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dence tout au long; et le témoin, dévoué à son pays, rapprochant ce qu'il savait de ce que lui avait dit l'interprète Quilaman, n'eut pas de peine à comprendre que le roi voulait introduire la rébellion en Araucanie et déclarer la guerre au gouvernement chilien.

Alors il supplia Quilaman de ne plus servir ce roi, et adressa la même prière à Lorenzo Lopez, qui résolut avec lui, si l'on peut parler ainsi, de le trahir. Les interprètes se placèrent tout de suite en arrière, et le roi s'avança dans la direction de Canglo avec le témoin. Il y resta un jour, puis se rendit à la maison du cacique Melin, à qui il tint le même langage qu'aux autres et communiqua son plan. Le cacique entra dans ses idées, lui offrit deux mille Indiens et l'engagea à aller voir le cacique de la frontière, Juan Trintre, pour convenir du jour de la réunion générale à Angol.

Le témoin envoya immédiatement un exprès, avec une lettre pour son capitaine Cartes, dans laquelle il l'avertissait que le roi avait excité à la révolte les Indiens, et suppliait son capitaine de remettre cette lettre à l'autorité compétente, afin qu'on envoyât une force suffisante pour s'emparer du roi.

Au lieu de conduire ce dernier chez le cacique Juan Trintre, il le mena, par ruse, du côté de la rivière Malleco. Alors le roi lui demanda où était la ́ maison du cacique. Le témoin qui s'était entretenu sur les bords de cette rivière avec le domestique qui avait porté sa lettre à Nacimiento, lui avait dit que la force armée venait prendre le roi et qu'elle était très-proche.

Il continua d'abuser celui-ci et le mena promener au soleil, sous des poiriers qui sont de ce côté de la rivière. Peu de temps après, la partie qu'on attendait arriva, se saisit du roi et le remit à l'autorité de Nacimiento. Le témoin ajoute que, pour écrire sa lettre qui est classée sous le n° 3, il eut besoin, ne sachant pas tenir une plume, de l'aide d'un ami.

Il avait résolu, avec l'interprète, d'abandonner le roi et de faire en sorte qu'il tombât entre les mains de la justice. Tout ce qu'il a dit dans sa déposition, il l'a vu ou entendu. Les autres Indiens qui peuvent aussi en déposer se trouvent en Araucanie. Quant à lui, il n'a plus rien à ajouter, et ce qu'il a déclaré, il l'a fait conformément au serment qu'il a prêté de ne dire que la vérité.

Le témoin, ne sachant signer, fait une croix. C'est pourquoi sa déposition n'est suivie que des signatures du ministère public et du greffier.

Signé ESTEVAN CAMINO.

Devant moi,

MARCO RIVEROS, greffier.

PREMIER INTERROGATOIRE.

Nacimiento, le 6 janvier 1862.

Je fis venir devant moi (1) celui qui s'intitule roi d'Araucanie et se qualifie d'Orllie-Antoine Jer, lequel promit de dire la vérité sur les faits invoqués dans son interrogatoire.

DEMANDE. - Quels sont vos nom, âge et profes

sion?

RÉPONSE. Son nom actuel est celui qu'il a pris lorsqu'il a été proclamé par les Araucaniens; il porte, dans sa famille, le nom et le titre de prince Orllie-Antoine de Tounens. Son âge est trente-six ans; il est sans profession et s'intitule roi d'Araucanie. D. Connaissez-vous la cause de votre em

prisonnement?

(1) C'est ESTEVAN CAMINO qui parle.

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R. Il l'ignore; il n'a rien fait pour donner au Chili le droit de se saisir de lui. Conséquemment il croit que le gouvernement a violé le droit des gens dans sa personne, lui ôtant la faculté qu'a tout homme libre de voyager d'une extrémité de l'Amérique à l'autre, pourvu qu'il ne trouble pas l'ordre public. Il pense qu'on a lésé en lui non-seulement le citoyen libre, mais l'élu des Araucaniens.

D.

Faites-nous une relation détaillée et exacte de vos pas et démarches, et de vos entrevues avec les Indiens, depuis votre départ du Chili jusqu'à votre arrestation.

Dites pourquoi vous êtes allé à la terre, et rapportez tous les incidents de vos excursions.

R. Il y a environ un an qu'il se rendit sur les bords du fleuve Impérial, à près de quarante lieues au nord de Valdivia. Là, après avoir consulté plusieurs caciques sur son projet de fonder, en Araucanie, une monarchie constitutionnelle, et après avoir obtenu leur adhésion, il prit le titre de roi d'Araucanie et en avisa le gouvernement chilien qui ne lui fit aucune réponse.

Il alla ensuite à Valparaiso où il séjourna neuf mois; après, il se rendit à Nacimiento, où il arriva

le 19 décembre dernier, avec l'intention d'aller en Araucanie et s'y faire nommer roi. Il partit effectivement pour la terre, le 22 du même mois, accompagné de son domestique, J.-B. Rosales, à qui il convint de donner 15 piastres, à la condition que celui-ci le mènerait chez le cacique Guentucol; mais, arrivés là, Rosales objecta que son salaire était trop minime, et alors, pour le contenter et l'encourager à l'accompagner plus loin, le roi lui fit le billet de 50 piastres classé sous le n° 1.

Il s'arrêta, en premier lieu, sur les bords du Renaico; le jour suivant, il se remit en marche et gagna la maison de l'Indien Lorenzo Lopez, qui lui servit d'interprète auprès du cacique Leviou. Dans cette première entrevue, il fit entendre au cacique qu'il fallait rassembler tous les Indiens qui dépendaient de lui, pour leur communiquer l'objet de sa proposition.

Cette réunion eut lieu deux jours après. Le roi dit aux assistants, par l'entremise de son interprète, qu'il était venu pour qu'ils le reconnussent roi d'Araucanie, et que, cette reconnaissance faite, il entrerait en pourparler avec le gouvernement chilien et lui proposerait un traité de paix. Sa motion fut unanimement approuvée et l'assemblée se sépara au cri

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