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ce que l'on veut; propriété illimitée, c'est-à-dire le droit de disposer de chaque chose à son gré; sûreté illimitée, c'est-à-dire des garanties pour sa liberté, pour sa propriété, pour sa personne, sans aucune défalcation sous quelque rapport que ce puisse être; résistance illimitée à l'oppression, c'est-à-dire l'exercice illimité de la faculté de se garantir contre toute circonstance que ses passions ou son imagination peut concevoir comme oppression.

La nature, dit-on, a donné à tout homme des droits à toute chose. C'est absolument comme si l'on disait La nature n'a donné aucun droit à aucun homme. Car en fait de droits, les droits qui appartiennent à tous, n'appartiennent à personne.

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La nature a donné à tout homme des droits à toute chose. Eh bien, soit: voilà justement ce qui rend nécessaires un gouvernement civil et des lois civiles, pour fixer et déterminer les droits de chacun, sans quoi il n'y aurait plus de droits possibles. La nature a donné à tout homme des droits sur toute chose avant l'existence des lois et à défaut de loi. Cette universalité nominale et cette non-entité réelle, l'oracle révolutionnaire s'en empare, et la perpétue par la loi et en dépit de la loi.

Mais, dira-t-on, quoiqu'aucune limite n'ait été assignée à chacun de ces droits, cependant il est tacitement convenu que chacun d'eux sera limité par des lois positives. Je réponds que cette réserve est illusoire et tardive. Elle est en contradiction formelle avec toute la teneur de l'article; elle est en contra

diction avec elle-même; car en même temps qu'on déclare l'existence de ces droits, on les déclare imprescriptibles, c'est-à-dire inaltérables et au-dessus de l'intervention des lois.

En effet, c'est contre les lois et contre les lois seules que cette Déclaration est dirigée. C'est contre les entreprises des législateurs qu'elle se met en garde. C'est en vue de tous les dangers, de tous les envahissements de la législation qu'elle s'environne de garanties. Or, quelle garantie auraient, contre des législateurs, ces droits illimités, si l'étendue de ces droits devait dépendre de la volonté de ces mêmes législateurs.

Théorie absurde ou illusoire! il n'y a pas d'alternative, mais dans les deux cas également dange

reuse.

Voilà pour tous ces droits imprescriptibles en masse; maintenant en les examinant l'un après l'autre, nous allons voir qu'ils ne s'accordent pas plus entre eux, pris séparément, qu'ils ne s'accordent pris tous ensemble avec l'existence d'un vernement quelconque.

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La liberté donc est imprescriptible, c'est-à-dire qu'aucun gouvernement n'a le droit d'en rien retrancher, d'en rien modifier. Car il n'est fait aucune distinction, aucune exception, aucune réserve. Or, ce que ces gouverneurs du genre humain ne paraissent pas savoir, c'est que tous les droits sont établis aux dépens de la liberté, ainsi que toutes les lois par lesquelles des droits sont créés et confirmés. Il n'y

a pas de droit sans une obligation correspondante, Aussi toutes les lois sont-elles coercitives, à l'exception des lois constitutionnelles et de celles qui révoquent des lois coercitives. Par conséquent, toutes les lois sont contraires au droit naturel, c'est-à-dire nulles et pouvant être combattues par la résistance et l'insurrection. anclligi ab avainqonino asl

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La propriété. Les lois constitutives de la propriété sont frappées du même anathême. Car la propriété n'est donnée à un homme qu'en restreignant la liberté d'un autre. Comment votre maison est-elle votre propriété? En empêchant tout autre d'y avoir droit. Et pourtant la propriété est aussi rangée parmi ces droits naturels et imprescriptibles que l'hom me ne doit pas aux lois, et que les lois ne peuvent lui ôter. L'homme a un droit de propriété. Fort bien; mais pour que ce droit ait quelque sens, il faut qu'il soit relatif à un objet sur lequel il s'exerce. Car si un droit ne s'exerce sur rien, il n'a pas beaucoup de valeur, et ce n'est guère la peine de le proclamer si solennellement. En vain toutes les lois du monde assureraient-elles que j'ai droit à quelque chose; si c'est là tout ce qu'elles font pour moi, il faut que je prenne sans droit ce dont j'ai besoin, ou que je meure de faim. Déclarer un droit de propriété sur toutes choses, sans spécifier un objet, en relation avec ce droit, , c'est dire que tout appartient à tous, c'est-à-dire que rien n'appartient à personne en sorte, que l'effetde cet article ne serait pas d'établir la propriété, mais

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de l'abolir. Et voilà un des droits déclarés imprescriptibles. obalon d

Mais de l'absurdité même de ces conséquences on voudrait peut-être conclure que ce n'est pas là ée que les législateurs français avaient en vue. D'après cette manière de raisonner, tout sens que ces mêmes mots seraient susceptibles de renfermer, serait également repoussé. D'ailleurs, si ce n'est pas là le sens, faites-le moi connaître mais quelque sens que vous donniez, il est également absurde, également dangereux. Pour justifier l'article de cette dernière imputation, il n'y a qu'une seule voie, c'est de reconnaître qu'il n'a aucun sens.Cold conq » «3ff}

La sûreté vient en troisième sur cette liste de droits naturels et imprescriptibles que les lois n'ont pas donnés, et qu'elles ne peuvent ôter. Dans ce terme sûreté, auraient pu être comprises la liberté et la propriété, puisque la garantie de liberté, c'est-àdire la jouissance de la liberté, peut être considérée comme une branche de la sûrété; la garantie de propriété, c'est-à-dire la jouissance de la propriété, comme une autre. C'est done la sûreté relativement à la personne dont il est ici question; sûreté pour la personne contre toutes attaques et dommages, comme perte de la vie, perte des membres, blessures, coups, etc. Par conséquent, sont nulles toutes lois qui exposent de manière ou d'autre quelque personne à ces risques, toutes lois qui litrent un homme à une peine corporelle, qui l'exposent à un hasard personnel, en exigeant de lui du service comme militaire contre

les ennemis, comme officier de paix contre les délinquants. Nous n'avons pas besoin de multiplier les exemples pour démontrer toute l'absurdité de la proposition.

La résistance à l'oppression. Voilà le quatrième et dernier droit naturel et imprescriptible qui figure sur la liste. Il aurait fallu dire, en bonne logique, le droit de résister à l'oppression. Mais ne nous montrons pas trop difficiles.

Qu'est-ce que l'oppression? c'est le pouvoir agissant injustement au préjudice d'un individu. Mais, contre tout ce qui peut arriver sous le caractère d'oppression, toutes les précautions ont déjà été prises par la reconnaissance des trois droits précédents; car aucune oppression ne peut atteindre un homme qu'elle ne soit une violation de ses droits, soit en ce qui concerne sa liberté, ou sa propriété, ou sa sûreté. Pourquoi donc cette quatrième clause, après les trois autres? Le voici le mal qu'on cherche à éviter, les droits qu'on cherche à établir, sont les mêmes; la différence consiste dans la nature du remède à employer. Pour empêcher le mal, le but des trois clauses précédentes était de lier les mains des législateurs; le but de cette quatrième clause est d'armer la main de chaque individu.

Quand l'oppression vous menace, vous avez droit de résister à l'oppression; quand vous jugez qu'on vous opprime, vous jugez que vous avez le droit de résister, et vous résistez. Toutes les fois qu'une loi de quelque nature, qu'un acte quelconque du pouvoir

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