Page images
PDF
EPUB

ART. 18. Lorsqu'un militaire aura commis plus d'un délit, soit civil soit militaire, on ne pourra lui infliger que la peine statuée par la loi pour le plus grave des délits par lui commis (').

naires, à tous les cas non prévus par les lois militaires. Les juges appliqueront alors, en leur âme et conscience, et d'après toutes les circonstances du fait, une des peines du code pénal, civil ou militaire, qui paraîtra proportionnée au délit. »

On conteste aujourd'hui, en France, l'applicabilité de cette disposition; mais ce n'est qu'en invoquant des dispositions, ou antérieures à la promulgation de notre code pénal militaire, ou étrangères à la Belgique.

(') On lit à l'art. 365 du code d'instruction criminelle : "En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte sera seule prononcée.

[ocr errors]

Il y a entre cette disposition et celle de notre art. 18 une différence qui paraît essentielle. Dans l'une il s'agit de la gravité du délit ; dans l'autre, de la gravité de la peine. On peut tenir compte de cette différence, lorsqu'un individu est accusé de deux faits qui entraînent des peines analogues, telles, par exemple, que la réclusion et la brouette, l'emprisonnement et la détention. Dans ce cas, les lois militaires étant plus sévères que les lois communes, c'est ordinairement le délit de l'ordre commun qui est le plus grave. Ainsi, le vol simple est plus grave que la vente d'effets, et même, pensons-nous, que la première désertion en temps de paix. Quant aux faits punis de la réclusion et aux faits punis de la brouette, il n'y a nulle difficulté : car il existe une différence de gravité entre les peines mêmes.

En effet, bien que, suivant la jurisprudence de la haute

cour militaire, la peine de la brouette doive être considérée comme afflictive et infamante, tout le monde comprend que les délits militaires étant des délits tout particuliers et qui ne ressemblent en rien aux délits communs, les peines de ces délits sont également d'une nature spéciale; que leur caractère est tout différent de celui des peines qualifiées afflictives et infamantes par le code pénal commun. L'art. 5 de ce code porte d'ailleurs expressément que ses dispositions ne s'appliquent pas aux contraventions et crimes commis par des militaires. Or, la qualification de peines afflictives et infamantes n'est fondée que sur la distinction établie dans l'art. 6 du code pénal commun entre les matières criminelle et correctionnelle, distinction qui n'existe pas dans le code pénal militaire. On ne pourrait donc assimiler les peines militaires aux peines du droit commun, qu'en appliquant aux délits prévus par le code pénal militaire une disposition du code pénal commun, contrairement au texte formel de l'art. 5 de ce code. Cette assimilation a été reconnue impossible, par un arrêt de la cour de cassation de Belgique, du 20 décembre 1830, et par un arrêt de la cour de cassation de France, du 23 janvier 1835; ce dernier, rendu sur le pourvoi du procureurgénéral, dans l'intérêt de la loi.

Cependant la haute cour militaire a décidé, par arrêt du 25 avril 1834, cité en note de l'art. 30 ci-après, que la brouette, aussi bien que la réclusion, est une peine afflictive et infamante. En adoptant cette hypothèse, il serait difficile de déterminer laquelle des deux peines, la brouette ou la réclusion, est la plus grave. Il faudrait alors recourir au principe de notre art. 18, et s'attacher à la gravité du délit.

C'est ce que la haute cour a fait dans une espèce où il s'agissait de désertion accompagnée de larcin et de faux en

écriture privée, deux crimes entraînant, l'un la peine de la brouette, l'autre la peine de la réclusion. Elle a, par arrêt du 4 février 1842, décidé que le faux était le plus grave des faits imputés. Voici les motifs de cet arrêt :

« Attendu que le conseil de guerre de la province du Hainaut, en déclarant que le nommé C......, coupable de plusieurs délits, aurait dû lui infliger la peine statuée par la loi pour le plus grave des délits par lui commis;

» Attendu que, dans l'espèce, le plus grave des délits imputés à l'accusé est le faux en écriture privée, crime prévu par l'art. 150 du code pénal commun, et puni de la peine de la réclusion, qui, dans l'espèce, devant être accompagnée de l'exposition publique et de la marque, est une peine plus forte que celle de la brouette. »

Il est à remarquer que cet arrêt ne fait pas absolument abstraction du degré de gravité de chacune des peines en concurrence: il tient particulièrement compte des effets de la peine de la réclusion et lui attribue, par cela même, un plus haut degré de gravité qu'à la peine de la brouette. En se plaçant à ce point de vue, on peut aussi considérer les délits de l'ordre commun, qui sont punis de peines correctionnelles, comme plus graves que les délits militaires punis de détention: car aux termes de l'art. 42 du code pénal civil, les tribunaux jugeant correctionnellement peuvent, dans certains cas, interdire en tout ou en partie l'exercice des droits civiques, civils et de famille.

Du reste, la distinction que nous avons fait remarquer entre les expressions de l'art. 365 du code d'instruction criminelle et celles de notre art. 2, n'est fondée que sur la lettre de ces deux lois. Peut-être le législateur militaire n'a-t-il pas eu d'autre pensée que le législateur du code d'instruction. Ce qui semble autoriser cette supposition, c'est que plusieurs

TITRE II.

DES PEINES.

ART. 19. Les peines qui peuvent être infligées à des personnes appartenant à l'armée de terre, ou à d'autres soumises à la juridiction militaire, et outre lesquelles il n'est pas permis aux juges d'en introduire d'autres, seront premièrement les peines statuées ou à statuer par le code pénal de ce pays, ou par d'autres lois actuellement en vigueur, sauf

auteurs confondent l'une et l'autre expression. Rauter, entre autres, au no 286, dit : « Celui qui est à la fois convaincu de plusieurs délits ne doit être puni que de la peine portée par la loi contre le plus grave de ces délits, c'est-à-dire de la peine la plus grave, etc. »

En effet, c'est une règle générale, que les peines sont proportionnées à la gravité des offenses; ainsi l'offense la plus grave emporte l'idée d'une peine plus forte. Il est à remarquer, au surplus, que si l'on n'attribuait pas le même sens aux expressions, quoique différentes, des deux codes, il s'ensuivrait que, dans la concurrence de deux délits prévus et punis par le code commun, il faudrait, aux termes de l'art. 18, rechercher quel est le plus grave de ces deux délits car cet article ne parle pas seulement de la concurrence d'un délit civil et d'un délit militaire, mais de deux délits civils. Or, ce serait transporter à des matières réglées par le code pénal commun l'application du code pénal militaire ce qui présenterait une sorte d'anomalic.

les dispositions et restrictions ci-après mentionnées (').

(1) Pour comprendre cette disposition et quelques autres de ce titre, il faut savoir qu'en Hollande, où le code pénal militaire fut composé, un système nouveau de pénalités avait été introduit par décret du 11 décembre 1813. Toutes les peines afflictives et infamantes du code français avaient été remplacées par d'autres peines ou modifiées dans leur mode d'exécution. Ainsi, la mort pouvait s'appliquer de deux manières par la corde et par le glaive. Venait ensuite, dans l'ordre des pénalités, la flagellation avec la corde au cou et attachée à une potence (openbare gecselink); puis l'action de passer le glaive par-dessus la tête (het zwaayen met het zwaard over het hoofd); l'exposition sur un échafaud (te pronkstelling op het schavot). La peine de la corde était plus infamante que la peine du glaive; les peines des travaux forcés, soit perpétuels, soit temporaires, avaient été supprimées; le carcan avait été remplacé par trois peines, laissées au choix des juges : la flagellation, l'exposition et la déclaration d'infamie (eerloos verklaring). La déclaration d'infamie avait les mêmes effets que ceux attribués par la loi française à la dégradation civique. Une détention pendant plusieurs années était attachée à chacune de ces peines, sous le nom de confinement, et en était l'accessoire.

Cette circonstance explique comment il se fait que, dans l'article suivant, il soit parlé des peines de la corde et autres peines flétrissantes. Toutefois, ces pénalités n'ont jamais été en usage dans les provinces méridionales du royaume des Pays-Bas, et l'on y a toujours appliqué le code pénal de 1810 aux crimes et délits prévus par ce code.

« PreviousContinue »