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tion; et qu'en conséquence on déclare que le roi peut et doit être jugé. Quelqu'un n'a-t-il point été tenté d'applaudir à la témérité de ces horreurs? Oui, messieurs, dans un club qui a ordonné l'impression de cette production...., à la maniere dont il s'exprime, ne diroit-on pas que la nation n'existe que dans Warville et ses adhérens.

Messieurs, voici ce qu'on ajoute à ces manoeuvres, on dit avec confiance dans ces clubs, c'est la volonté générale de tout Paris. On écrit en conséquence dans les provinces, on s'adresse aux hommes dont on sait que les têtes sont, et plus foibles et plus évaporées; de là des adhésions, puis on vous dit c'est le vœu de Paris, c'est le vou des 83 départemens, et cela se trouve aux portes de la salle répété par des gens qui étoient payés pour le dire, et qui ne savent pas que vos départemens sont au nombre dit (applaudi).

Quoique j'applaudisse avec ce qu'il y a de gens sages dans la capitale et dans les départemens, aux mesures proposées par vos comités, je ne puis me dispenser de vous faire appercevoir dans le projet de décret une légere imperfection. Les principes du rapport sont excellens; mais le projet de décret est incomplet, en demandant que l'on aille anx voix sur le projet du comité ; je demande par amendement que l'assemblée nationale déclare qu'elle ne cessera de maintenir comme un des points fondamentaux de la constitution, que la personne du roi est inviolable et sacrée (applaudi, l'impression du discours).

Plusieurs membres: L'ordre du jour.

L'assemblée a décidé qu'on ne passeroit pas à l'ordre du

jour.

M. Pontrain: Je demande si l'assemblée nationale veut déclarer avec M. Goupil de Préfeln que M. de Condorcet est ́un. . . ... ( oui, oui,).

M. Dumetz Je demande l'ajournement, il y a quelques erreurs dans ce qu'à dit M. Goupil.

M. L'évêque de St. Flour: Je demande la parole sur l'impression.

MM. Il est impossible d'imprimer un discours fait de mémoire (murmures).

M. Goupil: Je demande aussi l'ordre du jour, car j'ai parlé d'abondance de cœur.

Lettre de M. Rochambeau fils.

Monsieur le président, avant mon départ pour servir dans l'armée de ligne dans le grade d'aide de camp sous les

ordres de mon pere, je vous prie de vouloir bien faire part à l'assemblée nationale de mon dévouement à la constitution décrétée par elle et du serment que je m'estime heureux de prêter entre ses mains. J'ai, étc. Rochambedu fils.

Un des secrétaires : M. le Clerc, ancien colonel d'infanterie, envoie aussi son sermənt à l'assemblée nationale. On reprend la discussion.

M. Grégoire: Entendre dire autour de moi qu'il ne convient pas à un prêtre de traiter la question présente! (non, non).

M. d'Arnaudat: Personne ne vous l'a dit. Vous commencez par des mensonges : vous finirez par des horreurs bruit).

M. le président: Monsieur l'opinant, c'est apparemment une figure que M. a voulu employer.

M. Grégoire: Quelle que soit mon opinion, je parlerai d'après ma conscience (ah! ah! ah!), et au lieu de comparer mon opinion avec mon état, je demande que l'on me réfute; du reste, messieurs, quelle que soit mon opinion, lorsque l'assemblée aura prononcé, je serai soumis à vos décrets (ris), et jamais je ne me permettrai de protester contre.

Quand vous traitez la question d'inviolabilité absolue, et d'aprés les principes, et dans la situation où se trouve actnellement la France, je réfuterai plusieurs argumens présentés par divers préopinans en faveur du comité. Je leur rappellerai quelques objections qu'ils pas combattu, et j'y en ajouterai de nouvelles, en appliquant aux circonstances actuelles la doctrine de l'inviolabilité absolue; j'établirai que le projet des comités est rejetté par l'intérêt national.

Louis XVI a agi, disoit-on hier, ou comme roi, ou comme citoyen; si comme roi, il n'avoit pas passé les frontieres, il est inviolable aux termes du décret; si comme citoyen, il est permis à tout citoyen d'aller et venir dans l'étendue de l'empire, il n'y a pas de délit. Ce raisonnement est vicieux,' parce qu'il considere Louis, XVI toujours abstraction faite des circonstances liées à son évasion.

Le premier fonctionnaire public abandonne son poste; il se munit d'un faux passeport; après avoir dit, en écrivant aux puissances étrangeres, que les ennemis les plus dangereux sont ceux qui affectent de répandre des doutes sur les intentions du monarque, il viole sa parole, il laisse aux François une déclaration; que si elle n'est pas criminelle, elle est, de quelque maniere qu'on l'envisage, au moins contralre aux principes de notre liberté. Il n'a pu ignorer que sa fuite exposoit la nation aux dangers de la guerre civile.

Enfin, dans l'hypothese, qu'il ne vouloit aller qu'à Montmédy; je dis, ou il vouloit se borner à fa redes observations paisibles à l'assemblée nationale sur ses décrets, et pour cela il étoit inutile de fuir ou il vouloit soutenir ses prétentions à main armée, et alors c'étoit une conspiration contre la liberté. Cette alternative forme sans doute un dilême contraire à ceux qui soutenoient l'avis des co

mités.

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Mais, dit-on, pour mettre quelqu'un en jugement, il faut que le délit soit qualifié, qu'il y ait une loi préexistante : ici il n'y en avoit pas. Quoi!,messieurs, nous n'avions pas de loix antérieures concernent la violation des promesses, les attentats contre la liberté publique ! D'ailleurs, en raisonnant ainsi, quel moyen laissez-vous au peuple qui réforme son gouvernement, de repousser les attaques qu'on veut lui porter..

Avez-vous donc oublié cette maxime, maxime révérée par tout l'univers, que le salut du peuple est la loi suprême. Pour combattre plus efficacement encore cet argument, que je regarde comme absurde, je dis que si, sous prétexte qu'une loi n'est pas encore faite, un individu pouvoit être inviolable, quels que fussent le nombre et l'énormité de ses délits; alors il peut rompre le contrat social, ourdir les plus affreux complots, et plonger un peuple entier dans l'abyme

de tous les maux.

En admettant une pareille absurdité, on eût pu à Versailles, soutenir les arrêtés de la séence royale avec les régimens que l'on avoit fait venir, anéantir les espérances que la nation avoit conçu de nos travaux, et vous étouffer sous les débris de cette enceinte, ou vous avez jettés les fondemens du bonheur public.

Mais dit-on, si le roi n'est pas inviolable, deux calomniateurs pourront le traduire en jugement non, car il faudroit préalablement, suivant nos loix nouvelles, que le juré pro: nonçat qu'il y a lieu à accusation.

Mais, dit-on, le pouvoir exécutif doit être séparé du pouvoir législatif, il ne le seroit pas, si celui qui l'exerce n'est point investi de l'inviolabilité. Je crois, messieurs, que l'on confond ici la séparation des pouvoirs avec l'indépendance des pouvoirs. On pourroit soutenir jusqu'à un certain point que le ponvoir exécutif n'est pas dépendant du corps legislatif; mais je réponds par un raisonnement de parité, le corps législatif devant être indépendant du pouvoir exécutif, les législateurs doivent être inviolables dans tous les cas ; ce que certainement vous n'ajouterez pas.

Je crois en second lieu que vous n'adopterez pas que tous les pouvoirs constitués doivent s'exercer sans qu'on puisse en suspendre, ni en troubler l'exercice pour établir l'inviolabilité de ceux qui les exercent: ainsi vouloir de l'indépendance conclure à l'inviolabilité, c'est assurément fausser la conséquence.

Je dis en troisieme lieu qu'il ne s'agit pas de subordonner le pouvoir exécutif à une législature; mais bien à une convention nationale, qui, dépositaire de tous les pouvoirs, les repartit, en fixe la latitude; mais prétendre que le pouvoir exécutif doit être indépendant même d'une convention nationale, ce seroit évidemment dire que le pouvoir exécutif sera indépendant de la nation même, principe absurde qui, trop long-tems a consacré l'esclavage et la misere des penples.

Mais, a-t-on dit, si le roi n'est pas inviolable dans tous les cas, la majesté du trône court les dangers d'être avili; Pour détruire cette objection il suffit d'en faire sentir le ridicule. Autant vaudroit-il nous dire qu'un homme sera avili si on réprime ses passions, qu'il sera avili s'il est soumis aux loix. Mais, ajoute-t-on, le bonheur public exige que le roi soit inviolable. Je réponds: pour que la société politique puisse se maintenir, il faut qu'elle puisse exprimer tous les attentats dirigés contre sa sûreté; le roi doit être inviolable dans tous les actes qui tiennent à la royauté, parce que', comme on l'a dit, dans ce cas il a un ministre responsable; mais pour les cas où l'on ne trouve pas cet agent, cette responsabilité doit porter sur le monarque. Car s'il est un seul homme qui faisant exécuter les loix n'y soit pas soumis, s'il est un seul homme devant lequel la loi soit muette; si cette loi, suivant l'expression d'un écrivain, ne dirige pas son glaive, sur un point horisontal pour abattre ce qui la dépasse, alors un seul individu paralysant toute la force nationale peut tout entreprendre contre la nation.

On avoit observé aux partisans de l'inviolabilité absolue, que cette doctrine autoriseroit tous les crimes. Un des préopinans répond, en disant, que dans une attaque individuelle chacun auroit droit de repousser un roi agresseur; mais je le lui demande, si un homme attaqué succombe sous le fer de l'agresseur, celui-ci sera-t-il inviolable? Il n'a donc fait que reculer la difficulté, au lieu de la résoudre : ainsi, lorsqu'un défensenr de l'opinion que je soutiens a objecté que l'inviolabilité absolue du monarque appelleroit malheureusement sur lui les vengeances particulieres, son argument reste dans toute sa force, et j'observerai encore, qu'on

ne lui a pas répondu. Lorsqu'il établit que l'inviolabilité du roi exigeoit l'absolution de ses complices, il a eu raison. Après avoir combattu les raisons des préopinans, je dirai encore que le roi pourroit être inviolable, parce que la constitution le déclare tel; mais le roi a protesté contre cette constitution. Peut-il donc invcquer le bénéfice d'une loi contre laquelle il protește, et qu'il a voulu anéantir. J'ai ouï répêter souvent, que le roi devoit avoir tous les moyens d'opérer le bien, mais qu'il devoit être sans force pour faire le mal. Quoi ! afin qu'il soit sans force pour faire le mal, vous le déclarez inviolable en tout; c'est-à-dire, que vous voulez que ses passions n'aient aucun frein, qu'il puisse impunément se porter à tous les excès. Qu'on me dise ce que c'est qu'une contradiction, si celle-là n'est pas évidente. Ainsi donc, vouloir établir l'inviolabilité absolue, c'est renverser tous les principes, c'est fonder la liberté publique sur l'immoralité. Que les rois soient bons, qu'ils soient justes, leur inviolabilité sera plus assurée. Alfrede n'avoit pas besoin de pareilles loix, l'amour du peuple formoit autour de lui un rempart impénétrable.

Après avoir établi ce principe conscrvateur de la liberté je l'applique aux circonstances actuelles et je dis que l'avantage de la nation repousse le projet de vos comités. Si le roi ne peut pas être mis en cause, alors il me semble que le voilà dans l'état ou il étoit avant sa faite et en contestant le passé, voyons ce que l'avenir vous promet. Déjà plusieurs fois vous avez été à la veille d'une contre-révolution. Je pourrois rappeller les troupes appelées à Versailles; la séance royale; les scenes du mois d'avril dernier, et enfin l'évasion du roi. La soif du pouvoir, la facilité d'intriguer, et peutêtre des vengeances à assouvir, car une cour ne pardonne pas. Nous aurons peut-être une douzaine de conspirations nouvelles, et enfin dans ce nombre il y aura une chance contre vous qui étouffera la liberté et ensevelira sous les ruines de la constitution ceux qui en sont les défenseurs et les amis (applaudi ).

D'ailleurs, Messieurs, le bonheur du peuple seroit-il bien garanti sous un roi foible, n'auriez-vous pas alors des maires du palais, et voilà cependant sur quoi reposeront vos espérances ou plutôt votre erreur. Je dis d'ailleurs que la loi ne devoit être que l'expression de la volonté générale : nous devons être prêts sans cesse à l'exécuter. Un ambassadeur disoit aux Hollandois, nous déciderons de vous chez vous et sans vous; mais les représentans du peuple outrageroient la nation s'ils décidoient de son sort sans elle et peut-être contre elle, Contre son vou (murmures).

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