie qu'il juge convenable.

» ART. 102. Le gouverneur ou commandant exerce cette autorité ou la fait exercer en son nom et sous sa surveillance, dans les limites que le décret détermine; et, si la place est bloquée, dans le rayon de l'investissement.

» ART. 103. Pour tous les délits dont le gouverneur ou le commandant n'a pas jugé à propos de laisser la connaissance aux tribunaux ordinaires, les fonctions d'officier de police judiciaire seront remplies par un prévôt militaire, choisi, autant que possible, parmi les officiers de la gendar merie; et les tribunaux ordinaires seront remplacés par les tribunaux militaires. »

Ces dispositions, auxquelles se rapporte l'arrêté du 11 janvier 1813, cité dans la note précédente, sont-elles encore en vigueur, et les tribunaux militaires peuvent-ils aujourd'hui remplacer les tribunaux ordinaires, dans une ville mise en état de siége? Cette question a été résolue négativement en France, par un arrêt célèbre de la cour de cassation, rendu le 30 juin 1832, à l'occasion de la mise en état de siége de la ville de Paris. Mais les termes de la charte, sur lesquels cet arrêt est fondé, ne sont pas identiquement les mêmes que ceux de notre Constitution. L'art. 53 de la charte est ainsi conçu : « Nul ne pourra être distrait de ses juges naturels. »

L'art. 8 de notre Constitution porte: « Nul ne pourra être distrait contre son gré, du juge que la loi lui assigne. » Or, la loi assigne une juridiction militaire à ceux qui, dans certaines circonstances prévues, se rendent coupables de délits

ART. 292. Avant que les jugements de ces conseils de guerre temporaires puissent être exécutés, ils

contre l'arinée. Ce n'est donc pas violer l'art. 8 de la Constitution de les traduire devant un conseil de guerre, à raison de l'espèce de délits que les lois militaires prévoient.

que

L'art. 94 de notre Constitution ne peut pas non plus être assimilé à l'art. 54 de la charte française. Cet art. 54, qui suit immédiatement la disposition que nous venons de citer, est ainsi conçu: «Il ne pourra en conséquence être créé de commissions et tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce puisse être. » L'art. 94 de notre Constitution porte : « Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu d'une loi. Il ne peut être créé de commissions ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit. »

L'art. 54 de la charte française est la conséquence de l'art. 53, suivant lequel nul ne peut être distrait de ses juges naturels. L'art 94 de notre Constitution est la conséquence de l'art. 8 précité, portant que nul ne peut être distrait du juge que la loi lui assigne, et la dernière disposition de cet art. 94 n'est elle-même que le corollaire de la disposition qui précède dans le même article. C'est donc la loi qui chez nous fait obstacle à la création des tribunaux extraordinaires, tandis qu'en France c'est la nature. Il s'en suit qu'on ne peut considérer comme extraordinaires des tribunaux créés en vertu d'une loi que la Constitution n'a pas abrogée. Tels sont tous les conseils de guerre, provinciaux, en campagne et temporaires : l'art. 105 de la Constitution reconnait formellement leur existence légale.

Ce serait vainement qu'on opposerait l'art. 98 de la Constitution, portant que le jury est établi en toutes matières

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