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TITRE III.

DE LA TRAHISON.

ART. 55. Tout militaire, sans distinction de grade, qui aura livré par trahison une ville, une forteresse, une place forte, une autre place ou poste à l'ennemi, sera puni par la corde (').

« Attendu, en droit, que quand bien même des circonstances atténuantes eussent existé, les art. 53 et 54 du code pénal militaire n'auraient pu être appliqués, puisqu'il s'agit de délits punissables d'après le code pénal commun. »

Les juges militaires peuvent-ils déclarer arbitrairement l'existence de circonstances atténuantes?

Cette question a été résolue négativement par arrêt de la haute cour militaire, rendu le 5 juillet 1831, et motivé comme suit:

<< Attendu que la détention antérieure au jugement ne peut être envisagée comme circonstance atténuante d'un crime ou d'un délit, ni comme un motif légitime d'excuse, puisqu'elle n'a rien de commun avec la gravité du crime ou délit; que les circonstances atténuantes doivent résulter du caractère et de la nature même du délit ; qu'elles doivent être intrinsèques et non extrinsèques au fait imputé, etc. »

(') T. H.: « Elk militair, zonder onderscheid van rang, welke eenige stad, sterkte, vesting, plaats of post aan » den vyand by verraad overgeeft, zal met den strop » gestraft worden. »

La condition essentiellement requise, pour qu'il y ait lieu de faire l'application de cet article, c'est la trahison. Il ne

suffit pas que le fait d'avoir livré une place ou un poste soit constant ; il faut encore que l'auteur de ce fait soit convaincu de l'avoir fait par trahison. Du reste, cette disposition n'est que le complément des art. 76 et 77 du code pénal commun, dans les termes desquels on trouvera la définition du mot trahison:

« ART. 76. Quiconque aura pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec les puissances étrangères ou leurs agents, pour les engager à commettre des hostilités, ou à entreprendre la guerre contre la France, ou pour leur en procurer les moyens, sera puni de mort et ses biens seront confisqués.

» Cette disposition aura lieu dans le cas même où lesdites machinations ou intelligences n'auraient pas été suivies d'hostilités.

» ART. 77. Sera également puni de mort et de la confiscation de ses biens, quiconque aura pratiqué des manœuvres ou entretenu des intelligences avec les ennemis de l'État. à l'effet de faciliter leur entrée sur le territoire ou dépendances du royaume, ou de leur livrer des villes, forteresses, places, postes, ports, magasins, arsenaux, vaisseaux ou bâtiments appartenant à la France, ou de fournir aux ennemis des secours en soldats, hommes, argent, vivres, armes ou munitions, ou de seconder les progrès de leurs armes sur les possessions ou contre les forces françaises de terre ou de mer, soit en ébranlant la fidélité des officiers, soldats, matelots ou autres, envers le Roi et l'État, soit de toute autre manière. » (Voyez les dispositions suivantes en note de l'art. 70 ci-après.)

Dans le projet de la commission dite des Codes, toutes les dispositions relatives aux faits de trahison ont été réunies dans un seul article, conçu en ces termes :

« ART. 26. Sera puni de mort précédée de la dégradation militaire :

» 1° Tout militaire qui a livré à l'ennemi, ou à tout autre, dans l'intérêt de l'ennemi, soit la troupe qu'il commandait, soit la place qui lui était confiée, soit les approvisionnements de l'armée en armes, vivres ou munitions, soit les états de situation de l'armée, soit les plans des places de guerre ou des arsenaux, soit les mots d'ordre et de ralliement, soit le secret du poste, d'une opération, d'une expédition ou d'une négociation;

» 2° Tout militaire qui a entretenu avec l'ennemi, de quelque manière que ce soit, des intelligences, ou commis des actes tendant à favoriser ses entreprises;

» 3° Tout militaire qui provoque à la fuite, ou empêche le ralliement en présence de l'ennemi ;

» 4° Tout militaire qui, dans l'intérêt de l'ennemi, encloue ou met hors de service un canon, mortier, obusier ou affût, ou détruit ou fait détruire des approvisionnements en armes, vivres ou munitions ;

» 5° Tout militaire qui participe à un complot tendant à forcer le commandant d'une place assiégée de se rendre ou de capituler;

» 6° Tout militaire qui, à l'armée, en présence de l'ennemi, profère des clameurs tendant à jeter l'épouvante et le désordre dans les rangs;

» 7° Tout militaire qui, à l'armée, en présence de l'ennemi en temps de guerre, invente ou répand des bruits tendant à tromper ou décourager la troupe ou à la détourner de ses devoirs. »

Cet article est extrait en grande partie du projet de code pénal amendé par la Chambre des Pairs en 1829.

De tout temps et chez tous les peuples, la trahison a été

ART. 56. Tout commandant d'une place assiégée, qui se sera permis de la rendre, ou de l'abandonner, sans l'avis du conseil de défense, dans lequel le chef de l'artillerie et celui du génie doivent aussi être convoqués, ou encore contre l'avis de la pluralité de ce conseil de défense, sera considéré comme traître, et puni par la corde (').

mise au premier rang des crimes et punie de la peine capitale. En Angleterre, le supplice des traitres est épouvan table; Blackstone, livre IV, chap. 8, le décrit avec quelques détails dans le passage suivant :

«En général, la peine du crime de haute trahison est terrible dans son appareil et dans ses effets. Le criminel doit être traîné jusqu'au gibet, et non conduit à pied ou en charrette; quoique l'usage, d'abord toléré, et à la longue adopté comme une loi par l'humanité, soit de le placer sur un traîneau ou sur une claie, pour lui épargner le supplice cruel d'être traîné sur la terre ou sur le pavé; il doit être pendu (hanget by the neck); puis on le descend du gibet, lui encore vivant; on lui arrache les entrailles, que l'on jette dans le feu; on lui coupe la téte; et l'on partage son corps en quartiers; les quatre parts et la tête sont mis à la disposition du Roi. Le Roi peut dispenser de toutes les parties de ce châtiment, à l'exception de la peine d'avoir la tête tranchée ce qu'il fait souvent, surtout lorsque le condamné est d'un sang noble. »

(') T. H. Elk commandant van een belegerde plaats, die, » zonder het advies van den krygsraad dier plaats, waarin » de chef zoo wel van de artillerie als die van de genie » geroepen moeten worden, of ook tegen het advies der

» meerderheid van dien krygsraad, zich de overgaaf of het » verlaten van zoodanige plaats veroorloofd, zal als verrader « beschouwd en met den strop gestraft worden.

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De la rendre ou de l'abandonner. Abandonner une place assiégée, dans les circonstances prévues par l'art. 56, est, aux yeux de la loi, un crime égal à celui de la rendre. En effet, le résultat est le même car il ne s'agit pas ici de l'abandon fait par un seul homme, le commandant; mais de l'abandon fait par la garnison qu'il commande. Cela résulte évidemment de ce que la loi parle de l'avis du conseil de défense, et de l'assimilation même qu'elle fait de l'abandon à la reddition.

Dans lequel le chef de l'artillerie et celui du génie doivent être convoqués. La convocation des chefs de l'artillerie et du génie au conseil de défense étant déclarée nécessaire par la loi, il s'ensuit que le commandant d'une place, qui la livrerait ou l'abandonnerait conformément à l'avis du conseil de défense, auquel ces officiers n'auraient pas été convoqués, serait aussi coupable que s'il avait agi sans l'avis du conseil de défense ou contrairement à l'avis de la pluralité des membres de ce conseil. Du reste, il est à observer que la responsabilité du commandant est à couvert (sauf le cas de l'art. 57 ci-dessous), dès l'instant que les chefs du génie et de l'artillerie ont été convoqués, et que la loi n'exige pas qu'ils aient été présents.

Pour bien comprendre le sens de cet article et du suivant, il est bon de les comparer l'un et l'autre à la disposition dans laquelle ils ont été puisés, c'est-à-dire au no 8 de l'art. 2 du tit. I de la loi du 21 brumaire an V. Cette disposition déclare coupable de trahison :

<< Tout commandant d'une place assiégée, qui, sans avoir pris l'avis ou contre le vœu de la majorité du conseil mili

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