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general hewary

416.45

AVANT-PROPOS

En attendant la publication de mes Mémoires, que je prépare en ce moment, je crois devoir donner, dès aujourd'hui, un exposé rapide des principales circonstances qui ont précédé et suivi mon avénement au trône d'Araucanie et de Patagonie.

Pour éclairer la religion du public, au jugement de qui je fais appel, je mettrai sous ses yeux quantité de pièces officielles émanées de moi ou dirigées contre moi.

On me reprochera peut-être de ne pas avoir fondé plutôt une république qu'une royauté, dans un pays entouré de républiques. Je réponds d'avance que cette forme de gouvernement eût été repoussée par les Araucaniens, qui ont gardé bon souvenir de la royaliste Espagne, scrupuleuse observatrice des traités

BEB

IV

conclus avec leurs pères, et pour qui le mot de république, par le fait du Chili, est devenu synonyme de déloyauté.

Comme loi fondamentale du gouvernement que j'ai inauguré, la constitution décrétée le 17 novembre 1860 a une raison d'être incontestable les peuples qui m'ont acclamé ont une aptitude toute naturelle pour le régime qu'elle institue. Leurs assemblées, pour être tenues en plein air et à cheval, sont-elles moins des assemblées?-Du reste, cette constitution n'était exécutoire qu'après un laps de temps assez long, et je comptais appeler auprès de moi des compatriotes aussi recommandables par leur moralité que par leurs lumières, qui m'auraient aidé à accomplir l'œuvre de civilisation que j'avais entreprise.

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Les Araucaniens, on le sait, sont un peuple valeureux et jaloux de son indépendance, que le Chili a vainement essayé de dompter.

C'est tout ce que l'on en sait.

Disons donc d'abord un mot de l'Araucanie, que l'on ne connaît pas, puisqu'on la connaît mal, grâce aux inexactitudes des voyageurs et des géographes. L'Araucanie coupe le Chili en deux.

Elle est bornée au nord et au sud-ouest par cette république, à l'ouest par l'océan Pacifique, à l'est et au sud-est par la Patagonie.

L

Son climat, comme le climat de la Patagonie, est plus uniformément tempéré que celui de France : l'été, qui y dure près de huit mois, ressemble à la plus agréable de nos saisons, quand elle est belle, l'automne. On n'y entend parler ni d'épidémies, ni de fièvres. Le sol, arrosé par de nombreux cours d'eau, y est plus fertile qu'en France. Nulle part on ne peut trouver de vallées plus riches en pâturages et de coteaux couverts de plus belles forêts. Les montagnes renferment des minéraux de toute sorte. En revanche, il arrive qu'on voyage tout un jour sans heurter une seule pierre ou un seul caillou.

L'Araucanie est divisée en quatre provinces. La première comprend les Araucaniens proprement dits, sur les bords de l'océan Pacifique;

La seconde, les Huilliches, au sud-est des Araucaniens;

La troisième, les Moulouches, au nord des Huilliches, et à l'est des Araucaniens;

La quatrième, les Peguenches, à l'est des Moulouches, lesquels ne sont autres que les Patagons.

Ces provinces sont entièrement indépendantes les unes des autres; elles se subdivisent en tribus également indépendantes les unes des autres.

Chaque tribu est administrée par un cacique supérieur, qui a sous ses ordres plusieurs caciques subalternes échelonnés dans les villages, et auxquels il transmet sa volonté par l'intermédiaire de ses mocetons, courriers que l'on ne charge que de dépêches verbales (1).

Lorsque la guerre est imminente ou déclarée, les Araucaniens se réunissent pour nommer un chef qui prend le titre de toqui, et auquel est conféré le pouvoir d'appeler sous les armes tous les hommes valides, sans acception d'âge, et de les conduire contre l'ennemi.

L'armée ne se compose que de cavalerie.

Les soldats s'habillent et s'entretiennent à leurs frais, car il n'y a pas d'impôts en Araucanie. Chacun d'eux, pour l'entrée en campagne, doit être muni de provisions pour cinq ou six jours, lesquelles consistent en farine de blé grillé enfermée dans un sac, et en un mouton, ou moitié de mouton, ou une portion de bœuf, le tout fixé au cheval par une courroie. Il

(1) Chaque cacique dispose d'une douzaine de mocetons; la première condition pour tenir cet emploi, c'est de jouir d'une excellente mémoire. La mission de confiance, que remplit le moceton, lui communique un caractère sacré qui impose le respect; il lui est interdit d'assister à des festins, ce caractère pouvant y être méconnu.

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